Chaque Québécois doit plus de 34 000 $ au provincial seulement

Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

31 octobre, 2022

Une introduction à la pensée économique

 Par David Weinberger.

 

L’économie est fondée sur le concept de l’action humaine en tant que comportement intentionnel.

Ce sont les mots de l’économiste Per Bylund, dont le nouveau livre How to Think about the Economy : A Primer offre une introduction conviviale à la pensée économique.

L’idée maîtresse de l’ouvrage est que les individus agissent de manière rationnelle, c’est-à-dire en fonction de buts ou d’objectifs.

Ce principe peut sembler évident, mais il est souvent source de confusion.

Par exemple, cela ne signifie pas que les individus parviennent toujours à atteindre les objectifs qu’ils se fixent, ni que leurs objectifs sont raisonnables aux yeux des autres. Au contraire, cela signifie simplement qu’ils agissent pour essayer d’atteindre ce qu’ils apprécient. En d’autres termes, la valeur au sens économique, est subjective.

En outre, cela signifie également qu’en tant que discipline, la méthodologie de l’économie est individualiste. Pourquoi ? Parce que les groupes n’agissent pas – seuls les individus agissent.

Per Bylund écrit :

Les gens peuvent choisir d’agir de concert, mais ce sont des choix individuels… Que quatre personnes collaborent pour soulever et déplacer un piano ne signifie pas que le groupe a soulevé le piano, mais que quatre personnes ont coordonné leurs efforts individuels vers ce but commun.

Cette idée clarifie une autre confusion. Nombreux sont ceux qui pensent que l’économie promeut les marchés libres. Mais l’analyse économique est en fait une discipline neutre – elle ne peut pas nous dire si nous devrions faire un choix par rapport à un autre, ou promouvoir une politique par rapport à une autre. Au contraire, elle nous fait prendre conscience des compromis qu’impliquent les choix que nous faisons. Bylund souligne ce point en notant que l’économie ne promeut pas plus les marchés libres que la physique ne promeut la chute libre. Au contraire, le raisonnement économique ne peut se passer du modèle du marché libre, tout comme le raisonnement de la physique ne peut se passer du modèle de la chute libre.

De plus, la méthodologie économique étant individualiste, les données relatives à l’économie globale (ou macro) – des données telles que le PIB, le taux de chômage, la demande globale, etc.

Bylund le démontre avec l’exemple suivant :

Disons qu’Adam offre une pomme à Beth et que celle-ci lui donne un litre de lait en échange. Il y a deux façons d’analyser cet échange. La première consiste à l’étudier empiriquement en observant l’échange dans la vie réelle et en recueillant des données objectives, c’est-à-dire mesurables, avant, pendant et après l’échange.

Mais le problème de cette méthode est que les données objectives ne nous disent pas pourquoi la pomme est passée de la possession d’Adam à celle de Beth. Tout ce qu’elles nous disent, c’est qu’une personne (Beth) a une pomme et qu’une autre personne (Adam) a du lait. Mais comme nous pouvons comprendre l’échange en termes de choix rationnel, nous pouvons en fait savoir pourquoi cet échange a eu lieu. Parce que les individus agissent avec une fin ou un objectif en tête, nous savons qu’Adam et Beth ont échangé parce qu’ils croyaient tous deux que cet échange leur serait bénéfique. En d’autres termes, nous pouvons dire pourquoi l’échange a eu lieu et non pas simplement qu’un échange a eu lieu.

Notez, en outre, le concept de prix que cet exemple introduit.

Les prix sont les rapports d’échange de divers biens et services, et ils sont déterminés par la valeur subjective des individus. Les préférences subjectives de Beth et d’Adam concernant le lait et les pommes déterminent le rapport d’échange – ou prix – entre les deux biens : dans ce cas, le prix d’une pomme correspond à un litre de lait.

Si cette illustration implique un échange direct de biens (troc), nous pouvons également effectuer des échanges indirects en utilisant la monnaie, qui sert de moyen d’échange dans l’économie moderne.

Pour faciliter ces échanges, la monnaie doit conserver sa valeur.

Les périodes d’inflation (augmentation de la masse monétaire) ou de déflation (réduction de la masse monétaire) peuvent entraîner un déversement de sable dans les rouages de l’échange, ce qui provoque un ralentissement des échanges. Néanmoins, même si l’augmentation de la masse monétaire entraîne généralement une hausse des prix, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’il existe une correspondance biunivoque entre l’augmentation de la masse monétaire et la hausse des prix qui s’ensuit.

Comme le note Bylund, « un doublement de la masse monétaire ne doublera pas tous les prix ». Pourquoi ? « Parce que les gens ne réagissent pas de la même manière ni au même moment au doublement de leurs liquidités ».

Si quelqu’un achète, disons, trois bananes et que soudain son argent liquide double, cela ne signifie pas nécessairement qu’il achètera six bananes. Peut-être que l’argent supplémentaire sera dépensé pour un autre bien, ou simplement placé à la banque.

En outre, cela permet également de comprendre pourquoi la prédiction économique est une entreprise risquée. Les individus ne sont pas comme des pièces sur un damier pouvent être facilement contrôlées et anticipées. Au contraire, les individus ont un libre arbitre. Ils agissent pour atteindre leurs objectifs, qui changent en fonction des opportunités et des compromis qui apparaissent spontanément à la lumière des milliards d’autres personnes qui font de même. Les prévisions économiques s’appuient sur un instantané de l’économie à un moment donné (et généralement un moment ancien, car les données économiques ne sont généralement disponibles qu’après coup et non en temps réel) et les projettent dans l’avenir. Mais l’économie n’est pas un instantané, c’est un processus composé de milliards d’individus agissant de concert les uns avec les autres. D’où la difficulté de prévoir l’évolution de l’économie dans un an, voire dans un mois.

