Chaque Québécois doit plus de 34 000 $ au provincial seulement

Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

31 octobre, 2020

Les compensations de l’Etat ne remplacent pas les idées des entrepreneurs

 L’industrie a besoin de compétitivité lui permettant d’obtenir des résultats lui permettant d’investir : elle n’a jamais demandé les béquilles de la technocratie.

Dès qu’il s’agit d’aider l’industrie apparaît immédiatement dans la bouche des politiques le mot « compensation ». Pourtant, en français on compense un dommage ou un travail par de l’argent, c’est un équivalent d’honoraires.

Il y a donc eu une évolution du langage devenu aussi celui de la presse et des organisations syndicales puisque l’on paie l’industrie et qu’elle doit « compenser » par une bonne conduite en termes de … quantités de critères. On a donc inversé le concept. Inutile d’ergoter, ce n’est ni la première ni la dernière fois qu’on abuse de la langue française.

DEUX CAS À EXAMINER

Cependant ce propos liminaire est plus sérieux qu’on l’imagine car de deux choses l’une : ou l’industrie mérite une aide car l’Etat la juge indispensable au développement du pays, ou cette aide est indue et il faut qu’elle en paie le prix avec des prestations qui ne vont pas de soi.

Dans le premier cas, on constate que l’industrie française est mal en point, qu’elle périclite et qu’elle entraîne avec elle une fragilisation de la société nationale, perte de souveraineté, chômage structurel… et on lui demande de résister, de rester localisée dans le pays et d’investir pour l’avenir.

Dans le deuxième cas on pense que l’on commet une erreur coupable nécessitant de l’obliger à réaliser des opérations qu’elle ne ferait pas spontanément.

La première attitude est une manifestation de confiance, la seconde est plus que soupçonneuse, elle induit une méfiance, des règles à suivre et des contrôles à subir.

C’est bien la seconde voie qui est choisie, et pourtant elle mène à l’échec, c’est toute l’ambiguïté du fameux « plan de relance » et des « compensations » laissées à la sagacité des parlementaires qui vont s’en donner à cœur joie, espérant par là même se transformer en industriels le temps d’un discours ou d’un vote sans avoir jamais cherché à comprendre comment fonctionnait ce monde des ateliers, des usines et des laboratoires regroupant des hommes, des femmes et des machines.

ON CHOISIT LA PRODUCTION PARCE QU’ON AIME ÇA

Tout d’abord, oublions le monde de Zola, ce n’est pas l’industrie d’aujourd’hui, ni de demain, on entre dans le secteur de production parce que l’on aime ça, on choisit son secteur et son métier.

Si on n’aime pas le produit, la machine, l’ambiance, le travail, le lieu, on s’échappe, plus ou moins tôt, et les chefs d’établissements repèrent rapidement ceux qui ont l’intérêt, le goût, l’enthousiasme nécessaires à l’accomplissement des missions qui leur sont confiées : on ne vient pas en marche arrière, on est fiers du travail accompli et il n’y a qu’à voir la colère du personnel lorsque l’on ferme des sites, ils aimaient leur travail, leur produit, et ils veulent poursuivre.

Il y a, certes, l’angoisse de perdre un travail et la paie, mais c’est loin d’être la totalité des problèmes à traiter, on l’a vu récemment avec la fermeture de la Centrale nucléaire de Fessenheim où la résistance a existé jusqu’au bout alors qu’il n’y avait aucune autre plaie que celle de fermer un outil « moderne qui fonctionnait bien et qui apportait au pays l’énergie dont il a besoin ».

Si le patron respecte les salariés et l’outil de travail, s’il investit dans des techniques modernes, il est l’objet de revendications, mais pas d’opprobre. Le respect du personnel est essentiel car il faut écouter tous et toutes pour conserver les performances, c’est l’entreprise moderne, celle que les uns et les autres nous vivons tous les jours, celle que les parlementaires ignorent.

Obsédés par les techniques nouvelles, les « soupçonneux » imaginent que l’industrie française a « pris du retard » car elle n’a pas pris le virage du numérique ! Dans quel atelier et dans quelle usine ont-ils réussi à se forger cette idée ?

Il est clair que tous les concepteurs, tous les machinistes sont friands des solutions nouvelles, se documentent, vont chez leurs fournisseurs ou leurs clients et bavent devant les logiciels, les robots, les tablettes, les plateformes de collaboration … et attendent de leurs directions des investissements dont ils espèrent tirer le meilleur profit pour améliorer les performances et surtout la qualité.

QU’EST-CE QUI PLOMBE L’INDUSTRIE FRANÇAISE ?

Ce n’est pas la volonté qui manque, les idées non plus, l’imagination encore moins, le pays regorge au contraire d’innovateurs en herbe prêts à se précipiter sur le dernier cri de la technologie, mais il faut de l’argent pour investir et c’est là que la bât blesse ! Les résultats des entreprises françaises à majorité implantées dans notre pays souffrent de plusieurs maux qu’il nous faut nommer et combattre.

Il faut arrêter le délire actuel de ceux qui pensent que grâce à l’intelligence de bureaucrates et à leur contrôle tatillon l’industrie va mieux se porter. Si les « compensations » c’est de mettre des technocrates incompétents comme initiateurs d’idées, stratèges et juges, on se trompe et gravement. L’industrie a besoin de compétitivité lui permettant d’obtenir des résultats lui permettant d’investir : elle n’a jamais demandé les béquilles de la technocratie.

Tout d’abord elle doit pouvoir se comparer à ses concurrents, surtout les européens, elle est surimposée, on le sait, mais à chaque fois que l’on réduit un temps soit peu l’addition on parle de « cadeaux » et … de compensation !

