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31 juillet, 2020

La Convention Climat a étendu sa mission et perdu le Nord

La Convention Citoyenne pour le Climat propose, dans son rapport, des mesures n’ayant plus aucun lien avec sa mission climatique.
La Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) a remis son rapport au Président ce mois-ci (juillet 2020). La presse a longuement parlé de ses propositions, ce qui a probablement fait croire à ses membres que leur nouvelle expertise (supposée) serait maintenant largement utilisée. Malheureusement, n’étant pas élus puisqu’ils ont été tirés au sort, leur mission s’arrête avec la publication de leur rapport.
En première lecture de ce dernier, il semble que certaines des mesures proposées sortent de la mission qui a été assignée à la CCC. Par ailleurs, ces mesures apparaissent comme nettement colorées en rose et en vert. Le mode de sélection des membres de la CCC en est-il la cause ?

UN PARFUM DE TOTALITARISME

Voici la mission de la CCC d’après Wikipédia :
« Définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990. Aux termes de ces travaux, elle adressera publiquement au Gouvernement et au Président de la République un rapport faisant état de ses discussions ainsi que l’ensemble des mesures législatives et réglementaires qu’elle aura jugées nécessaires pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle pourra désigner, parmi les mesures législatives, celles dont elle jugerait qu’elles soient soumises à un référendum.. »
Examinons maintenant un certain nombre des propositions de cette CCC. (Le texte des propositions de la CCC est précédé de son numéro d’identification).
SN-5.2.2 INTERDIRE la publicité pour les  produits prescrits par le PNNS (aliments trop gras, trop salés ou trop sucrés) et apposer des avertissements sur leurs emballages. (PNNS : Plan National Nutrition Santé, NdlA)
SN-6.1.3 INTERDIRE progressivement l’usage des auxiliaires de production et des additifs alimentaires sous 5 ans.
SN-6.1.4 TAXER les produits ultratransformés, à forte empreinte carbone et faible apport nutritionnel. 
PT-1.2 Faire respecter la loi sur l’INTERDICTION de l’obsolescence programmée.
PT-1.4 Rendre OBLIGATOIRE la possibilité de réparer des produits : démontage possible, pièces détachées disponibles, ateliers dédiés.
PT-1.4 : Rendre OBLIGATOIRE le recyclage de tous les objets en plastique dès 2023, SUPPRIMER tous les plastiques à usage unique dès 2023, et développer le recyclage des autres matières.
PT-1.5 DURCIR et appliquer la règlementation sur les déchets d’activités économiques, les déchets ménagers non dangereux (DND) et les déchets non dangereux inertes.
SD-A2.2 INTERDIRE les centres-villes pour les véhicules les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
SD-B1.6 OBLIGER les chargeurs à intégrer des clauses environnementales.
SD-E3 INTERDIRE la construction de nouveaux aéroports et l’extension des aéroports existants.
SD-E4 TAXER davantage le carburant pour l’aviation de loisir.
SL2.1  CONTRAINDRE par des mesures fortes les espaces publics et les bâtiments tertiaires à réduire leur consommation d’énergie.
SL3.2 INTERDIRE toute artificialisation des terres tant que des réhabilitations ou friches commerciales, artisanales ou industrielles sont possibles dans l’enveloppe urbaine existante. STOPPER les aménagements de zones commerciales périurbaines.
SL3.3 Prendre immédiatement des MESURES COERCITIVES pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines très consommatrices d’espace.
Bref, tous les poncifs verts à la mode y passent !
J’ai mis en capitales certains mots qui apparaissent dans les propositions de la CCC, afin de les faire ressortir. Plus de doute sur les intentions de ses rédacteurs : ceux-ci proposent un nouveau monde fait de contraintes, d’obligations, d’interdictions et de taxes.
C’est la montée d’un véritable totalitarisme d’autant plus inquiétant qu’il se camoufle sous des termes rassurants comme : « il s’agit ainsi de faire évoluer les comportements sans les contraindre » (page 25 du rapport de la CCC).
La tendance totalitaire dans les propositions ne fait aucun doute et elle est inquiétante. En mettant en place cette convention, le président Macron n’a peut-être pas bien réfléchi aux conséquences de l’ouverture d’une boite de Pandore d’où sortent toutes sortes d’interdictions et d’obligations, l’ensemble étant, bien entendu, sous le contrôle d’un Big Brother bien réel, l’État, considéré par la CCC comme omniscient, et qui doit donc être omniprésent.
Seule une révolte du genre Bonnets rouges ou Gilets jaunes pourrait rectifier ce dangereux virage antidémocratique. Malheureusement, comme on l’a vu avec les Gilets jaunes, la mainmise de l’extrême gauche sur les revendications de ces mouvements est plus que probable, qui a déjà transformé un mouvement anti impôts et taxes en un galimatias d’exigences contradictoires dont le seul point commun a été la violence.

