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13 juillet, 2020

Youtube, Twitter, Twitch : le grand nettoyage qui menace le pluralisme ?

S’il est impossible de soutenir les discours et les expressions racistes et xénophobes, pour exister, le débat public ne doit pas tourner à l’échange de noms d’oiseaux et au refus du pluralisme moral raisonnable.
La loi Avia contre les contenus haineux n’est pas passée en France et c’est tant mieux. Son potentiel liberticide sous couvert de bonnes intentions avait été reconnu par tous les acteurs du Net autant que par les Sages du Conseil constitutionnel.
Seulement, l’initiative du contrôle des termes du débat public ne provient pas que des gouvernements. Ce sont les géants de la tech qui ont décidé de durcir leurs politiques de modération pour faire disparaître les contenus jugés racistes, xénophobes et homophobes, l’actualité de la mort tragique de George Floyd ayant accéléré le mouvement.

LA FIN D’UNE ÉPOQUE LIBERTAIRE

Ainsi, par exemple, Youtube a clôturé plusieurs comptes « suprémacistes », comme ceux des militants d’extrême droite David Duke et Richard Spencer aux États-Unis, ou en France celui de l’humoriste plusieurs fois condamné pour antisémitisme, Dieudonné.
Fini l’époque libertaire où Twitter prétendait être « l’aile radicale du parti de la liberté d’expression ». À l’ère de Donald Trump, de Black Lives Matter et de la prolifération des fake news, les médias sociaux sont devenus paternalistes, mais paternalistes progressistes. Désormais, ils privent de visibilité les contenus qu’ils jugent problématiques non seulement au regard de la loi, mais de leurs propres standards moraux. Il ne convient plus de proposer aux consommateurs certains contenus jugés haineux.
De fait, au milieu des comptes conspirationnistes, authentiquement racistes et droitiers, des médias ou des personnalités jugés, par exemple, proches de Donald Trump ont régulièrement été victimes du nouveau tour de vis idéologique des Géants du net. Malgré les tentatives de conciliation et les explications des GAFA, la suspicion de biais idéologique demeure après la disparition de certains sites.
La modération de Twitter et Facebook aurait la main lourde sur les comptes de droite, mais tolérerait les sectes d’ultra-gaucheantifa violents et autres agitateurs islamistes tout aussi problématiques.

TRUMP LUI-MÊME CENSURÉ PAR TWITTER

Un nouveau stade a été dépassé quand Donald Trump lui-même a fait les frais de la nouvelle politique de modération de Twitter, et que sa principale chaîne sur Twitch a été supprimée pour les propos racistes que ses partisans laissaient régulièrement en commentaires. Le fait que désormais une partie non négligeable du spectre politique tombe sous le coup de l’accusation de hate speech pose un problème, qui va au-delà du strict respect de la liberté d’expression.
Il n’existe en effet pas de droit opposable à une « presse libre » ou à un égal accès aux réseaux sociaux. Les plateformes des Géants de la tech sont des entreprises privées, et les politiques de modération, aussi contestables soient-elles, ne regardent que l’entreprise offrant le service et son consommateur qu’elle oblige.
Pour Murray Rothbard, parler de liberté d’expression n’a de sens qu’une fois posé le droit de propriété, dont il est le prolongement. L’individu a le droit de s’acheter par exemple une maison et de s’y exprimer librement, ou d’écrire un livre et de le vendre à celui qui en accepte le contenu. Seulement son droit s’arrête là : il ne peut prétendre accéder à la propriété d’une autre personne au nom du pluralisme ou de la liberté d’expression.
Si demain Donald Trump décide de briser les GAFA au nom de la liberté d’expression, alors il portera atteinte aux droits individuels, qu’ils soient de propriété ou d’expression, de l’entreprise qu’il aura ciblée. Toujours du point de vue du droit de propriété, la seule solution possible pour avoir de nouveau accès aux médias est encore d’en créer un.
Il y a quelques années, échaudé par la modération de Twitter, Gab devenait le repaire de l’alt-right sur internet. Aujourd’hui, c’est Parler.com qui accueille les aficionados de Donald Trump mais aussi tous ceux qu’exaspèrent les diverses purges idéologiques des plateformes dominantes sur le marché.
En d’autres termes, si la politique des GAFA vous déplaît, vous êtes encore libres d’aller voir ailleurs, les concurrents existent !

L’INCITATION À L’AUTOCENSURE

Il faut toutefois ajouter à cette relation idéale entre entreprises et consommateurs l’existence bien réelle des États, qui par leur existence et leurs législations posent des incitations à l’autocensure et à la restriction du pluralisme idéologique au sein de la société civile.
Si l’entreprise adopte des politiques contraignantes en matière de liberté d’expression, c’est aussi qu’elle craint les possibles sanctions en cas de violation de la loi dans les différents pays occidentaux. La pression des législations en matière de contrôle de la liberté d’expression fait que les plateformes anticipent la censure étatique et organisent elles-mêmes l’appauvrissement de leur contenu.
En d’autres termes, la liberté d’expression est aussi conditionnée par les réglementations qui en encadre l’exercice. On sait à quel point en France, par exemple, la loi Avia proposait d’externaliser la censure. Les plateformes devaient exercer elles-mêmes, dans les plus brefs délais et sans intervention du juge judiciaire, le nettoyage de leurs sites.

LA CULTURE DE LA DÉLIBÉRATION RATIONNELLE EN DANGER

Seulement, c’est peut être sur le plan culturel, plus que sur celui du droit, que le danger est perceptible, et plus difficilement saisissable sur le plan éthique. Comme l’ont souligné des économistes et des historiens comme Joel Mockyr, Deirdre McCloskey ou Joyce Appleby, c’est autant, voire plus, la culture de la liberté propre à l’Occident que ses institutions purement légales qui sont à l’origine de son dynamisme.
La culture collectiviste, qui pousse les individus à se regrouper en clans politiques aux vues irréconciliables, érode la culture de la délibération et de l’échange rationnel, qui est à la fois moteur de la démocratie représentative, de l’état de droit et du capitalisme libéral qui en est l’infrastructure économique.
Cette clôture narcissique de l’esprit dont parlait Allan Bloom, fait disparaître toute tolérance à ce qui n’est pas soi. Il devient impossible de tolérer ce qui nous apparaît comme odieux, et l’espace de ce qui nous est odieux est potentiellement infini, puisque c’est tout ce qui est au-delà de notre individualité narcissique.
S’il est impossible de soutenir les discours et les expressions racistes et xénophobes, le débat public, pour exister, ne doit pas tourner à l’échange de noms d’oiseaux et au refus du pluralisme moral raisonnable.

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