Que n’a-t-on entendu au moment du CICE qui ne venait que rétablir pour certains un préjudice fiscal terrible et mortifère. Il est temps soit de confier à l’Europe une harmonisation fiscale, soit de la réaliser nous-mêmes, mais on ne peut pas lutter avec deux boulets aux pieds, celui de la pression fiscale et celui du mépris et de l’arrogance de l’administration.

LE MARÉCAGE RÉGLEMENTAIRE

Plutôt que de parler de « relocalisations « et d’en obtenir deux ou trois évidentes, il faut s’interroger sur les causes structurelles de ces évasions émanant de chefs d’entreprises français et patriotes engagés dans des filets aux mailles de plus en plus serrées : nous devons regarder ensemble nos normes et règlements, les réformer et surtout demander aux acteurs de l’administration leur application intelligente, c’est-à-dire apte à assurer le maintien des implantations sur notre territoire.

L’administration française est également patriote, elle veut une industrie française, il est temps que le Gouvernement et le Parlement le lui disent et lui demandent de permettre aux usines, ateliers et laboratoires de rester sur notre sol.

Enfin, on ne le dira jamais assez, il faut de l’argent pour investir, non pas seulement dans tous les pays du monde mais chez nous avec notre personnel nos idées, nos compétences, et si cet argent doit venir de l’Etat comme il semble que nous y soyons résignés, nous faisons fausse route, il doit venir de notre épargne et c’est à l’Etat de favoriser l’engouement des investisseurs vers les secteurs industriels … mais cela n’est possible qu’après le rétablissement objectif de la confiance.

30 octobre, 2020

Taxer et réglementer Google pénalisera les consommateurs et les sous-traitants

 

Lorsque les politiques manquent d’idées – ce qui arrive très souvent – ils proposent des taxes et des réglementations. Les GAFA et leur succès mondial sont, dans la plupart des pays, les victimes faciles et idéales de ces décideurs en campagne ou tout simplement à la recherche d’un nouveau souffle. En France, Bruno Le Maire ne manque pas une occasion de rappeler que son principal objectif est une taxe mondiale appliquée aux GAFA. Lors du récent attentat islamiste contre un enseignant, on a rapidement trouvé des coupables faciles à condamner : les réseaux sociaux. Coupables de relayer la violence, coupables de susciter d’autres vocations en propageant les images d’attentats dans le monde entier. Comme si le terrorisme n’avait pas existé bien avant qu’ils n’apparaissent ! Pourquoi alors ne pas interdire la voiture, qui provoque des accidents mortels, souvent à cause de conducteurs irresponsables ? Les GAFA ne sont pas plus coupables que les constructeurs de voitures.

Il y a quelques jours, Google est redevenu la cible de la justice américaine pour position dominante. En gros, on reproche au géant d’avoir constitué un monopole. Il est vrai qu’il domine le marché américain de la recherche en ligne, représentant environ 90% des requêtes générales, et 95% sur les appareils mobiles. Environ 40 % des smartphones américains fonctionnent sur le système open source Android de Google, avec de nombreuses applications, y compris son navigateur Chrome et son moteur de recherche, préinstallés. Il est vrai que Google exige des fabricants de smartphones qui accordent une licence à son système Android de préinstaller ses applications sous la forme d’un ensemble comprenant un navigateur de recherche. Mais en leur cédant, y compris à des concurrents comme Apple et Mozilla, une part de ses revenus publicitaires. Et puis, les consommateurs peuvent choisir. Par exemple, en 2014, Mozilla a conclu un accord pour faire de Yahoo son moteur de recherche par défaut, mais est passé à Google en 2017 parce que les utilisateurs le préféraient.
De plus, les consommateurs peuvent facilement télécharger d’autres navigateurs et moteurs de recherche s’ils n’apprécient pas ceux de Google. La plupart des moteurs et navigateurs Web sont gratuits. Bing, de Microsoft, offre même des avantages à ses utilisateurs. Google, lui, utilise sa fonction de recherche générale pour attirer le chaland, mais gagne de l’argent en vendant des publicités sur des requêtes spécialisées.
L’IREF a montré dans une Note publiée récemment qu’essayer de taxer et de réglementer les géants du numérique ne fera que pénaliser les utilisateurs. Notre institut a aussi montré que les tentatives pour lancer des plateformes numériques nationales ont été nombreuses, avec autant d’échecs. Laissons donc les consommateurs choisir.
Par contre, les GAFA ne devraient pas s’immiscer dans le débat idéologique. Youtube (Google) a censuré des videos portant des messages des conservateurs en faveur du candidat Trump et Twitter a bloqué les révélations sur les mails et le contenu de l’ordinateur du fils de Biden. Le compte twitter du New York Post est bloqué depuis le 14 octobre ! Cette censure est inadmissible et décrédibilise l’impartialité revendiquée par les réseaux sociaux.

29 octobre, 2020

Face à l’islamisme, retrouvons un État régalien au service des libertés

 Étrange de voir la gauche tenter de récupérer une liberté qu’elle a tant contribué à réduire depuis trente ans.

Quelle est cette étrange inversion des valeurs qui frappe la France ? En seulement 10 jours, le pays a connu un retournement particulier dans la lutte contre le terrorisme.

D’une part, le 12 octobre dernier, sur une plaque commémorative de la ville de ParisArnaud Beltrame, gendarme tué par un terroriste après avoir pris la place de ses otages a été qualifié de « victime de son héroisme ».

D’autre part, ce mercredi, un professeur a été décapité après avoir subi deux semaines de persécutions et menaces pour avoir tenté d’enseigner la liberté d’expression est devenu « un héros ».