INCOHÉRENCES ET ERREURS ÉMAILLENT LE TEXTE DE LA CONVENTION CLIMAT

Pour pouvoir « réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 40 % d’ici 2030 » (page 63) l’ingénieur que je reste se dit qu’il faut d’abord avoir une idée précise, et autant que possible par domaine, de la quantité de GES émise. Il faudrait également que pour chacune des propositions ou au moins pour chaque groupe cohérent de propositions, un chiffre de réduction de GES soit proposé, puisque l’objectif global de 40 % est clairement indiqué dans la lettre de mission.
Or, je n’ai pas trouvé ces chiffres dans le rapport. J’y ai relevé, par ailleurs, un certain nombre d’erreurs  ou d’incohérences. En voici quelques exemples.
« En France, les déchets ménagers représentent plus de 5 millions de tonnes par an, l’impact étant alors majeur sur les émissions de gaz à effet de serre » (page 38).
Ce chiffre est complètement erroné. Selon l’ADEME, le tonnage de déchets provenant des ménages a été de 39 millions de tonnes en 20191.
« L’industrie de l’emballage représente en France environ 90 milliards d’euros ». (page 40)
Le chiffre tournerait plutôt autour des 30 milliards2. Par ailleurs, la CCC succombe complètement à la mode du « biosourcé » et à la politique de l’argent facile en s’imaginant de façon assez puérile qu’il suffit de mettre de l’argent public dans la sébile de chercheurs idoines pour par exemple disposer rapidement d’un matériau d’emballage « biosourcé » et « compostable »,les chercheurs idoines étant particulièrement habiles pour déclencher des subventions.
 » L’eau est une ressource naturelle limitée plus encore que toutes les autres ». (page 123)
Les membres de la CCC auraient dû lire l’ouvrage de Jean de Kervasdoué et Henri Voron Pour en finir avec les histoires d’eau avant d’affirmer ce poncif sans aucune preuve. En réalité, l’eau est en France abondante, disponible, et déjà largement recyclée. De plus, elle n’est pas réellement consommée, et peut resservir autant de fois qu’on le veut après nettoyage.
Proposition SD-C1.3 : interdire dès 2025 la commercialisation de véhicules neufs très émetteurs (de CO2), les véhicules anciens pouvant continuer de circuler ». (page 218).
Cette mesure est contre-productive, car elle conduira tout simplement les utilisateurs de ces véhicules à acheter ceux-ci à l’étranger, privant ainsi tous les réseaux de vente français d’une importante source de revenu, et donc créant du chômage supplémentaire, sans diminuer pour autant les émissions de GES.
« Les émissions de gaz à effet de serre issues de l’agriculture représentent 36 % des émissions nationales »(pages 337, 349, 352 et 357).
« L’agriculture représente 19 % des émissions de gaz à effet de serre en France ». (pages 338 et 353).
Quel est le bon chiffre : 36 % ou 19 % ?
« Les océans et leur écosystème ont permis d’absorber 90 % de la chaleur excédentaire du système climatique ». (page 364).
On est très heureux de l’apprendre, mais comme on n’a encore pas trouvé le moyen de nationaliser les océans, cela ne nous apporte strictement rien concernant la réduction des GES par les Français.
« Nous proposons de permettre le développement des pratiques agroécologiques, et notamment par : →L’atteinte d’un objectif de 50 % des terres en agro-écologie en 2040 : →Le développement de l’agriculture biologique ». (page 337).
Si on augmente les surfaces agricoles pour les passer en bio, on augmentera les émissions de gaz à effet de serre, et on obtiendra donc un effet contraire à l’objectif3.
Le pompon est à trouver en fin de rapport. Probablement fortement influencée par les émissions de gaz à effet de serre au point d’en être assez perturbée, la CCC voit ainsi le préambule de la Constitution de la Cinquième République actuel :
« Les émissions de gaz à effet de serre issues du secteur résidentiel et le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789… etc. »  (référence : Propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat) page 414 de la version corrigée du 20 juillet 2020.
J’ai téléchargé cette version sur mon site, car sans doute, la version « officielle » sera corrigée. Vous pouvez la consulter à l’adresse suivante pour vérifier mon propos (méfiez-vous d’Internet : il est éternel).

DES PROPOSITIONS FARFELUES QUI OUBLIENT LA DÉMOCRATIE

La démocratie a mis des siècles pour s’élaborer et se mettre en pratique. La CCC propose plusieurs mesures qui vont mettre à mal le système démocratique représentatif actuel.
En effet, oubliant pratiquement le climat et leur mission pourtant très bien définie, la CCC s’immisce dans la politique en voulant tout simplement court-circuiter ses représentants, c’est-à-dire les parlementaires sous le prétexte d’un manque de confiance des citoyens envers les institutions politiques (page 420).
Confiante dans le système du tirage au sort, puisque celui-ci a permis de sélectionner des citoyens particulièrement clairvoyants comme eux-mêmes, les membres de la CCC proposent d’utiliser le même système pour recruter des « conseillers » du Conseil Économique, Social et Environnemental.
Ces conseillers (page 420) auraient une durée de mandat telle qu’elle leur permettrait d’acquérir une expertise sur un sujet (je m’interroge sur la durée qu’il faudrait donner à ce mandat pour permettre à certaines personnes de ma connaissance de devenir expertes en écologie par exemple).
Cette durée devrait aussi « permettre de conserver une lecture citoyenne des enjeux et solutions et éviter que les membres tirés au sort ne soient sous l’influence des représentants d’intérêts ». Le sens de cette affirmation m’échappe : est-ce que cela voudrait dire qu’au bout d’un certain temps, les gens ne sont plus capables d’avoir une « lecture citoyenne des enjeux et solutions ? »
Enfin, d’autres conventions consultatives seraient régulièrement créées pour « définir les enjeux et proposer des solutions pour les grands projets nationaux sur le modèle de la Convention Citoyenne pour le Climat ».
Pour que ces conseillers tirés au sort aient le pouvoir bien en main, il faudrait, selon la CCC :
  • renforcer les prérogatives du CESE
  • rendre plus contraignante la prise en compte de l’avis du CESE
Et pour rassurer ceux comme moi qui s’inquiéteraient d’un glissement progressif dangereux vers le totalitarisme, la CCC nous assure de ses bonnes intentions en déclarant que « l’ambition de la Convention n’est pas de faire du CESE une assemblée décisionnaire membre du Parlement ». (page 420). Nous voilà rassurés…
Autrement dit, les conseillers prennent le pouvoir, et les parlementaires, devenus inutiles, n’auront plus qu’à rester chez eux.
Enfin, la CCC demande à ajouter un paragraphe dans le préambule de la Constitution de la Cinquième République (qui sont déjà ces gens dont Michel Audiard disait qu’ils osaient tout et que c’était à ça qu’on les reconnaissait ?). Voici ce paragraphe :
« La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ».
Nos nouveaux conventionnels ont-ils bien réfléchi au fait que si on considère son virus, éradiquer la variole a été une atteinte à la biodiversité ? D’un point de vue plus sérieux, la Constitution est un texte qui règle le fonctionnement des institutions. Elle n’a absolument rien à voir avec la préservation de la biodiversité, l’environnement ou la lutte contre le dérèglement climatique.

