Chaque Québécois doit plus de 34 000 $ au provincial seulement

Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

30 janvier, 2021

Profit et société à mission : le « en même temps » est-il possible ?

 Certains entrepreneurs ont gagné beaucoup d’argent, leur entreprise aussi, et ils ont eu une contribution sociétale majeure. Pourquoi faudrait-il choisir entre les deux ?

La question de la mission de l’entreprise semble être sur toutes les lèvres. Elle a surgi avec éclat au premier plan de l’actualité lorsque Danone, la première entreprise du CAC40 à avoir adopté le statut d’entreprise à mission, en juin 2020, a annoncé quelques mois plus tard un plan social pour améliorer sa compétitivité, suscitant ainsi les critiques de tous bords.

Gagner de l’argent ou changer le monde, il semble plus que jamais qu’on ne puisse faire les deux et qu’il faille choisir. Et pourtant ce n’est pas nécessairement vrai. Le modèle mental qui oppose les deux nous enferme dans des controverses stériles et nous empêche de moderniser à la fois notre économie et notre système social.

Une entreprise doit-elle gagner de l’argent ou changer le monde ? « Le en même temps est difficile pour les entreprises » estimait ironiquement la journaliste Emma Ducros suite à l’annonce du plan social de Danone.

L’entreprise française aura réussi à s’attirer les foudres aussi bien de la gauche, qui l’accuse de cynisme et de social washing, que de la droite libérale qui estime, à la suite de l’économiste Milton Friedman, qu’une entreprise devrait faire du profit et ne pas s’aventurer sur le terrain sociétal.

Une fois encore, nous sommes ici victimes du modèle mental consistant à diviser le monde en deux : d’un côté les entreprises qui font du profit sans avoir d’impact sur la société, et de l’autre celles qui s’intéressent à la société sans se salir avec le profit.

Et choisis ton camp camarade ! Ce modèle binaire, séparant le profit sans impact sociétal et l’impact sociétal sans profit, semble satisfaire les extrémistes des deux camps, sans doute précisément parce qu’il permet de définir deux camps.

Cette dichotomie est contre-productive et elle est aussi destructive. Elle renforce une coupure du monde en deux, les gentils qui contribuent à la société sans se salir avec la recherche de profit, et les méchants qui font du profit sans impact sociétal. Tout le monde est perdant si on reste prisonniers de ce modèle.

UN MODÈLE MENTAL ALTERNATIF : L’IMPACT SOCIÉTAL DU PROFIT

Sur la question du profit et de l’impact sociétal, on peut envisager un autre modèle mental, celui selon lequel la recherche de profit et la contribution sociétale ne s’opposent pas. On peut rechercher le profit et avoir une contribution sociétale majeure.

En fait, l’idée peut même être défendue qu’on ne peut pas faire de profit sans avoir une contribution sociétale, car il faut être au moins deux pour le faire : on vend quelque chose que l’autre partie achète et cela ne peut se faire sans un système qui le rend possible, avec ses lois, ses règlements, ses valeurs et sa monnaie, entre autres.

Lorsqu’on parle de mission d’entreprise, on fait souvent référence à l’économiste Milton Friedman qui avait déclaré :

la mission de l’entreprise c’est de faire du profit.

De là on conclut qu’il défend l’idée que l’entreprise ne doit avoir aucun impact sociétal, et même qu’elle peut faire ce qu’elle veut, c’est-à-dire qu’elle n’a pas à se préoccuper de valeurs ni d’éthique, caricaturant une vision libérale de la question.

Or on oublie presque toujours de citer la fin de sa phrase où il précise :

… en se conformant aux règles de la société, celles incarnées dans la loi et celles incarnées dans les habitudes éthiques.

Friedman signifie donc très clairement que la recherche du profit ne peut se faire que dans le respect d’un cadre éthique et légal, et donc social. C’est l’opposé de la loi de la jungle ou du tout est permis.

Mais cela va plus loin. Sans même parler des impôts et contributions sociales qu’elle paie et des gens qu’elle fait vivre, une entreprise qui existe remplit une mission sociale de fait, sinon elle ne pourrait pas vivre. La leçon de 200 ans de Révolution industrielle c’est que la recherche, parfois effrénée, a entraîné une transformation sociétale majeure.