Cette inversion en dit long sur l’état moral d’un pays chapeauté par un État incapable de défendre les valeurs de sa civilisation et la sécurité de ses administrés.

En pleine crise sanitaire et sociale, la mort de Samuel Paty nous ramène la double défaite, à la fois morale et politique de l’État français.

Communication et calinothérapie ont remplacé le combat idéologique et la question sécuritaire délaissés depuis longtemps par nos dirigeants.

Combattre efficacement l’islamisme suppose d’être ferme sur nos principes civilisationnels et un État capable d’assurer la sécurité de ses concitoyens tout en respectant l’État de droit. Force est de constater que nous sommes bien loin d’y parvenir.

UN COMBAT IDÉOLOGIQUE

Lorsqu’on s’intéresse à l’histoire de la droite politique, on se rend compte que son rôle historique se trouve dans la défense des acquis occidentaux. Pourtant, ceux-ci sont largement malmenés aujourd’hui, qu’il s’agisse de la gauche ou de l’adversaire islamiste, souvent alliés objectifs. Mais ces valeurs peuvent également être menacées par la peur.

Ainsi, nombreux sont les Français qui ont sans doute pensé, vendredi, qu’il faudrait peut-être ressortir la guillotine pour en finir avec ces terroristes qui décapitent nos compatriotes en pleine rue. L’idée est en soi parfaitement absurde, mais soulève un problème réel : il est très facile d’abandonner ses principes lorsque l’on est menacé.

Or, ce sont bel et bien ces principes qu’il faut à tout prix conserver si nous souhaitons gagner cette guerre. Notre ennemi l’est justement parce qu’il souhaite détruire les valeurs que notre civilisation façonne depuis des siècles.

L’histoire de l’Occident est parsemée d’acquis issus de ses racines chrétiennes, romaines et grecques et qui constituent chacune des digues à l’islamisme : la liberté individuelle, l’égalité, la démocratie, l’État de droit… Des valeurs en manque cruel d’incarnation, expliquant d’autant mieux le scandale qu’a constitué la victimisation d’Arnaud Beltrame. Par sa bravoure, le gendarme avait ainsi donné un visage à ces valeurs alors que l’opinion publique ne connaissait que celles de ses bourreaux.

LA SÉPARATION DU POLITIQUE ET DU RELIGIEUX POUR VAINCRE L’ISLAMISME

Une autre valeur occidentale résonne particulièrement en ces temps d’attaques islamistes : la séparation du religieux et du politique.

S’il est évident que l’islamisme a quelque chose à voir avec l’islam, la tentation de certains de les amalgamer serait un cadeau fait à l’ennemi. Issus d’une lutte de pouvoir entre les monarques européens et le pape, la séparation du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel, du politique et du religieux, de ce qui relève des hommes et de ce qui relève des âmes, dont les démembrements iront jusqu’à la loi de 1905, est un des acquis de notre histoire.

Cette séparation, nous pouvons la comparer aujourd’hui à celle qui oppose artificiellement ou non selon les spécialistes de la question, l’islam religieux de l’islam politique. Artificielle ou non, il est de notre devoir de l’imposer, car telle est notre conception de ce qui relève du domaine cultuel.

Or, c’est bel et bien en renforçant cette distinction que l’Occident pourra vaincre intellectuellement les islamistes.

Il s’agit donc de traiter intellectuellement nos adversaires comme nous traitions hier des idéologies du même acabit, qu’il s’agisse du nazisme ou du communisme, qui ont également inspiré le terrorisme des années de plomb.

PANSER LES PLAIES

Défendre les valeurs que l’ennemi souhaite voir disparaître exige un État régalien fort. Or, ce dernier a largement périclité. La Légion d’honneur, symbole des égards les plus prestigieux, en est un premier exemple.

Elle a été décernée à Samuel Paty à titre posthume. La décoration, initialement destinée à récompenser les mérites « éminents acquis au service de la nation », a largement perdu de son prestige.

Hier honneur de la nation à ses serviteurs les plus remarquables, aujourd’hui décernée aux présentateurs de télévision, chanteurs, patrons de presse et désormais aux victimes de la barbarie, la Légion d’honneur sert dorénavant à panser des plaies qu’on est incapable de prévenir.

MASQUER L’IMPUISSANCE

Le deuxième exemple de cette déliquescence est sans doute l’incapacité de nos élus à proposer de véritables solutions.

Paradoxalement, en matière de problème religieux, chacun semble retrouver sa paroisse. À la gauche laïcarde, profitant du silence assourdissant des indigénistes depuis une semaine, on retrouve ses vieux réflexes de « bouffeurs de curé », à défaut d’avoir le courage de « bouffer » du salafiste.

On en profite donc pour mettre les chrétiens dans le même sac que les salafistes, à la manière de ce tweet surréaliste de France Culture, depuis supprimé, qui nous interroge une fois de plus sur l’intérêt de financer cette radio par nos impôts.

De son côté, la droite ne fait guère mieux. Du côté du gouvernement, Gérald Darmanin n’hésite pas à attirer l’attention sur les rayons hallal dans les supermarchés.

Du côté de la droite d’opposition, celui qui sera sans doute le challenger de 2022, Xavier Bertrand, n’a pas hésité à évoquer la constitutionnalisation du principe de laïcité, ce qui est déjà le cas depuis 1958, ce dernier étant évoqué dès l’article 1er de notre loi fondamentale…

Erreur de communication ou crasse incompétence, ces propositions, comme la posture de la gauche, sont deux faces d’une même pièce : l’incapacité à agir concrètement sur les problèmes, et pour cause, puisque l’État est incapable de remplir sa mission la plus élémentaire, à savoir assurer la sécurité des Français.