UN FINANCEMENT QUI RESSEMBLE À UN CONCOURS LÉPINE DES TAXES

C’est l’éternel retour des taxes les plus classiques et les plus souvent demandées par l’aile gauche des parlementaires : taxe sur les transactions financières, taxe sur les GAFA, taxe d’enlèvement des ordures ménagères (?), taxe vidéo, taxe sur la publicité, taxe sur le cannabis légalisé (tiens ? une nouveauté), taxe carbone, nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu, rétablissement de l’ISF etc. etc.
Nos conventionnels se prennent pour des fonctionnaires de Bercy à la recherche permanente de la taxe la plus indolore possible afin de « plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avant d’obtenir le moins possible de cris » selon le précepte bien connu de Colbert.
Probablement sans s’en rendre compte, ils en reviennent aux vieilles lunes mille fois proposées, mais sans faire jamais preuve d’originalité (sauf, reconnaissons-le, pour la taxe sur le cannabis), ce qui est assez désolant. En fait, étant carrément sortis de la mission qui leur était assignée, ils ne font que de la gesticulation fiscale qui sera très probablement sans suite. En réalité, dans un pays qui est déjà le champion du monde du prélèvement obligatoire, il n’est pas vraiment sérieux de vouloir augmenter encore l’impôt ou les taxes. Les parlementaires le savent, le gouvernement aussi. Tout comme le Président, mais qui aurait pu charger les « experts » qui ont instruit les membres de la CCC de le leur expliquer, ce qui, de toute évidence, n’a pas été fait.

L’INFLUENCE DE L’ENCADREMENT ET UN BIAIS POSSIBLE DANS LA SÉLECTION

On peut se poser la question suivante : comment une assemblée de personnes a priori raisonnables et réputées représentatives de la population française peut-elle arriver à de telles extrémités dans ses propositions qui ne sont probablement pas partagées par la majorité de nos concitoyens ?
D’aucuns vont prétendre que ces propositions sont effectivement acceptées et encouragées par la majorité des Français. La preuve, un sondage qui a abouti à un chiffre de 70 % d’avis favorables. Je doute pour ma part très fortement que ce soit là l’opinion réelle des Français.
Je ne sais pas si toutes les propositions ont été effectivement soumises aux sondés. Mais je sais bien que la plupart (pour ne pas dire tous) d’entre eux n’ont, en fait, pas lu ces propositions. La valeur de ce sondage est donc contestable. Par ailleurs, une petite chose m’interroge : c’est apparemment Réseau Action Climat qui l’a commandé…
Dans la liste des personnes entourant les membres de la CCC :
  • Deux des coprésidents (Thierry Pech Directeur général de la Fondation Terra Nova, Laurence Tubiana présidente et directrice exécutive de la fondation européenne pour le climat) sur trois penchent nettement vers la gauche verte.
  • Un expert du climat sur trois (Jean Jouzel) penche lui aussi fortement à gauche.
  • Un des trois garants de la Convention n’est autre que Cyril Dion activiste écolo bien connu.
  • Il n’y a aucun représentant de la tendance « climato-sceptique ».
On peut donc penser que peut-être certaines personnalités ont eu sur les membres de la CCC une influence forte, ce qui n’aurait sans doute pas été le cas si la tendance de cet encadrement avait été mieux partagée.
Cette situation me rappelle une expérience qui a eu lieu aux USA dans les années 1960, et que certains lecteurs connaissent certainement, où des sujets avaient été mis en situation de punir une personne par des décharges électriques, si elle ne répondait pas correctement aux questions posées. L’expérience, plusieurs fois répétée avait montré que les sujets punisseurs n’hésitaient pas à envoyer des décharges de plus en plus fortes clairement notées comme dangereuses voire mortelles car ils se sentaient dans la bonne ligne de conduite, sous l’influence et la protection des instructeurs.
La situation, ici, n’est certes pas identique mais elle montre que l’influence de l’instructeur peut-être quelques fois déterminante.
Enfin, il est aussi possible qu’il y ait eu un biais dans le choix des membres de la CCC par le fait que ceux-ci étaient évidemment tous volontaires lorsqu’on leur a téléphoné pour participer à la Convention. Ce fait a éliminé d’emblée ceux qui n’auraient probablement pas non plus été d’accord sur certaines des mesures proposées, et a donné automatiquement à l’ensemble de la Convention une certaine coloration.