Dans Au bonheur des dames Zola raconte comment les grands magasins ont changé la vie des gens, et en particulier des femmes.

Josiah Wedgwood révolutionne la faïence et en fait un symbole d’aspiration sociale au début de la Révolution industrielle.

La contribution sociétale de James Watt, inventeur de la machine à vapeur, fut tellement importante qu’il y eut une souscription publique pour construire un monument à sa mémoire.

L’éditeur d’une revue de l’époque écrivait ainsi :

Il se distingue d’autres bienfaiteurs du public par le fait qu’il n’a jamais fait, ni prétendu faire l’objet de son action au bénéfice du public… Cet homme sans prétentions en réalité a apporté plus au grand public que tous ceux qui depuis des siècles ont fait de leur activité principale le souci du bien public.

Plus récemment, c’est la grande distribution qui a réussi à nourrir la France au plus fort de la crise de mars-avril 2020 dans des conditions extrêmement difficiles et qui résout la pénurie de masques en une semaine lorsque le gouvernement se décide, enfin, à la laisser faire.

C’est ce chef d’entreprise qui fait revivre toute une région, redonne une dignité à d’anciens chômeurs, et gère des centres de formation, même si ce n’était pas son but premier.

Ce sont les sites Internet qui modifient la façon dont les individus se rencontrent et s’aiment. Ce sont les réseaux sociaux qui permettent de tisser de nouveaux liens.

Et les Français qui (re)découvrent l’importance des commerçants dans leur vie quotidienne.

Et la liste pourrait continuer ainsi longtemps. Ces entrepreneurs ont gagné beaucoup d’argent, leur entreprise aussi, et ils ont eu une contribution sociétale majeure. Pourquoi faudrait-il choisir entre les deux ? Pourquoi devrions-nous avoir le choix entre l’un et l’autre ? L’innovateur tire un profit de son innovation précisément parce qu’il a saisi une opportunité de changement social.

Autrement dit, l’innovation et le profit sont indissociables de la notion de transformation sociale. Naturellement, il peut y avoir contribution sociétale sans profit, de nombreuses associations le démontrent chaque jour, mais il ne peut pas y avoir de profit sans contribution sociétale.

FAIRE ATTENTION À CE QUE VOUS VOULEZ VRAIMENT

Par leur existence même, les entreprises jouent donc un important rôle sociétal de facto. Mais faut-il que celui-ci soit plus important encore ? Rien n’est moins évident et la question est primordiale.

Le modèle mental que nous évoquions plus haut, opposant la recherche du profit et l’impact sociétal, est pour une large mesure porté par ceux qui sont hostiles au profit (disons pour simplifier, la gauche d’héritage marxiste) ou ceux qui jugent celui-ci moralement problématique (pour simplifier là aussi, nombre de catholiques) et qui étendent cette défiance à l’entreprise privée en général.

L’implication sociétale des entreprises est conçue par eux comme un supplément d’âme permettant à celles-ci de se faire pardonner leur péché originel. Pour que le profit soit acceptable, il ne doit pas être le but premier, mais être en quelque sorte secondaire à contribution sociétale.

Nous en arrivons donc à un paradoxe : ceux qui, pour une large mesure, défendent la mission sociétale de l’entreprise privée comme un supplément d’âme parce qu’ils rejettent le profit comme motif premier d’existence, en arrivent à renforcer le rôle des entreprises privées dans la société.

Il y a là un effet pervers. Il y a de nombreuses années, l’un de mes professeurs disait toujours « Vous devez savoir ce que vous faites. » Autrement dit, ayez bien conscience du mouvement que vous déclenchez.

Est-ce que la gauche souhaite réellement, par une pression qu’elle voit comme transformatrice du capitalisme, donner davantage de pouvoir et d’impact aux entreprises privées ? Est-ce que la position, dite libérale, qui souhaite au contraire limiter cet engagement pour laisser de la place à d’autres acteurs non économiques, État, individus, associations, n’est pas plus raisonnable ?

Est-ce que l’enjeu, au lieu de pousser pour un rôle plus important des entreprises, n’est pas plutôt de prendre conscience que cet appel d’air résulte, au moins en partie, d’une déficience de l’État, et que c’est plutôt là qu’il faudrait agir ?