Mais il ne s’agit là que d’un échantillon des questions que le lecteur rencontrera dans Comment penser l’économie, et pour tous ceux qui se demandent par où commencer, c’est une introduction idéale au sujet.

30 octobre, 2022

Les marchés ne sont pas parfaits, mais le gouvernement est encore pire

 Par 

 

On m’a récemment rappelé une vérité profonde sur le marché libre et les prix qui se trouvent en son centre. Malheureusement, cette vérité est souvent négligée à la fois par les détracteurs de l’économie de marché et par les économistes comme moi. Cette vérité toute simple est que le système de prix fonctionne grâce et seulement grâce à un ensemble d’institutions qui favorisent la coopération entre nous.

En tant qu’économiste, j’ai l’habitude de défendre l’idée que les marchés libres, bien qu’imparfaits, constituent une meilleure alternative que l’intervention de l’État.

Cela donne quelque chose comme ça :

Le système de prix du marché libre, ainsi que la concurrence des vendeurs pour les clients et des consommateurs pour les bonnes affaires, jouent un rôle essentiel dans la collecte et le traitement des informations sur notre économie qui sont dispersées parmi des millions d’acheteurs et de vendeurs. Les prix qui en résultent sont une mesure de la valeur que les gens accordent aux biens et aux services.

Dans un marché concurrentiel qui fonctionne bien, poursuit cet argument, ces rapports critiques sur les prix nous indiquent les façons les plus avantageuses d’utiliser les produits finis et les services, les biens intermédiaires, les matières premières et – ce qui est important – le temps et le talent humains, et incitent les entrepreneurs à produire ce que nous voulons le plus intensément et le plus efficacement possible. En termes économiques, les prix transmettent des informations sur les raretés et sur les substitutions incrémentielles créatrices de richesse.

Il s’agit d’un système époustouflant où, comme nous l’a rappelé le politologue français Frédéric Bastiat il y a plusieurs décennies, bien que personne ne le planifie, « Paris est nourri tous les jours ».

C’est là qu’intervient Samuel Gregg et son formidable nouveau livre, The Next American Economy. Les arguments de Gregg en faveur du marché libre vont au-delà de l’argument économique classique.

Il écrit :

« Les arguments en faveur des marchés libres impliquent l’enracinement d’une telle économie dans ce que certains de ses fondateurs les plus influents pensaient être le destin politique de l’Amérique, à savoir une république commerciale moderne ».

Il ajoute :

« Politiquement, cet idéal incarne l’idée d’un État autonome dans lequel les gouvernés sont régulièrement consultés ; dans lequel l’utilisation du pouvoir de l’État est limitée par des engagements forts envers le constitutionnalisme, l’État de droit et les droits de propriété privée ; et dans lequel les citoyens adoptent consciemment les habitudes et les disciplines spécifiques nécessaires pour soutenir une telle république ».

Oui ! J’aime à croire que je suis un grand défenseur des marchés, mais chaque fois que j’omets ces derniers points, je sabote ma propre cause.

Des termes comme « marchés concurrentiels » donnent l’impression d’un processus sans cœur. Mais l’aspect le plus important de ce processus concurrentiel est la coopération.

En effet, une coopération massive se produit quotidiennement dans le monde entier. Par exemple, prenez la chemise que vous portez. Elle est peut-être faite de coton du Texas et de fil du Canada, cousue au Vietnam et expédiée dans un véhicule assemblé au Japon.

Imaginez la confiance que suscite un tel système coopératif. C’est en partie le résultat, comme l’explique Gregg, de l’existence de droits de propriété : l’autorité exclusive de déterminer comment une ressource est utilisée. Allez-vous vendre votre temps de travail à Apple ou à John Deere ? Dépenserez-vous votre revenu pour une Toyota ou une Harley ? Tout cela repose sur l’État de droit, qui confère à chacun la sécurité de ses droits de propriété. La loi doit être claire, connue et stable.

Aucun partisan sérieux du libre-échange ne croit que les marchés sont parfaits. Nous ne sommes pas des utopistes. Malheureusement, les marchés parfaits et la concurrence parfaite sont souvent le point de départ des manuels d’économie. Ce point de départ amène beaucoup de gens à conclure que lorsque les conditions ne sont pas parfaites, le meilleur plan d’action pour une correction est l’intervention du gouvernement. C’est faux.

Non seulement le gouvernement lui-même est imparfait, comme chacun peut le constater, mais le marché est un processus qui permet de trouver et de corriger les erreurs. Une imperfection du marché est une occasion pour les entrepreneurs d’en tirer profit.

Comme Arnold Kling l’a récemment écrit : « Les marchés échouent. Utilisez les marchés ». C’est parce que, ajoute Kling, « l’innovation entrepreneuriale et la destruction créative tendent à résoudre les problèmes économiques, y compris les défaillances du marché. »

Cela ne signifie pas que le gouvernement ne joue aucun rôle en dehors de la protection des droits de propriété mais que la foi dans l’intervention de l’État doit être tempérée par la reconnaissance de ses propres défauts, notamment sa tendance à favoriser un groupe de personnes par rapport à un autre et son incapacité à s’adapter lorsque les politiques échouent ou que les circonstances changent.

En fin de compte, lorsque nous parlons du marché libre, il s’agit d’un raccourci pour désigner une combinaison d’institutions qui permettent aux gens de coopérer, de se tolérer mutuellement, de vivre en paix et de s’épanouir.

Comme nous le rappelle Gregg, tous ces éléments font partie de la quintessence de ce que le président George Washington envisageait pour la nouvelle nation qu’il dirigeait et qu’il décrivait comme « une grande nation, une nation respectable et une nation commerciale. »

29 octobre, 2022

WASHINGTON : LE WOKE FAIT LONG FEU DANS LE MÉTRO

 Par P.-E. Ford.