EN CONCLUSION

L’expérience nouvelle de la démocratie directe et de l’action dite citoyenne apparait plutôt comme un échec mis en évidence par le caractère excessif de certaines de ses propositions. Sans compter qu’elle fait probablement 150 aigris qui s’imaginaient désignés pour accomplir de grandes tâches et qui vont se retrouver sans rien alors qu’ils croyaient en leur chance : « Nous souhaitons continuer à être associés aux restitutions et surtout au suivi de la mise en œuvre de nos propositions » (page 437).
Elle est née dans l’imagination d’un Président qui pensait probablement réussir un coup en autorisant une expérience de démocratie directe qui faisait partie des revendications des Gilets jaunes et qui ressort périodiquement chaque fois qu’un conflit d’importance nationale voit le jour. L’expérience est sans doute destinée à redorer le blason d’un président passablement écorné (le blason, pas le président).
À moins que cette convention ne serve qu’à faire passer auprès de l’opinion publique des mesures plus ou moins écologiques qui ne pourraient pas passer directement (voir l’expérience des Gilets jaunes) mais qui seront peut-être acceptées si elles sont issues de la démocratie directe qui faisait précisément partie des revendications de ces manifestants du week-end. Ce serait un beau coup politique… Mais tout cela ne reste qu’une hypothèse car cela sous-entendrait un machiavélisme assez exceptionnel.
En attendant, les jours filent rapidement et la perspective de l’élection présidentielle se rapproche. Il faut à tout prix montrer quelque chose aux électeurs : que faut-il donc inventer pour se rendre intéressant ?

  1. Source (page 6). 
  2. Source : L’emballage en France (page 42). 
  3. Référence : étude britannique parue dans Nature (octobre 2019) :
    « Direct GHG emissions are reduced with organic farming, but when increased overseas land use to compensate for shortfalls in domestic supply are factored in, net emissions are greater« .
    (Les émissions directes de gaz à effet de serre sont réduites avec l’agriculture biologique, mais quand on tient compte de l’augmentation de l’utilisation des sols à l’étranger pour compenser les pénuries de la production domestique, les émissions nettes se trouvent augmentées). 

30 juillet, 2020

Le libéralisme, inépuisable source de quiproquos

Ce n’est pas le libéralisme économique qui nous tue à petit feu, contrairement à ce que les anti-libéraux tentent de faire croire, mais bel et bien l’excès d’État, d’impôt et de redistribution.
Il est stupéfiant de constater combien en France le libéralisme fait l’objet des pires méprises. Existe-t-il plusieurs acceptions du terme ? De quoi la France a-t-elle vraiment besoin ? Analyse.
Comment expliquer que les citoyens favorables à la libre entreprise et à l’économie de marché accusent les gouvernements Hollande puis Macron de mener une politique étatique tandis que les électeurs de gauche reprochent à ces mêmes gouvernements de les avoir trahi avec une politique soi-disant ultra-libérale ? Parlons-nous du même libéralisme ?

LES RAISONS D’UNE ÉTRANGE CONFUSION

Certes, l’une des causes d’une perception diamétralement opposée vis-à-vis du libéralisme provient du discours fallacieux tenu par les deux derniers présidents, tous deux n’ayant eu de cesse de parler de réformes visant à la libéralisation de l’économie sans jamais les élaborer complètement, encore moins les mettre en place, tout en poursuivant par ailleurs des buts exactement opposés : recrutement de fonctionnaires, multiplication des contraintes étatiques, augmentation des prélèvements obligatoires1.
Or, chez les socialistes et les communistes, ce discours aux évocations libérales a été considéré comme s’il s’agissait de véritables réformes. Et l’échec patent de celles-ci a donc été mis sur le compte de ce libéralisme honni. Bien évidemment, une telle « condensation » (entre un discours et des faits hypothétiques) arrange parfaitement les électeurs de gauche. Elle leur permet de conserver leurs croyances intactes : non, le socialisme n’est pas en cause dans le considérable échec des gouvernements Hollande et Macron !
Il existe une autre raison, plus structurelle, à ces quiproquos continuels : la confusion entre libéralisme sociétal et libéralisme économique. En réalité, les gouvernements socialistes Hollande et Macron ont montré une véritable ambition sur le plan sociétal (mariage pour tous, défense des minorités religieuses, ethniques, sexuelles, en particulier LGTB), et sont donc clairement progressistes, c’est-à-dire libéraux, sur ce plan-là.
Mais quelles sont donc les différences entre libéralisme économique et libéralisme sociétal ? Et surtout, quel est celui dont la France a vraiment besoin de toute urgence ?