Chacun apportera les réponses qu’il souhaite à ces questions, selon sa propre sensibilité, mais tout le monde gagnera sans aucun doute à s’affranchir du modèle mental binaire qui ne sert qu’à nourrir des guerres de tranchées.

Admettre que la recherche du profit dans le respect des lois en vigueur a un important impact sociétal de facto, que cet impact sociétal a été très largement bénéficiaire et qu’il continue de l’être, et qu’à ce titre les entreprises n’ont pas forcément besoin d’ajouter d’autres ambitions sociétales, ce n’est pas nécessairement être ultra-libéral fascisant tueur de petits chats.

C’est peut-être simplement défendre une position raisonnable que beaucoup partagent, y compris à gauche, et qui peut fournir une base à partir de laquelle une véritable réflexion sur la société moderne peut être conduite.

29 janvier, 2021

L’almanach de Naval, guide indispensable du sage de la Silicon Valley

 Le Navalmanach écrit par l’entrepreneur Naval Ravikant, et réalisé par Éric Jorgensen, est sorti ! Des recommandations pour entretenir son capital, s’adapter et s’instruire.

L’almanach de Naval aussi surnommé Navalmanack est un assemblage d’écrits de l’entrepreneur et investisseur Naval Ravikant réalisé par Éric Jorgensen. Naval Ravikant, souvent appelé simplement Naval, est passé en quelques années d’entrepreneur reconnu à sage de la Silicon Valley.

Jorgensen a réalisé cet ouvrage à partir de tweets (@naval est suivi par 1,1 million de lecteurs), d’articles, d’entretiens écrits ou en podcast ou encore de son propre podcast. Le livre est donc une suite de citations rigoureusement sourcées.

La préface est écrite par son ami Timothy Ferriss qui indique faire une exception à son principe de refuser d’écrire des préfaces. Le livre commence par des éléments biographiques racontés par Naval, notamment son enfance dans une famille modeste, à New Delhi puis à New York dans le Queens. Sa carrière y est aussi évoquée avec par exemple son investissement dans Uber en 2010 à l’âge de 34 ans.

PREMIÈRE PARTIE

Parmi les éléments importants de la première partie, consacrée à la création de richesse, on peut y noter :

– Le long terme, la responsabilité et les intérêts composés qui en découlent et pas uniquement sous forme financière.

– L’importance des leviers (leverage), au nombre de trois selon Naval :

  • faire travailler d’autres personnes,
  • investir du capital financier,
  • créer des produits réplicables sans coût marginal.

Ce dernier levier, le plus récent, est celui qu’il recommande. Il prend comme exemple l’animateur de podcast Joe Rogan. L’important pour réussir est de trouver des activités dans lesquelles l’ampleur du résultat peut être indépendante des entrées ; par exemple, un employé de support téléphonique ne peut traiter que les appels reçus alors qu’un animateur de podcast ou un auteur de logiciel n’a pas cette limite.

Cette partie est dérivée d’une suite de tweets intitulée How to Get Rich (without getting lucky) qui avait été très appréciée en 2018.

 

– Comment rester indépendant en évitant de s’accrocher à une identité. Par exemple, quelqu’un se considérant comme « un conducteur de voiture de telle marque » ne va pas faire un choix indépendant et rationnel lorsqu’il voudra changer de véhicule. Ceci s’applique d’autant plus pour des identités plus vastes comme démocrate, catholique, américain qui poussent à des décisions davantage issues de l’habitude et du conformisme que du raisonnement… qui peuvent d’ailleurs amener au même résultat.

– L’importance de la lecture : ne pas avoir peur de juste parcourir un livre pour en tirer l’essentiel, utiliser son temps sur les meilleurs livres et en particulier les classiques en commençant par les bases ; en économie par exemple, il recommande Adam SmithMises et Hayek.

– Les modèles mentaux : le titre de l’ouvrage peut d’ailleurs être vu comme une référence au Poor Charlie’s Almanach écrit sur le même principe à propos de Charlie Munger, le partenaire de Warren Buffet, grand promoteur des modèles mentaux, des heuristiques pour penser et décider plus efficacement ; à ce sujet, Naval recommande le site Farnam Street.