Le principe de réalité finira-t-il par venir à bout de l’idéologie woke chère aux responsables municipaux de la ville de Washington ? Le nombre accru d’usagers sans billet dans le métro de la capitale fédérale prouve bien que le dogme anti-policier, anti-colonial et prétendument progressiste que les autorités du District of Columbia défendent par démagogie électoraliste, conduit à une impasse.

Les « progressistes » de Washington sont de grands incompris

Qui en sera surpris ?  En 2018,  la municipalité a voté pour « décriminaliser » le délit de prendre le bus ou le métro sans payer et depuis, des milliers de Washingtoniens choisissent de sauter par-dessus le portillon: ils savent qu’ils bénéficient de facto d’une immunité totale.

Le manque à gagner pour la Washington Metropolitan Area Transit Authority (WMATA) est estimé par Randy Clarke, le nouveau patron de l’entreprise publique, à 40 millions de dollars. La somme est considérable, surtout en regard de son déficit,  185 millions, dû en partie à la chute de fréquentation du réseau depuis que les Washingtoniens ont découvert les joies du télétravail.

Les choses se compliquent pour les « progressistes » washingtoniens dans la mesure où le gros des passagers du métro vient du Maryland et de Virginie, États limitrophes du District of Columbia où  les resquilleurs ne sont pas protégés par la loi : ils sont passibles d’une amende de 100 dollars, qui constitue une sanction pénale. Lorsque pour la nième fois, la ville de Washington implore ces juridictions voisines de verser davantage de millions pour boucher le trou des finances de WMTA, nombre d’élus des comtés de Virginie et du Maryland ne sont donc pas d’accord. Ils sont pourtant eux aussi démocrates et se disent modernes, woke et corrects à tous égards.

La première aberration révélée par cette affaire est de croire que les passagers clandestins ne coûtent rien au système. En Amérique, pays encore capitaliste, l’usager du métro comprend parfaitement que c’est lui qui offre son billet au fraudeur assis à côté de lui ; et que si tout le monde payait, le prix de ce billet baisserait.

Seconde offense à la réalité : les métropolitains qui vivent en banlieue et prennent le métro (ou le bus) pour venir travailler dans la capitale ne sont pas des oppresseurs coloniaux. Une forte proportion d’entre eux est noire. Il est profondément raciste de prétendre que les Noirs ne veulent pas payer les transports en commun. En revanche, il est électoralement facile pour Muriel Bowser, maire noire de la ville de Washington qui est à 41% noire (38% blanche, 11% hispanique, 5% asiatique), de surfer sur le narratif woke.

Ce dernier est simple et constamment ressassé par les élus démocrates noirs de la ville dont ils contrôlent l’administration: la police est trop répressive à l’égard des Noirs ; les « minorités » (bien que majoritaires) sont persécutées pour de petits délits, comme la possession de cannabis et le non-paiement du métro ; la culture sécuritaire étouffe l’identité raciale et entretient les valeurs coloniales de l’esclavage. En dépénalisant en 2018 la resquille dans le métro, les élus d’une capitale qui a voté à 91% pour Joe Biden pensaient avoir corrigé une inégalité. Ils ont en fait créé un système inégalitaire où les passagers honnêtes payent pour les fraudeurs,  filmés en masse par les caméras des télévisions locales.

Les contrôles et sanctions vont reprendre dans le métro

Le déficit d’exploitation devenant insupportable, WMATA va être forcée d’affronter les wokes. Pour identifier les champions de saut de portillon, le réseau va installer des cameras. Les agents de la police du WMATA, un corps spécialisé, en seront en outre équipés, elles seront intégrées à leurs uniformes. Une première phase « douce » consiste pour le moment à distribuer des tracts et organiser une campagne de sensibilisation dans les couloirs du métro. Il est rappelé que le service est payant et l’on prévient que les fraudeurs seront bientôt à nouveau sanctionnés, même dans le District of Columbia, où cependant l’amende ne dépassera pas 50 dollars.

À partir de novembre, les contrôles et sanctions vont pleinement reprendre et les associations de droits civiques s’en alarment. Elles exigent des modifications qui permettraient d’éviter que les jeunes Noirs deviennent une cible prioritaire. Elles craignent aussi que les flagrants délits dégénèrent en incidents violents.

La ville compte 702.000 habitants. La criminalité, en valeur absolue et en proportion de la population, est l’une des plus élevée des Etats-Unis (avec notamment 158 meurtres par an et 1272 attaques à main armée). Avant 2018, la police du métro avait pour habitude de vérifier les antécédents des fraudeurs, pour s’assurer qu’ils ne faisaient pas déjà, par ailleurs, l’objet d’un mandat d’arrêt. Le Washington Lawyers’Committe for Civil Rights s’est offusquée de cette pratique jugée raciste puisque 91% des resquilleurs étaient noirs et 46%, des hommes de moins de 25 ans. Alors, à chacun sa délinquance, que la police des tunnels métropolitains se cantonne à la sienne et ne se mêle pas de ce qui se passe à la surface !

28 octobre, 2022

L’intérêt de la voiture électrique sans écologie ni pessimisme

 Par François Jolain.

La première critique sur la voiture électrique vient de la dépendance des batteries avec la Chine et les terres rares. Nous verrons plus loin que l’utilisation des terres rares se réduit grâce aux industriels. Quant à la Chine, nous sommes déjà dépendants d’elle pour une grande partie de nos produits, notamment l’électronique, et cela ne semble gêner personne…

Mais cette critique semble comme oublier la situation actuelle.