À la décharge des gouvernements successifs, en explorant les chiffres disponibles sur le site du ministère des Finances on constate entre 2009 et 2019 une relative stabilité du budget des trois principales missions régaliennes de l’État (défense, justice et sécurité), autour de 16 %. Et on retrouve à peu près la même stabilité s’agissant des effectifs de ces trois fonctions, soit autour d’un tiers du total.

À titre comparatif, le budget Défense, Justice et Sécurité de l’État d’Israël, considéré comme en pointe dans la lutte contre le terrorisme pour des raisons historiques évidentes, dépasse les 22 % du budget total au regard de la proposition de budget pour l’année 2018.

Le problème se situe davantage dans un aspect non pas comptable, mais humain.

D’une part, malgré cette stabilité et indépendamment de la question terroriste, le pays connaît une hausse de la violence, et donc une augmentation du travail des forces de l’ordre.

L’agence de conseil en sécurité Lead Advisor a ainsi révélé des chiffres repris par le service statistique de Beauvau ces dernières semaines.

Outre une baisse significative des atteintes aux biens, et hors terrorisme, les homicides ont augmenté de 175 % en 10 ans, +249 % de coups et blessures depuis 1996 et +136 % des violences sexuelles.

À cette hausse du travail des forces de police s’ajoute une part considérable de travail administratif. Un rapport sénatorial pointe ainsi des comptes-rendus dont la rédaction est souvent trois à quatre fois plus longue que l’intervention elle-même. Les forces de l’ordre sont frappées par la même hausse de la réglementation que les Français du quotidien, alors même qu’ils sont les mêmes personnes.

D’autre part, si les budgets restent stables, l’État régalien a cédé la place à un État de compassion, largement illustré par une phrase terrible de l’ancien ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, pour qui « l’émotion dépasse les règles juridiques ».

Fin de la technique de la clef d’étranglement, manque de matériels (locaux décrépis, véhicules antédiluviens…), heures supplémentaires non payées et nouvelles contraintes régulières au nom du « pas de bavure ».

Résultat : un taux de suicide supérieur de 36 % à la moyenne nationale.

TOUJOURS PLUS DE RÉPRESSION

À cette déliquescence du régalien s’ajoute un flicage de plus en plus fort de la vie quotidienne.

Laissez-moi vous proposer un petit exercice de pensée. Un jour, lorsque j’étais étudiant, un professeur de sociologie avait commencé son cours par cette question : y a t-il, dans votre propre vie, un seul domaine dans lequel l’État n’a pas imprimé sa marque ?

Chacun a pu constater qu’il ne se passe pas une semaine sans que Jean Castex ou un préfet ne mette en place de nouvelles restrictions.

L’État a troqué ses missions de sécurité pour des missions de répression. Une aubaine pour les islamistes.

En matière de santé, on privilégie la répression. En matière de sécurité, on favorise les rapports, notes et circulaires. Des choix qui relèguent au second rang les actions concrètes sur le terrain.

La garantie de la sécurité a été remplacée par la négation des libertés. À l’État sécuritaire s’est substitué un État répressif.

RETROUVER NOTRE ÉTAT DE DROIT

Cette association de la guerre idéologique et de la guerre armée passe par un équilibre fondamental : l’État de droit.

Il y a quelques jours, sur Sud Radio, le politologue et ancien collaborateur de Charles Pasqua et Jean-Pierre Chevènement, Guillaume Bigot expliquait que l’un des problèmes actuels dans la lutte contre le terrorisme était le « droitdelhommisme », accusation récurrente des milieux souverainistes. Une position qui omet une donnée fondamentale : la géométrie variable de notre État de droit.

Si aujourd’hui, la gauche accuse les populistes de faire de la récupération pour masquer sa propre tentative, n’oublions pas que ceux qui manifestent aujourd’hui pour la libre publication des caricatures de Mahomet sont les mêmes qui, hier, appelaient à la condamnation d’Éric Zemmour ou du magazine Valeurs actuelles pour une caricature de la députée Danielle Obono.

Loin d’être un carcan, l’État de droit constitue la manifestation juridique des principes de liberté, posant un cadre à l’épanouissement de la société et son rempart face à l’arbitraire.

Une des principales clefs de ce rempart se trouve dans l’isonomie, c’est-à-dire l’égalité devant la loi. Une liberté qui n’est pas exerçable par tous, mais par un petit nombre n’est donc pas une liberté, mais une loi privée, c’est-à-dire un privilège, avec lequel la gauche passe pourtant son temps à importuner la Terre entière.

GARANTIR LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

Ainsi, dans un État de droit efficient, la liberté d’expression doit être égale pour tous.

Étrange donc de voir la gauche tenter de récupérer une liberté qu’elle a tant contribué à réduire depuis trente ans. À croire que pour les champions de l’égalitarisme, certains sont plus égaux que d’autres.

La gauche a assurément une responsabilité dans ce qui arrive à notre pays, qu’il s’agisse de son laxisme ou de ses calculs électoraux. Son aversion pour les valeurs occidentales, l’État régalien et l’État de droit a sans doute également contribué à l’horreur qui nous a frappés. Par ses coups de canifs à nos libertés, elle a ouvert la porte aux islamistes.

28 octobre, 2020

Convention climat : communication politique ou piège qui se referme ?

 Une lettre ouverte adressée à Macron déplore que des acteurs économiques, ou même des ministres, aient l’outrecuidance de ne pas respecter à la lettre les prescriptions issues de la Convention climat.