SECONDE PARTIE

Dans la seconde partie, Naval présente le bonheur comme un choix et une compétence pouvant être développée. Il est inspiré par le bouddhisme sous une forme qu’il nomme bouddhisme rationnel en sélectionnant les enseignements qui marchent pour l’aider et qu’il peut rationaliser grâce à la science et l’évolution.

La compétence bonheur ne sera pas développée par tous de la même façon mais prendre des bonnes habitudes est nécessaire. Il est important de s’engager dans des jeux à somme positive plutôt qu’à somme nulle comme le statut, le monde politique ou universitaire. Il donne aussi des conseils plus pratiques en matière de nutrition (régime cétogène et jeûne), d’exercice physique (il s’entraîne avec Jerzy Gregorek, auteur de The Happy Body) et de méditation.

ÉPILOGUE

Le livre se termine par une longue et éclectique liste de recommandations de lectures tant en fiction qu’en non-fiction.

L’ouvrage existe en format papier mais des versions PDF, web et ebook sont disponibles gratuitement sur le site.

Il est écrit en anglais et une traduction française est peu probable. Néanmoins, le style de Naval et l’origine de ses écrits (tweets, entretiens), le rendent très facile à lire même sans grandes compétences en anglais.

Le livre est illustré par des petits schémas minimalistes de Jack Butcher.

Éric Jorgensen a réussi à produire un ouvrage de lecture agréable qui ne donne pas l’impression d’être une compilation. On peut espérer que lui-même ou d’autres auteurs reprennent ce principe pour des penseurs contemporains dont la production est similairement fragmentée dans des formats divers.

28 janvier, 2021

NON, l’État ne nous protège plus ! de Simone Wapler

 Le pamphlet de Simone Wapler est à mettre entre toutes les mains, surtout celles de votre beau-frère syndicaliste ou de votre cousin qui pensent que l’État-stratège va relever la France à grands coups d’argent public et d’endettement.

« Non, l’État ne nous protège pas, il se protège lui-même, il prétend nous protéger de risques illusoires ou il tente de nous protéger de risques qu’il a lui-même créés. Ce faisant notre véritable protection -celle à laquelle nous avons droit- n’est plus assurée. »

Le style est percutant, les arguments directs et bien ficelés pour défendre la liberté contre l’interventionnisme.

Dans son dernier essai – et pamphlet – Non, L’État ne nous protège plus !, Simone Wapler démolit les derniers mythes qui font de l’État une puissance bienveillante, rationnelle et à l’esprit totalement désintéressé.

Face à la crise sanitaire, l’État s’est révélé imprévoyant, incapable de protéger les citoyens et même totalement irrationnel. Il a d’abord préféré défendre ses propres intérêts au détriment de ceux des Français.

DES GOUVERNANTS IRRESPONSABLES

Mais la gestion catastrophique de la crise n’a été qu’un épisode parmi tant d’autres dans l’histoire longue de l’irresponsabilité de nos gouvernants :

« Dans le monde politique et bureaucratique, les décideurs sont toujours exposés aux conséquences positives de leurs décisions […] mais ils ne sont jamais exposés aux conséquences négatives de leurs décisions… »

Avec concision, Simone Wapler rappelle que la logique de l’action politique portée par l’État tend à protéger ses élites et à sacrifier la vie et la propriété des citoyens ordinaires.

Plus encore, l’État invente des ennemis imaginaires comme autant d’épouvantails à moineaux destinés à nous faire peur et nous contrôler. Au nom de l’urgence climatique, mille mesures contraignantes, règlementations tatillonnes, législations compliquées embarrassent la vie des Français. Pire encore, l’État prétend nous protéger contre nous-mêmes, en inventant des taxes comportementales ou des labels citoyens visant à corriger notre conduite quotidienne. L’État n’est pas seulement un père fouettard, il est aussi une nounou qui nous infantilise et nous materne.

LE RÉGALIEN OUBLIÉ

Mais le pire est à venir. Simone Wapler explique que si l’État se protège, intervient de manière irrationnelle et organise l’irresponsabilité de ses élites, il est incapable d’assurer ses missions essentielles. La sécurité, la protection de la propriété et la liberté sont menacées constamment par ses actions. Là encore, la crise sanitaire n’est qu’un ultime épisode dans une démocratie confisquée et mise à disposition du capitalisme de connivence.

