André Dorais
Que doit-on faire de l’«assurance-emploi» en temps de crise économique? Doit-on en rendre les critères d’éligibilité plus flexibles ou plus rigides? Augmenter ou réduire les prestations? Augmenter ou réduire la durée de celles-ci? La majorité des partis politiques optent pour plus de flexibilité dans l’un ou l’autre de ces aspects. Ils voient en cette décision à la fois une façon d’exprimer leur compassion envers ceux qui se retrouvent sans emploi et une manière efficace de contrer la pauvreté. Ont-ils raison?
Une certaine idée de la morale comme principe de la social-démocratie
Il est pratiquement impossible de déterminer si les politiciens ressentent ou non de la compassion pour les chômeurs puisqu’elle constitue un sentiment qui porte à plaindre et partager les maux d’autrui. Un sentiment ne se mesure pas, c’est-à-dire qu’on ne peut pas en déterminer la véracité par une action. On ne peut pas dire d’un individu qu’il ressent de la compassion pour un autre parce qu’il lui donne de l’argent. On peut donner par intérêt, pour tromper, etc. Cela est d’autant plus vrai pour les politiciens et les fonctionnaires puisque ce qu’ils donnent provient de ce qu’ils ont soutiré à d’autres via l’imposition et la taxation.
Certaines gens accompagnent leur sentiment de compassion d’un don quelconque, mais encore faut-il se préoccuper de la provenance de ce don avant de conclure à la pureté des sentiments. Dès lors qu’on donne à quelqu’un de l’argent, ou un bien, volé d’autrui, la générosité du don est réduite par l’illégalité de sa provenance. De même, un don dont la source est la taxation en réduit la valeur. Qu’on distingue la taxation du vol, il ne demeure pas moins vrai qu’elle est obligatoire et qu’on l’établit à l’encontre de la volonté de plusieurs. La morale d’État n’est pas universelle.
Que les hommes d’État taxent les contribuables pour redistribuer aux chômeurs une partie de cette somme ne signifie pas qu’ils aient de la compassion pour eux. Qu’ils envahissent les médias pour proclamer leur compassion ne le garantit pas davantage. Ils voudraient qu’on les croie, mais c’est tout ce qu’on peut faire : les croire ou non. Si on ne peut pas déterminer leur compassion par l’argent qu’ils octroient aux chômeurs, peut-on au moins dire que, par ce geste, ils sont généreux? Tant que l’argent ne provient pas de leurs propres poches, on ne peut pas en être sûr.
Bien que la générosité ne soit pas entièrement confinée aux sentiments, on ne peut pas conclure que cela en est tant qu’on n’en connaît pas l’intention. Une générosité dont la source préalable est la taxation constitue, au mieux, une générosité de deuxième ordre puisqu’elle est altérée par des motifs moins vertueux. Il s’ensuit qu’on ne peut pas conclure à une supériorité morale de la part de ceux qui sont prêts à donner plus d’argent aux chômeurs via la taxation. Reste à savoir si ce moyen est efficace pour contrer la pauvreté.
L’efficacité comme cause souhaitable de la morale sociale-démocrate
La pensée sociale-démocrate, ou simplement démocrate, ressemble davantage au libéralisme, voire à l’anarchisme libéral, qu’il n’y paraît. En effet, les deux prétendent donner plus de poids à l’éthique qu’à l’efficacité économique. Leur principale différence réside dans leur définition de la morale, ou l’éthique. La social-démocratie lui donne une définition imprécise : l’État doit aider les gens dans le besoin. Au contraire, le libéralisme en a une définition précise, mais non pratiquée : respect intégral du principe de propriété. D’une morale précise et concise, mais exigeante, suit une grande efficacité, alors que d’une définition floue de la morale suit une efficacité de même acabit.