Nous sommes dépendants au jour le jour d’un carburant que nous ne produisons pas. Si une pénurie a lieu sur l’essence, la France s’arrête de tourner en seulement quelques jours (cf les grèves). Si plus une seule batterie arrive en France, cela impacte la production, mais tout le parc continue de rouler. Les inconvénients n’apparaîtront qu’au bout de plusieurs mois, voire années.

De plus, la France ne produira jamais de pétrole et une voiture à essence ne tournera jamais à autre chose qu’au pétrole. Nous n’avons aucune chance d’être un jour indépendants avec une voiture à essence.

Alors que rien n’interdit à la France de produire les batteries, voire des batteries sans terres rares. Nous avons davantage de chance d’être indépendants aussi bien à la conception qu’à la consommation avec une voiture électrique.

Flexibilité de la consommation du parc

Un moteur à explosion est une cathédrale technologique qui ne tolère aucune flexibilité. Le simple fait de changer de combustible comme passer du diesel au plomb, le rend inutilisable.

On ne parle pas de changer le pétrole par du gaz ou du charbon, juste de passer d’un dérivé du pétrole à l’autre. Le fioul, le diesel, l’essence ou le kérosène ne sont pas interchangeables dans les moteurs. En termes d’innovation, on se retrouve coincés avec un parc impossible à améliorer sans tout changer.

Un parc de voitures électriques ne consomme que de l’électricité. Or celle-ci peut provenir de plusieurs sources d’énergies comme le solaire, le nucléaire ou le gaz.

Le parc automobile peut être rechargé avec des centrales au charbon et passer au nucléaire sans changer une seule voiture. Imaginez par exemple un parc tournant avec des centrales à gaz : on peut augmenter l’efficacité du parc en passant des centrales classiques (30 % d’efficacité) aux centrales à cycle combiné (+60 % d’efficacité) sans changer une seule voiture.

En plus de gagner en indépendance sur le consommable de la voiture électrique, nous pouvons répartir ces consommables entre de nombreuses sources d’énergie pour éviter toute pénurie et sécuriser le parc très facilement.

Le casse-tête du tout pétrole et de sa soumission est réduit avec la voiture électrique. Néanmoins, il reste le problème de l’autonomie et de la disponibilité des bornes de recharge.

 

La réponse du marché

Les problématiques des bornes et des batteries sont des problématiques minimes qui montrent surtout le pessimisme ambiant.

Les batteries

Sur l’ensemble de la voiture électrique, son seul frein technologique est l’autonomie. C’est un blocage léger puisque les batteries actuelles permettent déjà 400 km d’autonomie. Il faut donc augmenter les capacités d’un facteur 3.

Tout cela est minime. Le siècle dernier, nous avons dompté l’énergie nucléaire, envoyé des hommes sur la lune, créé des collisionneurs de particules, maillé le monde entier à internet. Mais concevoir une batterie de voiture trois fois plus performante serait impossible ?

Pendant que la société reste morose, des industriels et scientifiques avancent.

Tesla vient de sortir sa batterie sans cobalt. GMG commence la fabrication de batterie au graphène. Toyota sort sa première voiture Mirai à l’hydrogène.

Les bornes

Encore une fois, la France ne produit pas une goutte de pétrole, mais nous avons des stations essence tous les 10 km. Pourtant, alors qu’on produit notre électricité et que nous avons déjà un réseau électrique, il serait impossible d’installer des bornes de recharge ?

Heureusement, le pessimisme ne contamine pas tout le monde. Tesla continue de mailler le territoire de ses bornes. La Suisse a déjà maillé le sien.

Il est affolant de voir le pessimisme actuel. Les voitures électriques paraissent un mur technologique, alors que ce n’est qu’une marche, marche minime que le marché a pris soin de faciliter avec une gamme de produits complète.

Une offre disponible pour chacun

Il existe déjà les voitures tout essence qui ont réduit leur consommation. Mercedes a justement voulu ajouter depuis 2008 un moteur électrique pour aider à gagner en efficacité sur le moteur à essence.

Toyota propose depuis 20 ans des hybrides pour alterner conduite à essence et électrique, le tout sans se soucier du rechargement électrique.

Puis sont arrivées les hybrides rechargeables comme les Ioniq de Hyundai. On se retrouve avec deux voitures en une seule capable de fonctionner et de se recharger aussi bien à l’essence qu’à électrique.

On peut rappeler le produit BMW i3. Il s’agissait d’une voiture électrique avec un petit moteur à essence de secours pour générer de l’électricité en cas de manque de borne…

Et enfin les voitures uniquement électriques comme celles de Tesla ou de Renault.

Les entreprises sont activement en train de lever les blocages technologiques. Et en attendant, le marché propose une vaste gamme entre 100 % essence et 100 % électrique.

 

Conclusion

La voiture électrique constitue une nette amélioration par rapport aux voitures à essence. Elle est un vecteur d’émancipation de l’Europe à la soumission du pétrole. Le marché apporte déjà des réponses aux problèmes des batteries et des bornes. Il propose aussi une vaste gamme pour une transition en douceur.

Sauf que ni l’État ni les écolos ne font dans la douceur. Ils imposent leur calendrier avec la fin des voitures à essence en 2035, alors que ni les consommateurs ni les industriels ne sont encore prêts.

Armés de leur marteau idéologique, ils ne voient dans la voiture qu’un clou à enfoncer, l’égérie des libertés individuelles égoistes et polluantes à abattre. Dommage, l’État stratège pourrait avoir une vision industrielle capable de redynamiser la France.

27 octobre, 2022

Être libéral, cela veut dire…

 Par Nathalie MP.

Je me suis demandé ce que je dirais si on me demandait ce que signifiait pour moi « être libéral ». Je vais commencer avec un exemple qui va sans doute surprendre car il ne concerne pas du tout l’économie.