Le pamphlet de Simone Wapler est à mettre entre toutes les mains, surtout celles de votre beau-frère syndicaliste ou de votre cousin qui pensent que l’État-stratège va relever la France à grands coups d’argent public et d’endettement. Il permettra d’éliminer ces quelques illusions qui font obstacle à une vraie libéralisation du pays.

27 janvier, 2021

2021, année décisive pour le libéralisme

 Il est vraiment temps de réagir aux caractéristiques anti-libérales de la politique française depuis des décennies. L’analyse de Pascal Salin.

Il serait particulièrement important – mais malheureusement difficile – de considérer l’année 2021 comme une année de développement du libéralisme. Cela est important parce qu’il faut réagir aux difficultés économiques provoquées par la crise sanitaire et aussi parce que nous approchons de l’élection présidentielle de 2022.

Par ailleurs il serait vraiment temps de réagir aux caractéristiques anti-libérales de la politique française depuis des décennies. Il en résulte que la France a malheureusement un record mondial en ce qui concerne aussi bien la fiscalité que la règlementation et donc des conséquences néfastes pour l’activité économique, mais aussi pour la satisfaction des individus.

NÉOLIBÉRALISME INTROUVABLE

Or, assez curieusement, on entend souvent dire que les problèmes économiques français sont dus au « néolibéralisme » résultant des politiques françaises. Il n’y a eu pourtant que des politiques libérales rares et limitées au cours des dernières décennies.

J’avais eu l’espoir d’un grand changement en 1986 lorsque d’assez nombreux véritables libéraux ont été nommés ministres. Certes il y a eu quelques politiques libérales, mais sans un vrai changement de la France. Cette situation n’a duré qu’entre 1986 et 1988, période durant laquelle François Mitterrand était président de la République et Jacques Chirac Premier ministre.

J’ai de nouveau eu cet espoir d’une France libérale en mai 1995 lorsque Jacques Chirac est devenu président de la République et qu’il a nommé Alain Madelin ministre de l’Économie.

Or j’avais auparavant préparé avec Alain Madelin une grande réforme de la fiscalité et j’étais persuadé que cette politique fiscale serait adoptée. Mais la politique libérale ne convenait pas à Jacques Chirac, homme politique peu libéral en réalité.

Lui et son Premier ministre, Alain Juppé, ont contraint Alain Madelin à démissionner au bout de trois mois. Ce qui apporte bien la preuve que malheureusement – et contrairement à ce que l’on croit souvent – la droite n’a rien à voir avec le libéralisme.

Comme on le sait en 2017 il y avait un candidat à l’élection présidentielle qui était un vrai libéral, à savoir François Fillon. Quant à Emmanuel Macron il était considéré comme libéral, peut-être simplement parce qu’il avait instauré un peu de concurrence dans le transport par bus alors qu’il était ministre des Finances du président socialiste François Hollande.

Or, le Figaro Magazine avait publié avant son élection à la présidence une interview qui m’avait été faite et qui s’intitulait « Non, Emmanuel Macron n’est pas libéral ». Et il est bien évident que la France n’est pas devenue plus libérale sous sa présidence, bien au contraire.

Il est d’ailleurs caractéristique qu’il ait proclamé récemment : « Nous vivions dans une société d’individus libres, alors que nous sommes une nation de citoyens solidaires », ce qui prouve d’ailleurs qu’il partage le mythe habituel selon lequel la France aurait été un pays d’hommes libres, ce qui n’est malheureusement absolument pas le cas.

CHANGER LES MENTALITÉS

Qu’attendre alors de 2021 du point de vue du libéralisme ? Pour qu’il y ait un véritable changement en France il faudrait tout d’abord que la pensée dominante favorable à l’interventionnisme étatique soit remplacée par une pensée dominante libérale.

De ce point de vue tous les travaux intellectuels libéraux ont un rôle très important à jouer. C’est ainsi que je considère comme fondamentaux tous les travaux publiés par Contrepoints et je souhaiterais qu’ils soient connus (et adoptés) par tous les Français.

Malheureusement ce changement dans la pensée dominante est difficile à effectuer pour diverses raisons et en particulier parce que les Français sont depuis toujours éduqués par des écoles et des universités qui ne sont pas favorables à la pensée libérale.