LE LIBÉRALISME SOCIÉTAL, CET INCONNU

En évitant volontairement toute référence philosophique ou historique, et même s’il reste assez directement lié au libéralisme économique, le libéralisme sociétal semble se nourrir des paradigmes suivants :
  • le désir de s‘affranchir des règles et contraintes héritées du passé ;
  • le désir d’accommoder les mœurs au progrès scientifique ;
  • le souci de construire l’humanité de demain.
Comme l’indique Françoise Héritier, élève et successeur de Claude Levy-Strauss au Collège de France, l’homme est totalement maître de la société humaine et la façonne dans les directions qu’il souhaite.
Ainsi, pour simplifier, le libéralisme sociétal s’intéresse à l’adaptation des règles de la société, la culture en quelque sorte (par opposition à la nature) pour les générations qui viennent. En d’autres termes, il se passionne pour la modernisation de la société, et vise en quelque sorte à l’affranchir de la mainmise religieuse et de la violence primitive qui les caractérisaient un peu partout sur la planète à leur commencement.
De ce point de vue-là, toutes les sociétés ne se situent pas au même stade d’évolution. Alors que l’égalité entre les hommes et les femmes nous semble acquise pour nous Européens, tandis que les statistiques nous montrent que les faits ne sont pas encore tout à fait à la hauteur de cette croyance (inégalités salariales, inégalités de statut), de nombreux pays refusent toujours le fait même d’imaginer qu’une femme puisse avoir la même valeur et les mêmes droits qu’un homme.
En France, le droit de vote des femmes date de 1944, ce qui semble relativement récent comparativement à d’autres pays. Il existe encore à ce jour deux pays qui n’ont pas accordé ce droit aux femmes. De même qu’en ce qui concerne l’homosexualité, de nombreux pays l’interdisent et la punissent. Idem pour la contraception, et le divorce.
Dans un autre domaine encore plus actuel, celui des recherches génétiques, les écarts entre pays ne serait-ce qu’européens sont tangibles : les expérimentations scientifiques sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires sont autorisées depuis peu en France alors qu’elles le sont depuis plus longtemps chez certains de nos voisins. De tels écarts existent tout autant en matière de gestation pour autrui.
Toutes ces questions de société, induites régulièrement par les découvertes scientifiques ou tout simplement par l’évolution des mœurs, soulèvent d’énormes questions philosophiques. Il en revient toujours à l’Homme de trancher, selon l’éternelle interrogation épistémologique : est-ce bon pour lui ou pas ? Le libéralisme sociétal tente de promouvoir certaines réponses à cette interrogation vitale puisque censée assurer le bonheur et la longévité de l’humanité.

LE LIBÉRALISME ÉCONOMIQUE, CE MAUDIT

Le libéralisme économique, au sens classique du terme, reste lui aussi porteur d’un projet de société puisqu’il vise à assurer l’égalité des chances et le respect des libertés individuelles.
Plus précisément, très à cheval sur le droit et le principe de subsidiarité2, le libéralisme cherche à prévenir l’émergence de toute centralisation du pouvoir par une dictature, et l’annexion du droit par celle-ci. La route de la servitude de F.A. Hayek constitue la bible de référence pour ce culte de la liberté individuelle et la phobie du totalitarisme que l’auteur résume ainsi : « le planisme économique implique la réglementation presque totale de notre vie ».
Sur une échelle plus économique encore, le libéralisme signifie l’allègement des contraintes et des taxes générées par un État forcément envahissant. Et c’est bien là sa principale acception chez les libéraux économiques, ainsi que le détaille  Capitalisme et liberté de Milton Friedman.
Mais qu’en est-il réellement ? Ces libéraux sont-ils illuminés ? La France a-t-elle vraiment besoin de réformes libérales ou plutôt sociétales ? Jugeons sur pièce.

LA FRANCE, PAYS PARMI LES PLUS ÉTATISÉS DU MONDE

La France est le champion de l’OCDE de la dépense publique, de la redistribution et plus généralement, du poids de l’État. Une sentence résume à elle seule ce mal typiquement hexagonal : un pays qui ponctionne plus de 57 % de la création de richesse annuelle est tout sauf un pays libéral. La France est l’un des plus étatisés de la planète, en atteste ce tableau confondant ci-dessous (source OCDE 2017) :
La corrélation positive entre la part de l’État et le taux de chômage, ou négative entre la part de l’État et la croissance est d’ailleurs parfaitement établie et ce depuis longtemps. Cette forte relation inverse entre accroissement des dépenses de l’État et croissance économique (en atteste la forme du nuage de points) est sans appel quant à l’origine du mal français (source OCDE) :
Enfin, s’il faut convaincre les incrédules à propos des difficultés économiques de notre pays, il suffit de rappeler que celui-ci a énormément perdu de sa compétitivité. Alors qu’il représentait 7 % des parts du marché mondial industriel il y a un peu plus de 20 ans, il n’en représente plus que 3 %3. Même notre part de marché mondiale dans le domaine moins concurrentiel des services a chuté de façon significative (-20 %). Ce sont des millions de jobs qui se sont évanouis !
La plupart des indicateurs sont d‘ailleurs dans le rouge, que ce soit la balance commerciale qui est déficitaire de façon maintenant récurrente, ou le niveau de la dette de l’État qui fait courir un risque de faillite en cas de hausse des taux… Cet endettement concourt lui-même à couler notre économie, en atteste une autre étude (Reinhardt-Rogoff) :
Un chiffre résume toutefois à lui seul l’ampleur de notre déclin relatif : il s’agit de l’indice de richesse par habitant, mesuré très simplement via le PIB/habitant (ou GDP per capita). Ce chiffre que rien ne peut remplacer décroche depuis 1975 par rapport au reste des pays riches (source OCDE/Trésor) :
À force de décliner sur le plan économique, tout en vivant à crédit pour conserver le même niveau de protection sociale (ce qui fait illusion), la France est arrivée à un niveau critique : elle représente à ce jour 1 % de la population mondiale, 3 % de son industrie, mais carrément 15 % des transferts sociaux de la planète ! Un tel écart donne le vertige et augure des sérieuses difficultés à venir.