 

Deux exemples de constructivisme

Vous trouvez – hypothèse – que le don d’organes est une idée géniale qui permet de sauver des vies. C’est parfait, moi aussi je trouve que c’est génial. L’affaire commence cependant à déraper car vous êtes tellement emballé par cette idée que vous trouvez même qu’il faudrait que tout le monde fasse comme vous. En fait, idéalement, il faudrait obliger tout le monde à donner ses organes, parce que « c’est bien ».

Or il existe des personnes moins enthousiastes, voire carrément hostiles, sur ce sujet. Parmi ces dernières, certaines aimeraient que le don d’organes soit purement et simplement interdit, parce que « c’est mal ».

Vouloir imposer le don d’organes à tout le monde selon votre propre sens du bien et du mal fait de vous un constructiviste progressiste. Ceux qui à l’inverse souhaitent l’interdire sont des constructivistes conservateurs. L’attitude du libéral consistera à dire que la décision doit revenir à chaque personne prise individuellement, pas à quelques « élus » qui s’imaginent savoir pour les autres ce qu’il convient de faire.

Il est possible qu’au fil du temps l’idée des bienfaits du don d’organes gagne de plus en plus de personnes et s’impose naturellement dans l’ensemble de la société, mais ce sera par évolution des décisions individuelles, certainement pas par détermination arbitraire d’un « intérêt général » applicable de force à tous les membres de la société.

 

Le libéralisme est fondé sur la liberté individuelle

La première chose à retenir de cet exemple, c’est que le libéralisme est fondé sur la liberté individuelle. La seconde, c’est qu’un régime politique qui se limiterait à baisser les impôts, et plus largement à organiser un environnement agréable aux entreprises tout en maintenant un contexte coercitif et un ordre moral – progressiste ou conservateur – partout ailleurs, ne serait pas un régime libéral.

Il se trouve que l’État est l’entité typique qui pense savoir mieux que vous ce qui vous convient. Ses représentants ne sont pourtant jamais que des humains comme vous et moi. Il n’empêche, ayant déterminé que telle action est « géniale », ils n’auront de cesse de vouloir l’imposer à tous en maquillant leur autoritarisme sous la défroque de l’État stratège et sous le faux activisme de politiques dites « volontaristes » et réalisées au nom de l’intérêt général.

Dans les faits, l’État stratège rime toujours et partout avec copinage, connivence, mauvaise gestion et festival de déficits. La preuve par Areva, la SNCF, la région Poitou-Charente et la Sécurité sociale. Les politiques « volontaristes » ne font que refléter la faible adhésion qu’elles suscitent dans la société, au point qu’il faut les imposer pour tenter de les faire vivre.

Quant à l’intérêt général, c’est un concept prétentieux visant à noyer les lubies de quelques-uns dans une attente prétendument partagée par tous les citoyens sans exception.

 

Le libéralisme valide uniquement ce qui marche

Sur le plan économique, ainsi que j’ai eu l’occasion de l’écrire à plusieurs reprises, le libéralisme n’a rien d’une construction idéologique prédéterminée. Il s’est développé peu à peu à force d’observations sur ce qui marche et ce qui ne marche pas.

Très vite il est apparu que le protectionnisme et toutes les limites imposées au jeu de la concurrence ne marchent pas ; qu’il ne sert à rien de vouloir maintenir à tout prix des activités durablement non rentables ; que les exigences réglementaires de l’État freinent les échanges et la créativité ; que le poids toujours croissant de l’impôt pour satisfaire des rentes ou des trains de vie dispendieux pèse sur le développement économique harmonieux de toutes les classes de la société.

 

Le libéralisme veut limiter le pouvoir de l’État

De façon générale, le libéralisme s’oppose à tout pouvoir arbitrairement imposé d’en haut. Il est au contraire question de limiter le pouvoir de l’État pour laisser chaque individu choisir lui-même son mode de vie, au plan personnel comme au plan économique.

Loin de s’imaginer que « tout est permis », le libéralisme considère que l’individu est un être responsable qui respecte l’intégrité des personnes qui ne sont pas lui, et celle des biens qui ne sont pas siens. La liberté est totale dans la limite du respect des droits naturels que sont la liberté, la sécurité et la propriété. L’État est là pour faire appliquer ces principes et veiller au respect du droit et des contrats entre les hommes.

Mais l’État n’est pas là pour nous dicter notre conduite de tous les jours. Il est assez curieux de penser que nous sommes encore jugés capables d’acheter une voiture, des vêtements ou de la nourriture – encore que nous ne manquions pas de conseils et d’injonctions en tout genre sur ces sujets, mais que nous serions incapables de choisir une assurance maladie ou une école pour nos enfants en dehors de ce que l’État veut bien nous consentir en ces domaines où il ne brille guère.

 

Redonner à l’individu le pouvoir de décider pour lui-même

L’idée fondamentale du libéralisme, c’est de redonner de l’autonomie et du pouvoir de décision aux individus sur la base de deux constatations : celui qui sait le mieux ce qui lui convient, c’est l’individu ; celui qui agit le plus efficacement, c’est celui qui a un intérêt direct dans l’affaire pour laquelle il agit.

Cette ambition n’est ni « meurtrière »ni « démesurée » car elle se déploie dans le cadre du respect des droits naturels que sont la liberté, la sécurité et la propriété. L’unique limite qui fasse justice à tous les hommes passe par le respect des biens et des personnes, l’unique rôle de l’État qui ne constitue pas un abus de pouvoir consiste à la faire respecter.

Plutôt que de nous résigner à être les robots dociles des lubies autoritaires de quelques-uns, qu’ils soient progressistes ou conservateurs, ne serait-il pas enthousiasmant de contribuer à l’évolution positive du monde en cultivant nos talents personnels, en usant de créativité et en faisant montre de curiosité dans tous les domaines possibles, dans la limite essentielle du respect des personnes et de leurs propriétés ?