Le président de la République a reçu une lettre ouverte des membres de la Convention climat, ou plus précisément de membres de l’association « Les 150 » qui regroupe les participants à la convention climat. Plus précisément encore, la lettre provient de « l’ensemble des citoyens actifs au sein de l’association ».

Ce courrier déplore que des acteurs économiques, ou même des ministres, aient l’outrecuidance de ne pas respecter à la lettre les prescriptions issues de cet exercice. Contrepoints a décortiqué les faiblesses de ces prescriptions. Cette lettre adressée à Élysée constitue cependant un élément nouveau riche en enseignements.

Si l’on met en effet dans un même panier un certain nombre des informations qui ressortent de ce courrier, on voit se dessiner un dispositif qui est pour le moins une triple atteinte aux principes républicains les plus élémentaires.

IL N’Y A PLUS À DÉBATTRE !

La première atteinte à ces principes est le ton insupportable avec lequel sont évoquées les objections éventuelles aux propositions de la Convention. On peut en effet y lire :

« Dans une période où des communications ouvertement hostiles à nos propositions sont formulées par certains acteurs professionnels, des déclarations ministérielles discordantes sur les sujets de l’aérien, de la publicité, du déploiement de la 5G, de la baisse de la TVA relative au transport ferroviaire, ou d’autres, viennent renforcer le trouble et obscurcir la parole présidentielle ». (Le gras est dans la lettre).

Certes il est précisé que « L’essence même de la Convention est de privilégier le débat » mais cette précaution marque ses limites dans les dernières lignes du même paragraphe : « est-il seulement envisageable de sacrifier des dispositions nécessaires au changement que nous devons engager ? »

Si ce n’est pas envisageable c’est que c’est exclu du débat !

L’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme est quotidiennement violé dans notre société par des manifestations diverses d’intolérance.

Il prescrit en effet :

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler écrire imprimer librement.

L’opinion d’un citoyen considérant qu’il y a mieux à faire que ce qui a été suggéré par la Convention climat, fut-il ministre, est ainsi constitutionnellement recevable et par conséquent « envisageable » !

QUI DÉTIENT LA LÉGITIMITÉ DES CHOIX POLITIQUES ?

Il y a là un dévoiement de ce qu’a été la conception des Conventions citoyennes lorsque ce dispositif venu des pays scandinaves a été introduit pour enrichir nos méthodes d’évaluation et de concertation.

Je crois avoir une idée assez précise de cette conception initiale pour avoir incité et participé à la première expérience française en la matière, à la faveur du « Débat public sur la politique des transports dans la vallée du Rhône et l’arc languedocien » qui s’est tenu en 2006.

Ce que nous dénommions alors un « atelier citoyen » a en effet été introduit dans ce débat avec la mission clairement établie par la CNDP (Commission Nationale du Débat Public) de susciter la formulation des problèmes et de l’éventail de leurs solutions par de « simples citoyens ».

Naturellement, le ministre des Transports à l’initiative de ce débat n’était pas lié par cette formulation, pas plus qu’il ne l’était par les conclusions finales du débat public. Pas plus d’ailleurs qu’aucun ministre n’est lié par les préconisations ou les évaluations dont il peut disposer, fussent-elles produites par ses propres services.

C’est là le respect du principe fondamental de notre République qui est celui du peuple souverain, une souveraineté qu’il peut exercer par referendum ou qu’il peut déléguer aux élus de la Nation ou d’une collectivité territoriale. La légitimité du choix politique ne saurait avoir d’autre source et surtout pas celle d’un tirage au sort.

Ces « citoyens actifs au sein de l’association des 150 », ou ceux qui les inspirent, ont entrevu cet obstacle institutionnel et le contournent en se réclamant du président de la République et, plus précisément, de son engagement pour un processus « sans filtre ». Il lui est rappelé dans la lettre qu’il a exprimé cet engagement le 10 janvier, au commencement du processus, et le 29 juin pour la remise officielle de la copie et des 149 propositions.

Il lui est rappelé aussi que, dans cette dernière cérémonie, il prolongeait le mandat des citoyens en leur demandant de suivre la mise en œuvre de nos mesures, notamment dans la perspective d’un projet de loi dédié. (En gras dans la lettre). Cela veut dire, en somme : laissez-nous donc exercer cette bribe de souveraineté que vous nous avez déléguée.

LES « PLACES ET EMPLOIS PUBLICS » NE SE GAGNENT PAS À LA TOMBOLA

Une exigence bien outrecuidante venant de citoyens qui ont le mérite fondamental d’avoir été tirés au sort mais qui n’en revendiquent pas moins, dans cette lettre au Président, la « création d’un statut spécifique du citoyen pour combiner vie personnelle et engagement fort ». Ma longue expérience professionnelle du service public me laisse penser que nous ne sommes pas loin d’une revendication de titularisation, mais je peux me tromper.

Si l’on s’en tient à la revendication de compétence, au sens institutionnel du mot, cela constitue une autre atteinte à un autre principe fondamental, conquête essentielle de la Révolution, qui est exprimé par l’article VI de la Déclaration des droits de l’Homme :

Tous les citoyens […] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talens.

Il s’agissait évidemment d’évincer les nominations héréditaires mais pas pour autant de les fonder sur un tirage au sort.

Replacées dans leur contexte général, ces péripéties restent dérisoires. Il s’agit de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, ce qui n’est pas déraisonnable, même si les émissions de ce pays représentent moins de 1 % des émissions mondiales ; même si au sein de l’Union européenne nous faisons mieux, ou plutôt moins mal, que tous nos voisins avec moins de 5 tonnes de CO2 par an et par habitant ; même si nous avons réduit de 45 % cette émission par habitant depuis 1981 ; même si chaque Allemand en émet 91 % de CO2 de plus que chaque Français (grâce à la pression politique des écologistes d’Outre-Rhin contre l’électronucléaire). Tout cela situe le bénéfice que tirera la planète d’une baisse de 10 à 5 % de la TVA sur les billets de chemin de fer.