ALORS, LIBÉRALISME SOCIÉTAL OU ÉCONOMIQUE ?

De toute évidence, les urgences de notre pays se trouvent du côté des réformes économiques et non pas en matière de mœurs. Aucune minorité sexuelle ou culturelle ne souffre actuellement le martyr en France. La comparaison avec les pays les plus avancés ne nous est pas spécialement défavorable.
À l’inverse, et cela ne semble pourtant pas mobiliser les belles âmes anti-libérales, la comparaison sur le plan du chômage et de l’appauvrissement de moins en moins marginal de la population devrait nous inciter à opter sans délai pour des remèdes radicaux. Car ce sont ces populations, les chômeurs et les pauvres que notre société génère plus que les autres, qui souffrent silencieusement. D’une double souffrance d’ailleurs : celle d’être sans ressources, à laquelle s’ajoute celle de ne pas faire partie des minorités à la mode sur lesquelles il est de bon ton de s’apitoyer…
Il est d’utilité publique de rendre chacun conscient du recul de notre économie et des priorités que cela implique. Ce n’est pas le libéralisme économique qui nous tue à petit feu, contrairement à ce que les anti-libéraux tentent de faire croire, mais bel et bien l’excès d’État, d’impôt et de redistribution. Ne nous laissons donc plus abuser par les discours politiques bisounours. Le pays a besoin de réformes forcément impopulaires, de ce « sale travail » qui est repoussé de gouvernement en gouvernement par manque de courage.
  1. La suppression de l’ISF par Macron ne doit pas faire illusion : le niveau des prélèvements obligatoires a continué d’augmenter (source INSEE 2018). 
  2. L’État ne s’occupe que des tâches régaliennes, uniquement celles pour lesquelles le « marché » ne sait pas se débrouiller par lui-même ou n’est pas à même de le faire correctement. 
  3. L’Allemagne était aux alentours des 7 % elle aussi, et s’achemine vers les 10 % ! 

29 juillet, 2020

Néolibéralisme, le bouc émissaire bien commode

Que d’idées reçues à propos du « néolibéralisme », chimère tant fantasmée devenue un bouc émissaire bien commode pour expliquer toutes les fautes et malheurs du monde.

Le penchant de l’homme à chercher des boucs émissaires responsables de ses malheurs était l’objet du célèbre ouvrage de René Girard intitulé Le bouc émissaire. Il semble bien qu’en ces temps troublés, un néologisme déjà très en vogue depuis un certain temps occupe plus que jamais ce rôle bien commode et rédempteur.
Il n’est plus un journal, un magazine, une émission radiophonique ou télévisuelle, un ouvrage à la mode, un discours public ou privé, qui ne nous serve à l’heure actuelle des analyses très vagues et très conventionnelles (mais qui se veulent originales) sur ce mystérieux mal qui nous ronge et qui a pour nom « néolibéralisme ». Ne me demandez pas de le définir, je ne sais pas ce que c’est.
Pas plus que ne le savent vraiment ceux qui le dénoncent, puisqu’à son sujet ils sortent souvent des propos incohérents ou contradictoires qui montrent qu’ils se font leur propre idée du mal en question, en étant tantôt dans le domaine du fantasme, tantôt dans l’erreur la plus manifeste.
Chacun peut d’ailleurs mettre ce qu’il veut derrière ce mot, c’est ce que l’on constate en écoutant ou lisant les propos des uns et des autres sur tous les côtés de l’échiquier politique ou dans la large palette des « intellectuels ».
Nous voici presque revenus aux temps mythiques de la chasse aux sorcières. À quand les procès ? À quand les condamnations en bonne et due forme ? À quand les interdits ? (cela a déjà plus que largement commencé).
Dix-septième volet de notre série « Ce que le libéralisme n’est pas ».

UN LEURRE BIEN COMMODE

« Le monde va mal. Une pandémie l’a touché. Nous sommes pris au dépourvu. Tout va mal, tout s’écroule. Qu’a-t-il donc pu se produire ? D’où cela est-il venu ?
– Le néolibéralisme, pardi !
– Des morts plein les hôpitaux, plein les Ehpad, plein les demeures.
– Le néolibéralisme.
– Mais comment a-t-on donc pu ne pas voir venir ? Pourquoi n’avons-nous rien prévu ?
– Le néolibéralisme.
– Nous avions pourtant le meilleur système de santé au monde…
– Le néolibéralisme.
– Comment avons-nous pu laisser faire ? Comment en sommes-nous arrivés là ?
– Le néolibéralisme.
– Des riches toujours plus riches, des pauvres toujours plus pauvres, des hôpitaux sans moyens, un monde sans contrôle, une planète qui va disparaître, un effondrement total… (dépité) : et que sais-je encore ?
– Le néolibéralisme, vous dis-je.
– Mais que faire alors, docteur ?
– Un seul remède : se couper du monde, mettre fin aux égoïsmes et à cette fichue société de consommation. Et promouvoir les solidarités, en lieu et place, en restaurant la paix, l’amour et la solidarité. Vivre d’amour et d’eau fraîche. Chanter la joie, la planète, les petits oiseaux et mettre fin à cette monstrueuse haine qui nous tue à petit feu.
– Et quoi d’autre ?
– Mettre fin à cette odieuse mondialisation.
– Quoi encore, docteur
– S’unir contre cette hydre qu’est le néolibéralisme.