L’argent remis aux chômeurs les prémunie-t-il de la pauvreté? Leur condition est sécurisée, mais au détriment des autres travailleurs qui, doit-on le rappeler, ne sont pas des assurés volontaires puisque l’assurance-emploi est imposée par l’État. À moyen et à long terme cette fausse compassion s’établit au détriment de tous, y compris de ceux qu’elle cherchait à aider en premier lieu. Il en est ainsi pour au moins deux raisons : 1) étant donné que les entrepreneurs sont obligés de cotiser davantage, suivant la «compassion» imposée du gouvernement, ils se retrouvent avec moins de ressources disponibles pour créer de l’emploi; 2) les chômeurs sont moins incités à en rechercher puisque leur statut d’assurés, suivant l’amélioration de leurs conditions, ressemble davantage à celui des travailleurs qui restent.
Les sociaux-démocrates (démocrates, interventionnistes, étatistes, etc.) s’en remettent à l’État pour aider les gens, car ils lui attribuent des pouvoirs qu’il n’a pas. Ils lui demandent d’imposer la compassion et de rétablir la richesse, alors que ni l’une, ni l’autre ne s’impose. Il ne suffit pas d’une loi pour créer de la richesse, si c’était le cas, tous les pays du monde auraient fait disparaître la pauvreté depuis longtemps. À leur esprit, il suffit d’augmenter le salaire minimum, l’assurance-emploi, les allocations parentales, et cetera, pour régler le problème de la pauvreté. C’est de la morale à cinq sous, pire, de la naïveté assortie de pouvoir coercitif, de la violence qui s’ignore.
À l’instar de tous les programmes sociaux, l’assurance-emploi doit être réduite pour accroître le pouvoir d’achat de chacun, d’autant plus en temps de crise économique puisque tout le monde est affecté à divers degrés. C’est contre intuitif, mais cela ne fait que démontrer la difficulté de la science économique. À la différence du politique, l’économique ne discrimine pas, elle traite tout le monde sur un pied d’égalité.
L’emploi est illimité tant que les gouvernements n’interviennent pas pour en fausser les conditions sous le prétexte de les améliorer. Le chômage n’est pas naturel, mais institutionnel; il est dû à l’interventionnisme de l’État. L’emploi provient de la rareté, du désir des gens pour des biens et des services de meilleures qualités et en plus grande quantité. Puisque ce désir est inassouvissable, il y a de l’emploi pour tout le monde. Seule la politique, la morale collective d’État, l’interventionnisme, empêche ce résultat d’advenir.
Que la majorité des économistes n’arrivent pas à ces conclusions, qu’ils se rallient, au contraire, à la majorité des politiciens pour revendiquer plus d’État, dont plus de générosité de deuxième ordre envers les chômeurs, ne démontre pas la déroute de la science économique, mais leur incapacité à la comprendre. Ne se disent-ils pas dépassés par les événements? Or, lorsque les experts censés guidés les gouvernements sont eux-mêmes perdus, comment se surprendre d’être en crise aussi profonde? Les politiciens inclinent déjà à intervenir partout, mais si, de plus, ils y sont encouragés par la majorité des économistes, alors la voie est tracée pour une deuxième Grande Dépression.
C’est à la fois l’incohérence des économistes et l’aveuglement des politiciens qui a conduit à la Grande Dépression, soit une plus grande pauvreté pour la vaste majorité des gens. Cette même incohérence et ce même aveuglement pourraient nous y conduire de nouveau. Le point commun de cet esprit obtus est sa morale incertaine.
Par chance, ce ne sont pas tous les économistes et pas tous les politiciens qui sont dépassés par les événements. Ceux-ci doivent continuer à encourager les gens à substituer l’éthique libérale à la morale sociale-démocrate, l’éthique au politique, le pouvoir individuel au pouvoir collectif de l’État. Ils doivent répéter les mêmes arguments à d’autres individus, en présenter de meilleurs à ceux qui ne sont pas convaincus, mais jamais utiliser la force. Ils laissent ce moyen aux sociaux-démocrates. Il y a de l’espoir puisque la légitimité et la science sont de leur côté. On doit être patient et persistant. Une bonne morale se montre par l’exemple, tandis qu'une science, digne de ce nom, n'a nul besoin de coercition pour s'établir.
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