La raison en est due en grande partie au fait que les établissements d’enseignement appartiennent pour la plupart à un monopole public. En dépit de ces difficultés il convient de garder de l’espoir et de faire tout ce qui est possible pour que les Français aient une meilleure connaissance du libéralisme et qu’ils deviennent convaincus de ses fondements éthiques et de ses conséquences pratiques très désirables.

LA DROITE N’EST PAS LIBÉRALE

Qu’attendre par ailleurs du point de vue politique ? Il est évident qu’on ne peut pas espérer l’adoption de politiques libérales par l’actuel gouvernement. Par ailleurs, il est difficile d’imaginer que les partis politiques existants puissent décider de nommer un politicien libéral comme candidat à l’élection présidentielle.

En effet, comme nous l’avons déjà souligné, les partis de droite ne sont malheureusement pas des défenseurs des politiques libérales ; et l’on peut même considérer que ce qu’on appelle à tort l’extrême droite est en fait proche de l’extrême gauche. Et bien entendu le parti d’Emmanuel Macron, LREM, ne proposera pas un candidat différent d’Emmanuel Macron.

En fait la distinction entre droite et gauche est ambiguë et ce qui serait souhaitable serait d’opposer non pas la droite et la gauche, mais un parti libéral et un parti anti-libéral (socialiste). Mais on ne peut malheureusement pas espérer qu’un vrai parti libéral apparaisse en 2021.

Ceci dit on peut tout de même s’inspirer de ce qu’a fait Emmanuel Macron avant son élection présidentielle. Il n’appartenait pas formellement à un parti politique spécifique et il a commencé sa candidature de manière indépendante mais en ayant tout de même créé en 2016 un mouvement qui lui soit lié.

Peut-on alors imaginer et espérer qu’apparaisse en 2021 un candidat libéral à l’élection présidentielle indépendamment des partis existants et susceptible de créer un parti libéral ? Cela n’est certes pas évident, mais un tel espoir est tout de même concevable et s’il devait se réaliser il conviendrait évidemment de soutenir profondément le candidat en question.

UN PROGRAMME LIBÉRAL POUR L’AVENIR

De toute manière il n’est pas inutile d’élaborer un programme politique libéral pour la France actuelle et de le faire connaitre le mieux possible. Il conviendrait en particulier, bien évidemment, de définir des politiques consistant à diminuer considérablement la fiscalité et les dépenses publiques.

Toute baisse de fiscalité est souhaitable, mais sans entrer dans le détail on doit tout de même reconnaitre que certaines réformes sont prioritaires, comme par exemple la diminution ou même la suppression de la progressivité des impôts.

Il est par ailleurs évident qu’il conviendrait aussi de diminuer considérablement les règlementations. Mais, pas plus que pour la fiscalité, je n’indiquerai pas en détails dans le présent texte les réformes qu’il conviendrait de faire.

Cependant à titre d’exemple on peut citer la suppression du droit du travail pour permettre le développement de contrats correspondant aux besoins des salariés et des entrepreneurs (par exemple en ce qui concerne la durée du travail par semaine ou avant la retraite) et par ailleurs le développement de la concurrence dans l’assurance maladie ou dans les régimes de retraite.

Il est certain que des réformes fiscales et règlementaires allant dans la bonne direction ne seront pas adoptées au cours de l’année 2021. Mais pouvons-nous espérer que des politiciens ayant un rôle potentiel important adoptent dans leur programme des politiques de ce genre ? Il est évidemment difficile de le savoir.

26 janvier, 2021

L’utopie du « tout-renouvelable-intermittent »

Aujourd’hui, le catastrophisme climatique promu par l’écologisme influence, voire dirige, les politiques énergétiques dans une partie du monde


Dans son livre L’utopie hydrogène, le professeur Samuel Furfari montre l’inanité d’une politique européenne qui poursuivrait le but utopique d’une fourniture exclusive d’énergie en 2050 par les énergies renouvelables intermittentes éolienne et photovoltaïque.

Aujourd’hui, le catastrophisme climatique promu par l’écologisme influence, voire dirige, les politiques énergétiques dans une partie du monde, certainement dans l’Union européenne (green deal), de façon plus limitée voire hypocrite (greenwashing) ailleurs.