Il ne serait pas dérisoire cependant si, pour des bilans carbone bien incertains, étaient retenues les suggestions de la Convention climat susceptibles de détruire des emplois du tourisme, de l’agriculture, de l’aéronautique, de la motorisation diesel ou du transport aérien.

Les citoyens, je veux dire une bonne partie de tous les autres (hors les 150), sauraient gré au gouvernement de ne pas plomber les quelques secteurs dans lesquels ce pays existe encore et se situe parmi les leaders mondiaux.

27 octobre, 2020

Le citoyen solidaire va-t-il enterrer l’individu libre ?

 Si l’individu qui est le support du citoyen ne s’appartient plus, n’est plus propriétaire de soi, de quoi le type de citoyenneté proposé par Emmanuel Macron est-il le nom sinon de l’asservissement ?

À la différence des annonces concrètes directement relatives à l’instauration du couvre-feu et aux nouvelles sollicitations de la « pompe à phynances » chère à Ubu, certains éléments de langage employés par Macron dans son intervention du 14 octobre dernier ont trop peu retenu l’attention des commentateurs alors qu’ils le méritaient amplement. Ils se révèlent en effet idéologiquement imprégnés et porteurs d’une conception pour le moins problématique de la liberté individuelle qui a de quoi inquiéter tous ceux qui y sont véritablement attachés.

Mais avant d’y venir, il faut faire un sort à une expression non moins troublante qui a fleuri dans les médias pour une nouvelle fois qualifier la posture en l’occurrence adoptée par le Président de la République : celle de « père de la Nation ».

PÈRE DE LA NATION, INFANTILISATION ET PUNITION COLLECTIVE

Si le chef de l’État surjoue la figure éculée et paternaliste de père de la Nation, il s’ensuit fatalement que les citoyens sont réduits à l’état infantilisant de mineurs irresponsables dont le sort dépend avant tout des protectrices décisions du chef suprême.

Et c’est bel et bien ainsi que Macron s’est comporté en nous enjoignant d’« ouvrir les fenêtres plusieurs fois par jour », de sans cesse « se laver les mains », et d’être moins de six au sein de leur « bulle sociale » (superbe expression !) privée : ils n’auraient pas songé à le faire d’eux-mêmes !

Mais il y a pire. Le père de la Nation s’est mué en « père sévère » (Lacan) et père fouettard en décrétant un couvre-feu draconien et indifférencié, aux allures de punition collective, ce degré zéro de la responsabilité politique, infligée aux grands enfants inconscients que nous serions tous.

Il fait ainsi payer cher à tout le monde sa propre impéritie et imprévoyance estivale. Car qui a alors toléré sans sévir ces méga-clusters que furent rave party sauvages et rassemblements tribaux sur les plages ? Qui a sans cesse seriné que pratiquement seuls, les plus âgés pouvaient mourir du virus – donnant l’illusion aux plus jeunes qu’ils étaient dotés de super-pouvoirs les rendant invulnérables et inoffensifs ?

Pour tardivement réparer les dégâts qu’il a provoqués, le pouvoir politique a du coup préféré priver tout le monde, et d’abord les personnes responsables, de libertés individuelles élémentaires (moins celles de « faire la fête » que, dans le spectacle et l’hôtellerie-restauration, de pouvoir travailler). Alors qu’il eût mieux valu sévir seulement mais durement contre les irresponsables ne respectant pas rigoureusement les gestes barrières.

LE LIBRE INDIVIDU ENTERRÉ PAR LE CITOYEN SOLIDAIRE

Venons-en à ce chef-d’œuvre de rhétorique néo-solidariste et citoyenne qu’est le passage censé donner tout leur sens aux mesures punitives et infantilisantes :

« On s’était habitués à être une société de libres individus. Mais nous sommes une nation de citoyens solidaires », suivi de « Une nouvelle communauté est en train de se constituer en France ».

Tout en opposant Nation à société, mais surtout « libre individu » et « citoyen solidaire », la présence du Mais au milieu de l’énoncé principal annonce clairement que le second serait en antinomie avec le premier, et doit désormais s’y substituer. On pourrait dauber sur le fait que sous le régime de l’hyper-réglementation bureaucratique et de l’oppression fiscale, se sentir libre individu relevait en partie du rêve, tandis que grâce aux effets anesthésiants de l’État-providence tutélaire, nombre d’individus ont régressé au stade… infantile de la servitude volontaire et de la mise perpétuelle sous assistance.

Sur le fond, comment imaginer que des citoyens ne soient pas d’abord – ontologiquement, anthropologiquement et moralement – des individus ? Et si possible d’authentiques libres individus, à savoir des individus rationnels chacun responsable de lui-même et non pas des zombies écervelés soumis à leurs caprices passagers et incapables de s’astreindre à quelque autodiscipline ?

La citoyenneté, quant à elle, ne vient qu’ensuite. Ce n’est pas d’elle que provient la liberté première de l’individu, mais c’est elle qui l’habille socialement et en principe la garantit en la déclinant en d’indispensables droits et obligations, qui donc règlent la relation aux autres citoyens et la participation aux affaires publiques : telle est la grande et indépassable leçon de John Locke.

Pour que la liberté individuelle s’en trouve renforcée et non pas amoindrie, encore faut-il que le citoyen ne se définisse pas par une appartenance soumise et excessivement inclusive à la cité ou la Nation.