LE FAMEUX « MONDE D’APRÈS » CONTRE LE NÉOLIBÉRALISME

Les adversaires du néolibéralisme sont légion, ils n’ont même jamais été aussi nombreux et font actuellement feu de tout bois. Les anaphores aussi ont le vent en poupe. Et en la matière, nous avons de grands champions, grands prophètes du désormais très prisé « monde d’après ». Nicolas Hulot égrène ainsi ses 100 préceptes, plus idylliques et exaltés les uns que les autres.
Sans oublier ces indécents, insupportables et révoltants donneurs de leçons qui, telle une Juliette Binoche – pas à une contradiction près – vivent dans l’aisance, promeuvent les valeurs du luxe (tant que cela rapporte), mais entendraient priver ceux qui ont besoin de consommer. Tandis que d’autres encore – à l’image de notre chère petite Greta – prônent, là aussi pour les autres, ce qu’ils ne s’appliquent pas vraiment à eux-mêmes.
Mais en matière d’anaphores, nous avons aussi ceux qui, sans cette fois-ci se réfugier derrière l’épouvantail de l’odieux néolibéralisme, s’en prennent plus directement au libéralisme lui-même. À l’image de Laurent Dandrieu, rédacteur en chef culture à Valeurs actuelles (un journal naguère d’esprit plutôt libéral, qui semble en être devenu en l’espace de trois ou quatre ans à peine, un adversaire farouche), qui écrit dans le numéro du 14 mai 2020 un article intitulé « Ne pas faire du libéralisme une vache sacrée ». Une longue litanie déclinée en « C’est bien au nom d’une logique libérale que… », avec pêle-mêle :
– la mise en cause de la libre circulation des biens et des personnes (vivons confinés),
– celle du non renouvellement des stocks de masques (bien sûr, la faute au libéralisme, cela va de soi),
– la dépendance vis-à-vis de la Chine pour l’approvisionnement en masques à cause de la logique économique des coûts de production (le libéralisme, bien sûr, avec son amour entre autres des lourdes charges qui pèsent sur les entreprises, c’est bien connu…),
– la renonciation à l’indépendance pharmaceutique de la France, qui a laissé aux mains de la Chine et de l’Inde la production de la quasi-totalité des médicaments, au risque de nous asphyxier en cas de conflit mondial (mais c’est bien sûr !),
– l’abandon par la France de certains de ses fleurons industriels passés sous fleuron étranger (l’inverse, par contre, n’existe pas),
– la privatisation envisagée par l’État (cherchez l’erreur) d’autres entreprises stratégiques telles ADP,
– la folie (reprenant les formulations de notre cher Président, il y a peu encore qualifié de libéral) de déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie à d’autres (halte à l’invasion, replions-nous !).
Passons sur l’idée de « logique libérale », pour peu que le libéralisme soit doté d’une logique organisée, voire planificatrice, là où elle est plutôt – nous l’avons évoqué à de multiples reprises – une philosophie du droit et des libertés fondamentales. Il n’en reste pas moins que c’est bien de bouc émissaire qu’il s’agit ici. Comme si tous les problèmes évoqués avaient bien pour source commune et fondamentale le libéralisme.
C’est pourquoi le même journal, dans un numéro spécial du Spectacle du monde, éditait un dossier intitulé « Coronavirus, le monde d’après », dossier entièrement à charge contre le néolibéralisme, la mondialisation libérale, l’idéologie mondialiste, les mécanismes qui ont affaibli l’État, l’individualisme, la soumission commerciale et le consumérisme. Des thèmes devenus chers aujourd’hui à ce journal de droite qui en a fait quelques-unes de ses cibles privilégiées.
Aujourd’hui, en effet, plus rien ne distingue vraiment droite et gauche en la matière. Et tous s’accordent à rêver du fameux « monde d’après ».

LA COURSE À L’ÉTATISME

Et pour cela, un seul remède, si l’on en revient à notre fameux docteur, sur le mode « Malade imaginaire » : l’argent (public) qui coule à flots. Là encore, nous sommes dans la surenchère. Droite et gauche confondues, chacun y va de ses propositions à qui mieux mieux. Il suffit de créer de l’argent en abondance… et même de la dette perpétuelle. Mais pourquoi diable n’y a-t-on pas pensé plus tôt ? (Jean-Luc Mélenchon, lui était un visionnaire, avec quelques-uns de ses amis).
À gauche comme à droite, cela ressemble même à une véritable compétition, mettant en avant ceux qui se sentent une âme de hérauts. Un Julien Aubert, comme le montre bien Nathalie MP Meyer, ne fait-il pas ainsi partie de ceux qui « osent » dresser le bilan de la « mondialisation néolibérale » ? Oubliant le fait que l’on savait ce qui risquait fortement d’arriver mais qu’on ne l’avait pas anticipé dans les actes.
Nonobstant qu’il est resté proche de ceux qui ont gouverné la France il y a peu encore (sans jamais s’être réclamés du libéralisme, loin s’en faut) et doivent assumer, de fait, une part certaine de l’héritage français, Julien Aubert ose qualifier la politique sanitaire de la France de « digne du Tiers-Monde » et met en cause la « pensée bruxello-budgétaro-néolibérale » de la droite (tout un programme). Oubliant au passage que la droite française n’a jamais été libérale.
Il réclame ainsi l’avènement d’un État-stratège et la souveraineté de la France. Ne se distinguant guère de ce que propose la quasi-totalité de l’échiquier politique actuellement, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, sans oublier les grands journaux, de Marianne ou Libération à Valeurs actuelles.
Mais surtout, il omet de remarquer, comme le rappelle une nouvelle fois et à juste titre Nathalie MP Meyer, que la France reste championne des dépenses publiques et que les effectifs de la fonction publique demeurent eux aussi à un niveau record.
Comment oser, dans ce contexte, qualifier la politique de la France -que ce soit hier ou aujourd’hui – de « néolibérale » ? Il faut vraiment être de très mauvaise foi ou inculte. Ou alors ne plus avoir le sens des réalités et se laisser emporter par ses fantasmes et la perte du sens des réalités (je pencherais plutôt pour cette solution, en y ajoutant toutefois une certaine dose d’opportunisme politique, bien sûr).
Le problème est qu’à force de répétition, ces discours creux et purement politiques finissent par s’imprimer dans les esprits, et par déboucher sur toujours les mêmes recettes à base de protectionnisme (quelle que soit sa coloration, « vertueux » ou autre). Dont Pascal Salin, entre autres, avait particulièrement bien mis en lumière les effets dévastateurs.