* Remarquons que depuis le 1er janvier 2017, la norme qui s’applique en France en ce domaine est l’acceptation par défaut, ce qui revient à avancer sur le chemin de l’obligation sans consentement explicite du défunt.

26 octobre, 2022

De Greta à Just Stop Oil : l’écologisme en pleine crise d’adolescence

 Par Jean-Paul Oury.

« Il faut que jeunesse se passe » … entre Greta qui revient à la raison sur le nucléaire et les jeunes activistes de Just Stop Oil qui vandalisent le tableau de Van Gogh, jamais l’actualité de la semaine n’aura autant  illustré ce vieux dicton populaire…

Encore faut-il que notre société en proie au jeunisme cesse d’accorder une valeur à ce dernier. Or quand on voit l’emprise de l’écologisme sur nos politiques scientifiques, on a toutes les bonnes raisons de douter de cette possibilité.

 

Pendant que Greta accepte de ranger sa chambre… 

Greta Thunberg a surpris tout le monde en déclarant qu’il ne fallait pas forcément fermer les centrales nucléaires allemandes.

Une volte-face qui pourrait presque faire oublier qu’elle s’est fait connaître en appelant à la grève des cours, un geste de protestation contre la société du savoir et notre civilisation contemporaine. Comme je l’ai expliqué dans Greta a tué Einstein, elle a incarné la mort symbolique du père de la science moderne. Au-delà des manœuvres de communication et de lobbying cet acte fut l’aboutissement du sacrifice de la science prométhéenne sur l’autel de l’écologisme, sachant qu’il est désormais tabou de modifier le vivant, de fissionner l’atome, de diffuser des ondes et de synthétiser des molécules.

Pourtant loin d’être achevée la pensée de Greta Thunberg ne semble cesser de mûrir au fil des déclarations… et devant le vent de protestation académique qu’a soulevé sa démarche initiale, elle a dû revoir sa copie et est allée déclarer à l’ONU et à Davos qu’il fallait écouter la science. Intrigué par cette nouvelle déclaration, je me suis interrogé sur le sens qu’il fallait alors lui donner dans Greta a ressuscité Einstein, sachant qu’elle continuait de condamner le nucléaire sur sa page Facebook et qu’elle s’en est encore pris récemment à l’UE qui au dernier moment a intégré le nucléaire dans la taxonomie.

Son dernier revirement fait-il pour autant d’elle une convertie à la manière d’un Lomborg, d’un Shellenberger ou d’un Moore ?

Même si la question se pose, il est encore trop tôt pour se prononcer et il nous faudra attendre la prochaine déclaration de cette pythie des temps modernes, tout en étant conscients que le Grétatisme n’a pas fini de sévir, bien au contraire.

 

… Just stop oil ne termine pas sa soupe 

En effet, alors que les technosolutionnistes du monde entier étaient encore en train de sabler le champagne pour célébrer l’approbation atomique, même si à demi-mot, de la jeune Suédoise, un attentat à la soupe de tomate projetée sur Les tournesols de Vincent van Gogh est venu gâcher la joie des naïfs qui avaient commencé d’enterrer le Grétatisme.

On rapproche souvent Just Stop Oil d’Extinction Rebellion, et avec raison : le stupidité de l’acte est à la hauteur du postulat de Roger Hallam, fondateur de l’ONG dont il faut lire la lettre  pour comprendre qu’il s’agit bel est bien d’un mouvement qui prône le terrorisme écologique. Toutefois, cette surenchère dans l’action illustre à quel point la politique a récupéré la science du climat. Dans Greta a ressuscité Einstein, je décortique ce phénomène en mettant au jour les cinq sophismes qui permettent aux politiques de détourner et de s’approprier la science afin d’établir une Climatocratie.

En voici deux.

Tout d’abord, alors que la science cherche à calibrer son objet et propose des actions définies et ciblées, les idéologues au contraire se vautrent dans la démesure. C’est ainsi que selon eux, on n’en fait jamais assez pour le climat, qu’il faut en faire toujours plus, qu’il faut agir plus vite et tout de suite maintenant, ou pour reprendre le fameux slogan de Greta « no more blah blah blah »… toutes ces locutions souffrent d’abstraction et forcément on peut y adjoindre n’importe quel type d’actions, les plus coûteuses, les moins efficaces, les plus pénibles, voire – c’est moins drôle – les plus violentes.

Au contraire, la science essaye de chiffrer le coût du changement climatique comme le fait, par exemple, Bjorn Lomborg en s’appuyant sur les travaux de William Nordhaus, prix Nobel d’économie qui évalue un coût des dommages causés par le changement climatique sur le PIB mondial d’ici la fin du siècle, à – 4 % ; sachant que d’ici là, la richesse moyenne par individu sera multipliée par 450, (une fois déduit le coût du changement climatique, cela revient à 432) ce n’est donc pas la catastrophe annoncée et cela permet de se poser la question sur les stratégies à adopter, autres que les mesures sacrificielles ou les actes terroristes motivés par les peur-paniques.

Ensuite, si on s’interroge sur les motifs de l’action des deux jeunes terroristes, on réalise à quel point le débat a été moralisé : ces militantes ont voulu sensibiliser l’opinion au fait que de nouveaux projets pétroliers allaient être signés… Elles sont prisonnières de cette logique qui a diabolisé certaines énergies (notamment les énergies fossiles) et qui fait que l’on n’évalue plus l’utilisation de celles-ci – alors qu’elles représentent encore 83 % de tous les usages – en termes de risque-bénéfice (ce que doit faire la science), mais de bien ou mal…

Du point de vue scientifique on s’interroge sur ce qui est le plus risqué : avoir abandonné la prospection de gaz de schiste en Europe au regard des risques que nous prédisent les modèles les plus catastrophistes ou abandonner à leur triste sort les populations qui vont subir des pénuries d’énergie cet hiver…

Autre question possible : être autonome sur le plan énergétique ou dépendant d’autres pays ?