Si celles-ci sont conçues comme des totalités auxquelles le citoyen appartient au sens où elles en seraient les propriétaires pouvant en disposer à leur guise (on peut craindre que ce soit le cas dans la perspective de Macron !), si donc l’individu qui est le support du citoyen ne s’appartient plus, n’est plus propriétaire de soi, de quoi ce type de citoyenneté est-il donc le nom sinon de l’asservissement ? Car il n’est alors plus qu’une particule élémentaire dont les libertés (en ce moment, celles d’aller et venir sans agresser quiconque) dépendent du bon plaisir du Prince.

LES AMBIVALENCES DU SOLIDAIRE

Le citoyen de Macron ne s’oppose pas seulement au libre individu mais est en outre décrété solidaire.

Voici donc à nouveau mobilisée l’idée de solidarité, usée jusqu’à la corde tant la doxa contemporaine en a abusé pour l’appliquer aussi aux causes les plus douteuses, par exemple la redistribution forcée.

Au demeurant, elle n’a rien de spécifiquement moral : nazis, mafieux et djihadistes étant solidaires entre eux. Et pourquoi devrait-on être forcément solidaire à sens unique de concitoyens insolidaires, irresponsables, ou qui veulent notre peau ou bien ne songent politiquement qu’à nous dépouiller ?

Cela dit, dans l’actuel contexte de catastrophe sanitaire, c’est la moindre des choses que l’être activement envers les victimes du virus et les personnes les plus vulnérables.

Mais cela doit relever d’une solidarité volontaire, conditionnelle – en s’abstenant déjà de nuire aux autres en leur faisant courir des risques. Dans cette perspective, un libre individu peut parfaitement être aussi un citoyen solidaire et peut-être est-il seul à pouvoir l’être. Mais n’aurait-il pas été plus judicieux d’en appeler à une responsabilité de soi, qui s’ouvre logiquement sur le souci des autres ?

Où donc était passé le chantre de l’émancipation individuelle, donc d’un libre individu « en même temps » citoyen et solidaire ? Que Macron vienne le 21 octobre d’invoquer une « communauté de citoyens libres » est de meilleur aloi, sous condition que ladite communauté ne recouvre pas insidieusement une société de contrôle social intrusif et de mise sous tutelle des libres individus.

26 octobre, 2020

Liberté d’expression : précieuse et menacée de toutes parts

C’est dans l’acceptation de la confrontation des idées et des opinions que la liberté d’expression devient véritablement féconde. Ne laissons pas mourir cela !

Apparemment immunisée contre toute forme d’apprentissage, la France, ou du moins ses gouvernants et ses politiciens, sont en train de nous rejouer en 2020 le même scénario qu’en 2015. C’est d’une tristesse infinie, car il apparaît que même après le choc de la tuerie de Charlie Hebdo, même après le choc de la décapitation d’un professeur qui voulait éveiller ses élèves à la liberté d’expression, cette dernière sera finalement la victime des mesures prises pour sa défense.

En 2015, nous sommes passés de l’attentat contre les dessinateurs de Charlie Hebdo qui avaient caricaturé le prophète Mahomet à une grande marche nationale censée clamer haut et fort le choix inconditionnel de la France et des Français pour la liberté d’expression, suivie immédiatement de la promesse gouvernementale de durcir sa lutte contre le terrorisme dans une forme qui sera finalement celle de la Loi Renseignement qui, par la surveillance universelle qu’elle autorise, est de fait une atteinte aux libertés individuelles, et enfin aux interdictions administratives et judiciaires faites à Dieudonné de produire ses spectacles et de s’exprimer sur le terrorisme.

Aujourd’hui en 2020, nous sommes passés de l’assassinat d’un enseignant qui a montré à ses élèves les caricatures de Mahomet publiées dans Charlie Hebdo (tout en les laissant libres de regarder ou non) à un grand rassemblement d’hommage censé clamer haut et fort le choix inconditionnel de la France et des Français pour la liberté d’expression et toutes les libertés individuelles qui caractérisent une société ouverte, puis à une débauche de propositions gouvernementales ou autres qui reviennent toutes à écraser les libertés pour mieux les défendre.

Xavier Bertrand a immédiatement proposé d’interdire les pseudos sur internet, alors même que rien dans l’affaire de Conflans ne s’est fait anonymement. Gros succès, multiples reprises. Laetitia Avia n’a pas tardé non plus à monter au créneau pour relancer sa loi contre la haine en ligne qui a pourtant été censurée très sévèrement par le Conseil constitutionnel comme constituant de fait une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression. Gros succès là aussi, et s’il faut changer la Constitution pour cela, n’hésitons surtout pas !

Et encore ceci n’est-il qu’un pâle résumé de ce concours Lépine des idées les plus liberticides et les plus décalées du moment. Pour mieux en mesurer toute l’absurde et hypocrite dimension, je vous suggère de lire les analyses de h16 et de Frédéric Mas sur Contrepoints.

Pour ma part, j’aimerais insister sur le fait qu’il n’est pas nécessaire d’être un islamiste endurci pour avoir de graves problèmes avec la liberté d’expression. Il suffit de penser qu’on détient la vérité et de considérer en conséquence que les idées qui ne sont pas les nôtres sont par construction de mauvaises idées dont il faut éliminer l’expression dans le débat public. Ce qui revient à vouloir éliminer le débat pour ne laisser exister que le dogme.

Or la liberté d’expression n’est pas d’abord la possibilité qui m’est offerte de m’exprimer, elle est avant tout ma reconnaissance des possibilités d’expression des autres. C’est en effet dans l’acceptation de la confrontation des idées et des opinions que la liberté d’expression devient véritablement féconde.