L’EXEMPLE DE LA COURSE AU VACCIN

Après le scandale des masques, vient la grande naïveté au sujet de la recherche d’un vaccin. Nous n’en sommes même pas encore à l’assurance d’en trouver un rapidement que déjà on se dispute ou on érige certaines morales au sujet de la gratuité que devra avoir l’éventuel vaccin, de son caractère de « bien commun » et de l’interdiction éventuelle que devra avoir l’entreprise qui le trouvera d’en dégager des bénéfices.
Oubliant les vertus de la concurrence et des initiatives privées sur la stimulation de la recherche, on veut à tout prix imaginer une grande coopération internationale, sous l’égide de gouvernements ou d’organismes publics, dans un contexte de guerre larvée entre la Chine et les États-Unis, qui veulent vraisemblablement en faire une arme pour asseoir leur domination.
On se souvient du triste spectacle des cargaisons de masques subtilisées par des États à d’autres États. On entrevoit aussi l’immense problème qui va immanquablement se poser le jour où un vaccin sera enfin prêt à être fabriqué mais qu’il faudra de nombreux mois pour en produire des quantités suffisantes pour approvisionner toute la planète. Et on veut faire croire que les États rivaux sauront s’entendre tout d’un coup pour définir les « bonnes » priorités ?
En attendant, plutôt que de laisser de grands laboratoires tels que ceux de Sanofi travailler en toute quiétude, on leur dresse déjà de mauvais procès avant l’heure. Craignant là encore, n’en doutons pas, les fameux travers du grand méchant « néolibéralisme ». On est toujours mieux servi par la magnifique puissance publique qui, elle, est réputée si efficace.
Au fait… quel était, déjà, ce fameux « meilleur système médical au monde » ? Ah oui, la France. Et son glorieux service public que le monde entier nous enviait (mais ayant dégénéré sans qu’on s’en soit rendu compte en gestion « néolibérale » ?).
Et quel est le pays dans lequel on déplore à l’heure actuelle le plus de victimes du covid-19 en proportion de la population ? Ah oui, le Royaume-Uni. Et son fameux système de santé… totalement étatisé. Mais je suis sans doute mauvaise langue.
Toujours est-il que pendant ce temps-là, la Chine réalise actuellement des essais de 5 vaccins sur un échantillon de 2500 cobayes, pardon, humains. Tous vraiment volontaires ? Et attendra-t-elle, vous croyez, pour lancer la première son vaccin à l’échelle de la planète, pendant que les autres pays se livreront à une foire d’empoigne sous couvert de plan de recherche publique concerté qui relève plus de l’incantation que d’autre chose ? J’en doute.

LE PROTECTIONNISME, DU NÉOLIBÉRALISME ?

Car à bien écouter nos politiques, nous en sommes plutôt à mettre en avant les valeurs de patriotisme. N’est-ce pas d’ailleurs ce que la Chine ou l’Amérique trumpienne tentent d’ériger également ? Tandis que l’Inde, de son côté, semble pratiquer le national populisme. Mais est-ce vraiment le modèle que nous souhaitons suivre ?
Car le patriotisme chinois, c’est aussi la propagande autour de la supériorité chinoise (il est vrai que nous aussi ne manquions jamais de faire référence à notre « meilleur système de santé au monde, tel que rappelé plus haut).
En conclusion, si le « néolibéralisme », aux contours flous et mal définis, est un bouc émissaire bien commode pour exorciser tous les maux réels ou imaginaires qui nous poursuivent, nous ferions bien d’envisager des modes de coopération bien plus réalistes et sereins.
Oui à des relocalisations bien choisies et bien pensées (qui peuvent être d’initiative privée) dans des cas très précis, lorsqu’il y a un réel risque de mise en péril de notre sécurité (peut-on toujours coopérer sans risque avec des États totalitaires ?), mais non, ne nous imaginons pas reconstruire de toutes pièces un monde idéal et fantasmé, fondé autour d’un protectionnisme dont l’histoire a montré qu’il était l’un des plus grands dangers qui nous menacent et une source d’appauvrissement de tous lorsqu’il devient généralisé par un regrettable effet d’escalade.
Le bien de tous me semble résider plutôt dans l’échange et la coopération (essentiellement privée) que dans les grands schémas ou les grandes constructions théoriques fondés davantage sur le rejet que sur la confiance.