Hélas toutes ces questions sont occultées par la moralisation du débat ce qui finit par causer des actions désespérées et jusqu’au-boutiste.

On comprend alors l’erreur de ces jeunes qui croient justifier leur action en invoquant la science et l’urgence climatique et se sont fait berner : il ne s’agit pas de science mais de politique qu’ils ont pris pour de la science.

 

Pour que jeunesse se passe 

De nombreux internautes s’étonnent que l’on perde du temps à commenter et donc donner de l’importance aux propos de ces jeunes.

Hélas je pense qu’il ne faut laisser passer aucune des lubies de l’écologisme et les combattre pied à pied sans hésiter et dès qu’elles se présentent (ce que je fais à titre personnel depuis La querelle des OGM)…

Car quand on laisse passer ce genre d’actions militantes, des années plus tard on se retrouve à devoir composer avec un vocabulaire, un corpus idéologique, voire une nouvelle législation qui s’en inspire et nous projette dans un monde dystopique qui devient notre réalité. Ceux qui en doutent peuvent se renseigner sur l’histoire récente de la R&D des biotechnologies vertes françaises ou de Fessenheim et s’interroger sur les raisons absurdes qui en sont à l’origine.

Il est vrai que si une civilisation extra-terrestre nous observe, elle ne manquera pas d’être surprise de constater que nous attendons qu’une jeune adolescente change d’avis sur le nucléaire pour savoir si on doit se chauffer cet hiver. Mais si elle tire le fil rouge elle aura vite fait de comprendre.

L’écologisme a investi notre société en imposant une idéologie qui tout en dénigrant la science prométhéenne et sa promesse de nous libérer de contraintes que nous impose la nature (la science des ingénieurs), réclame au contraire de pouvoir s’appuyer sur la science pour créer de nouveaux déterminismes (la science des législateurs). Dans ces conditions, il est difficile d’incriminer un manque de rationalité et d’attendre que jeunesse se passe.

Car pour que ce soit le cas il faudrait que le référentiel de valeurs qu’on propose à ladite jeunesse soit tout autre et qu’il aide l’adolescence à accéder à l’âge de raison. Or comme on l’a vu, au travers de la vague de bifurqueurs et autres déserteurs qui a déferlé dans les grandes écoles, une majorité semble choisir de s’orienter vers l’écologisme et de l’embrasser.

Pour donner une tournure biblique à notre conclusion, une majorité a décidé d’enterrer son talent (voir l’introduction de Greta a ressuscité Einstein).

Dans ces conditions il ne sert à rien d’attendre que jeunesse se passe… C’est toute la génération précaution qui doit changer et se ré-intéresser aux vertus émancipatrices de la science pour l’humanité.

25 octobre, 2022

Comment la crise de Cuba illustre les dangers du consensus en incertitude

 Par Philippe Silberzahn.

Nous pensons souvent que le consensus est gage de certitude. On évoque le consensus des experts sur tel ou tel sujet pour avancer avec confiance dans une direction donnée. C’est oublier les leçons de l’histoire qui a régulièrement démenti, parfois brutalement, cette croyance un peu naïve. Un bon exemple est celui de la crise des missiles de Cuba. C’était il y a soixante ans, mais les mêmes mécanismes jouent encore aujourd’hui.

Le 16 octobre 1962, l’Amérique découvrait stupéfaite que les Soviétiques étaient en train d’installer secrètement des missiles balistiques nucléaires à Cuba. Ainsi commençait une crise au cours de laquelle le monde passa très près d’une guerre nucléaire. L’activation de ces missiles sur une île située à moins de 150 km des côtes américaines, qui ne fut évitée qu’à quelques jours près, aurait radicalement modifié l’équilibre des forces entre les États-Unis et l’Union soviétique en faveur de cette dernière.

Pourtant pendant des mois, alors que l’opération était menée du côté soviétique et cubain depuis le mois de mai, et malgré des preuves factuelles de plus en plus nombreuses d’une intense activité qu’elle ne savait expliquer, la CIA avait assuré au président Kennedy que l’Union soviétique n’installerait jamais de missiles nucléaires en dehors de son territoire. Il faudra un vol de l’avion espion U2 le 14 octobre pour révéler l’opération in extremis.

 

Le piège des croyances

Qu’est-ce qui explique que la CIA se soit ainsi fait surprendre ?

En un mot, ses croyances (modèles mentaux) l’ont aveuglée. La CIA croit qu’on ne peut pas faire confiance aux informateurs cubains. Elle croit que Cuba n’a aucun intérêt pour les Soviétiques. Elle croit que ces derniers ne prendraient jamais un tel risque. Et ainsi de suite. Les faits qui ne collent pas avec les croyances de l’agence sont systématiquement ignorés ou minimisés. Aveuglée, la CIA estime inutile de faire voler l’U2, qui pourrait pourtant répondre sans ambiguïté à ses questions.