Dans nos démocraties occidentales issues des Lumières, la liberté de pensée associée à l’échange des idées, par tout ce que cela implique pour le développement des connaissances, des sciences et des techniques, a accompagné les formidables progrès que nous connaissons depuis 250 ans et qui se sont traduits par une nette augmentation de l’espérance de vie, du niveau de vie et du niveau d’éducation, ainsi que par une profonde évolution des structures de la société, sur la question des relations hommes femmes ou sur la séparation entre les Églises et l’État, par exemple.

Il est donc extrêmement préoccupant de sentir une régression s’installer, et pas seulement dans les strates les moins éduquées du pays. On dit beaucoup que l’ignorance est un vecteur d’intolérance et que l’instruction a notamment pour mission de la faire reculer. C’est précisément ce que M. Paty et tous ses collègues professeurs s’évertuent à faire dans leurs classes et nul doute que beaucoup de jeunes consciences ont pu découvrir ainsi les beautés de l’échange d’idées.

Mais quand des personnes instruites se mettent à genoux devant des idéologies, quand elles se croient plus en mesure que quiconque, intellectuellement et philosophiquement, de savoir distinguer le bon du mauvais et le vrai du faux, quand elles en viennent à croire que ces qualités « universitaires » supérieures leur donnent un évident pouvoir de censeur, les dégâts ne sont pas moindres que ceux de l’ignorance.

Il se trouve que nous avons eu droit récemment à deux exemples particulièrement affligeants de cet affaissement des valeurs des Lumières.

Ce fut d’abord Geoffroy de Lagasnerie, sociologue proche de la France insoumise, qui déclara sans l’ombre d’une hésitation sur France Inter (vidéo du tweet, 01′ 16″) :

« Je pense que nous perdons notre temps lorsque nous allons dans les chaînes d’info débattre avec des gens inconvaincables. Nous ratifions la possibilité qu’ils fassent partie de l’espace du débat. J’assume qu’il faut reproduire un certain nombre de censures dans l’espace public, pour reproduire un espace où les opinions justes prennent le pouvoir sur les opinions injustes. »

 

Impossible de faire plus clair : l’espace du débat doit se limiter aux « opinions justes » c’est-à-dire uniquement les siennes et celles de ses amis de l’ultra-gauche. Très Frédéric Lordon, cette attitude. Ce dernier n’admet de débat qu’avec lui-même !

Lagasnerie se rattrape ensuite plus ou moins aux branches en confessant qu’il n’a pas trop de sympathie pour l’appareil d’État et qu’il est plutôt favorable à une censure qui prendrait la forme du mépris et de l’indifférence. Et de fait, ignorer des opinions qui nous déplaisent est une option parfaitement légitime.

Personne n’est obligé d’acheter Charlie Hebdo, personne n’est obligé d’assister aux spectacles de Dieudonné, personne n’est obligé d’écouter Éric Zemmour, personne n’est obligé de s’intéresser aux thèses négationnistes de Robert Faurisson.

Sauf que ce n’est pas du tout la méthode Lagasnerie : quand, en 2014, Marcel Gauchet fut invité à prononcer la conférence inaugurale des « Rendez-vous de l’Histoire » de Blois sur le thème des Rebelles, c’est non seulement avec stupéfaction mais également avec « un certain dégoût » que le sociologue s’empressa d’appeler au boycott de la manifestation et à la démission de sa présidente, c’est-à-dire à l’élimination concrète des idées qui lui déplaisent de l’espace du débat public. Cancel culture typique.

Un style de censure que la philosophe Sylviane Agacinski connaît bien. En 2019, elle devait donner une conférence intitulée « L’être humain à l’époque de sa reproductibilité technique » à l’Université de Bordeaux, mais ses positions anti-PMA lui ont immédiatement valu d’être cataloguée comme « homophobe notoire » par des syndicats étudiants et des associations LGBT qui n’ont reculé devant aucune menace pour obtenir (avec succès) la déprogrammation de sa conférence.

Eh bien, figurez-vous que pour Alice Coffin, la nouvelle égérie écologiste de la mairie de Paris qui milite aussi beaucoup pour les « droits » des lesbiennes et l’effacement des hommes dans la société, la censure est bien évidemment l’odieux procédé auquel l’Institut catholique de Paris s’est abaissé en la déchargeant de ses fonctions de professeur pour incompatibilité de valeurs.

En revanche, rien de tel pour Sylviane Agacinski qui n’aurait récolté selon elle que la juste rétribution de ses opinions réactionnaires (vidéo du tweet, 02′ 08″) :

« Il faut s’insurger devant toute forme de censure, mais attention, moi mon discours n’est pas un discours de l’ordre du racisme, de l’ordre de la lesbophobie, du sexisme […] Je n’adore pas critiquer les femmes en public, mais je ne suis pas sûre que Sylviane Agacinski soit très au clair avec les lesbiennes… »

 

Que voilà un joli deux poids deux mesures ! Acculée dans ses incohérences et son sectarisme par la journaliste, Alice Coffin tente avec difficulté de masquer son autoritarisme fondamental, mais l’idée est exactement la même que chez Lagasnerie : il y a des opinions justes, les siennes, et des opinions dévoyées, celles de Sylviane Agacinski par exemple, par le simple fait que ceux qui les portent ne sont pas d’accord avec elle.

Il devient dès lors parfaitement légitime, voire même absolument nécessaire de faire sortir du débat public les mauvaises idées selon Coffin, Lagasnerie, les islamistes et tous les totalitaires, et ceci par toutes les censures et toutes les intimidations possibles.

La liberté d’expression est précieuse mais menacée de toutes parts. Défendons-la de toutes nos forces.