Chose étonnante, le directeur de l’agence, John McCone, ne partage pas l’avis de ses équipes. Il faut dire qu’il n’est pas du sérail et tranche avec le profil type de l’analyste. Ce décalage est volontaire : Kennedy l’a nommé pour faire le ménage après le fiasco de la baie des Cochons, une tentative de débarquement à Cuba organisée l’année précédente par la CIA et qui a piteusement échoué. McCone croit, lui, qu’il s’agit bien de missiles balistiques, mais durant une réunion cruciale avec le Département d’État pour faire voler l’U2, il est absent. Pourquoi ? Parce qu’il est en voyage de noces ! Il s’est en effet marié tardivement. Cependant préoccupé par la situation il envoie régulièrement des câbles à ses équipes depuis le consulat américain à Nice, où il réside, pour les inciter à suivre la piste des missiles nucléaires, mais sans succès. Et c’est ainsi qu’alors que l’opération soviétique progresse et que l’heure fatidique de l’activation des missiles se rapproche, la CIA reste aveuglée.

Mais alors pourquoi l’U2 a-t-il volé, finalement, si la CIA n’en voyait pas l’intérêt ?

Tout simplement parce que, n’y tenant plus, McCone a écourté son voyage de noces ! Rentré aux États-Unis, il ordonne immédiatement un vol, qui révèle les sites de lancement des missiles. La CIA, et les États-Unis, ont été sauvés in extremis parce que quelqu’un a réussi à garder vivante une hypothèse alternative dans une organisation qui refusait de l’envisager. C’était il y a soixante ans, mais aujourd’hui rien n’a changé. Les organisations et les États continuent de se faire surprendre parce qu’ils ont trop facilement éliminé des hypothèses qui contredisent leurs croyances profondes. L’invasion de l’Ukraine en est un exemple frappant.

Edward Luttwak, stratège renommé, estimait ainsi juste avant l’attaque que celle-ci était improbable car « pour envahir et occuper un pays, il faut au moins 300.000 hommes et Poutine n’en a regroupé que 120.000 ».

Il n’a pas envisagé qu’il ne s’agissait pas d’occuper le pays, mais de faire un bref coup de force qui ferait tomber le gouvernement.

 

Les dangers du consensus

Ce qui aveugle la CIA en 1962, c’est que le consensus se fait en son sein autour d’une croyance profonde, celle selon laquelle jamais les Soviétiques n’installeront de missile nucléaire à Cuba. Cette croyance écrase tout. Elle renforce d’autres croyances qui participent à l’aveuglement de l’agence, comme celle selon laquelle on ne peut pas faire confiance aux informateurs cubains qui signalent pourtant des faits étranges.

Le consensus est bien sûr très utile en situation continue, où l’incertitude est relativement faible. Il est un gage d’efficacité. Le collectif travaille à partir d’une hypothèse dominante qui a fait ses preuves par le passé, et ne perd pas de temps à en considérer d’autres. Mais que survienne une discontinuité, et le consensus se révèle potentiellement mortel : il conduit à éliminer les opinions extrêmes, que la nature extrême, anormale, de la situation justifie pourtant.

Avec le consensus, le collectif mise tout sur une hypothèse. Le gain est considérable si cette hypothèse se révèle exacte, mais la perte est également considérable sinon. Plus la taille du collectif est importante, moins ce risque est acceptable. Ce qui est possible à l’échelle d’une personne ou même d’une unité d’entreprise, par exemple via un pari sur un lancement de produit disruptif, devient déraisonnable à l’échelle de toute une organisation, voire d’un pays. Plus le collectif est grand, plus il est complexe, et moins le consensus est possible et même souhaitable.

Ce qui complique les choses, c’est que le propre d’une discontinuité est de survenir de façon inattendue sous forme de surprise parfois brutale, comme dans le cas de la crise de Cuba, ou plus récemment de l’invasion de l’Ukraine. C’est donc avant la surprise, et afin d’essayer d’éviter celle-ci, que le consensus doit être limité.

Dans notre ouvrage Constructing Cassandra, mon co-auteur Milo Jones et moi avons analysé plusieurs surprises stratégiques. Nous montrons que c’est le rôle du dirigeant de mettre en œuvre des techniques, des mécanismes et surtout une culture dans laquelle il est naturel, et même attendu, de questionner le consensus sur une question donnée. Idéalement cela doit se faire avant le choc, dans la durée. À défaut, cela se fait après. C’est ce qu’a fait Kennedy. Dès les missiles découverts, le Président réunit ses conseillers. Ceux-ci le pressent d’agir : il faut raser Cuba avant que les missiles ne soient activés, car alors il sera trop tard. Kennedy, évidemment, n’est pas enthousiaste. Il souhaite avoir d’autres options, mais comment ? La solution qu’il trouve est de s’absenter volontairement de la pièce. Il sait qu’en sa présence la dynamique est bloquée. Son absence libère la parole et permet de dégager de nouvelles options, dont le blocus, qui sera finalement retenu et qui permettra de mettre fin à la crise.

On retrouve aujourd’hui cette approche avec Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, qui s’exprime toujours en dernier dans les réunions. On la retrouvait également avec Alfred Sloane, légendaire PDG de General Motors, qui, lorsque tout le monde était d’accord avec une de ses décisions, la remettait systématiquement à l’agenda de la réunion suivante. Il offrait ainsi la possibilité à ceux qui avaient un doute de venir le voir discrètement entretemps.

 

La diversité d’opinion, un argument d’ordre pratique

La défense de la diversité est faite de nos jours à partir d’un argument d’ordre moral, selon lequel la diversité d’une organisation doit refléter celle de la société. Ici, l’argument est d’ordre pratique. Le consensus autour d’une croyance unique, ou d’un corpus de croyances uniques, est mortel pour un collectif quel qu’il soit. Le maintien d’une diversité d’opinion est le seul moyen que des hypothèses extrêmes et anormales, difficiles à admettre, ne soient pas balayées par les croyances dominantes qui semblent si évidentes et qui ont été vraies si longtemps.

N’attendez pas de vous retrouver dans la situation similaire à celle de Kennedy, face à une crise existentielle, pour créer, exiger et garantir la diversité d’opinion au sein de votre organisation.