LE TOURNANT ALLEMAND RATÉ DE L’ÉNERGIE VERTE

En particulier l’Allemagne a pris le « tournant de l’énergie » (EnergieWende) en faisant depuis le début des années 2000 le vœu de se débarrasser complètement des énergies fossile et nucléaire pour n’utiliser que les énergies renouvelables, principalement les intermittentes (EnRi : éolienne et photovoltaïque), lesquelles effectivement n’émettent quasi-pas de CO2, considéré comme le coupable numéro un du réchauffement global. Pas avare de contradiction, cet écologisme n’admet pas non plus le nucléaire, bien que ce dernier également n’émette pas de CO2.

Comme les EnRi présentent la tare irrémédiable d’être intermittentes, c’est actuellement un objectif impossible à atteindre de façon réaliste à un coût supportable par les économies développées, à moins qu’un miracle technologique ne se produise par la découverte d’un moyen sûr, efficace et d’un coût acceptable de stocker l’électricité.

Ce moyen n’existant pas à un horizon prévisible, même lointain, les EnRi présentent deux vices rédhibitoires :

— Elles doivent être doublées par une autre source d’énergie dite pilotable c’est-à-dire capable de s’adapter à la demande sur le réseau, pouvoir effectuer ce que l’on nomme un suivi de charge, lorsque les EnRi ne produisent pas, donc en l’absence de vent et de soleil, ce qui est le cas la majorité du temps. Cette énergie back-up est soit émettrice de CO2 (gaz naturel ou même charbon actuellement en Allemagne), soit nucléaire.

Une des conséquences est que la puissance installée des EnRi ne peut jamais remplacer complètement les puissances installées des autres énergies. Celles-ci doivent toujours être présentes, elles seront simplement moins utilisées puisqu’on a décidé de donner toujours la priorité aux EnRi.

Cela a pour effet de renchérir considérablement le coût moyen de l’énergie et de faire baisser le rendement des investissements dans l’énergie, car pour satisfaire un certain niveau de demande, il est nécessaire de surinvestir.

— Lorsqu’elles produisent, les EnRi perturbent fortement le réseau, notamment lorsqu’elles le font en excès par rapport à la demande, par exemple suite à un vent très fort. Il faut absolument alors évacuer cette électricité excédentaire en l’exportant vers un autre pays qui doit pouvoir l’absorber.

Comme en Europe, les conditions météo sont un peu les mêmes partout en même temps, il ne sera jamais possible que tous les pays adoptent la même politique que l’Allemagne, le tout EnRi. Il n’y aurait alors aucun réseau vers lequel évacuer l’électricité excédentaire. (L’utopie hydrogène, p.113).

 

La conséquence de ces deux points rédhibitoires est que, selon Eurostat, pour le consommateur le prix de l’électricité augmente de 2,5 % par an alors que le prix de l’électricité sur le marché de gros diminue, montrant bien ainsi que ce sont les coûts hors production de l’électricité qui augmentent notre facture d’électricité.

L’HYDROGÈNE AU SECOURS DE L’ÉNERGIE VERTE ALLEMANDE ?

L’Allemagne est donc dans une impasse, mais espère sauver sa politique grâce à l’hydrogène. Celui-ci serait vu comme un moyen, dispendieux certes, mais un moyen quand-même, de stockage de l’électricité excédentaire, en utilisant cet excédent pour produire de façon propre (sans émission de CO2) de l’hydrogène vert par électrolyse de l’eau. Cet hydrogène pourrait alors être réutilisé pour fournir l’énergie  complémentaire en lieu et place des énergies back-up classiques.

Mais le rendement d’une telle opération est misérable (L’utopie hydrogène, p.119) : en effet, il faut tenir compte que pour produire à nouveau l’électricité nécessaire sans émission de CO2 pendant la période de non-production des EnRi, il aura fallu faire se succéder les trois étapes suivantes :

  1. À partir d’électricité verte, production de l’hydrogène vert par électrolyse : sur 100, perte 20 (rendement 80 %)
  2. Compression, transport et stockage de l’hydrogène : sur 80, perte 24 (rendement 70%)
  3. À partir de l’hydrogène, alimentation de piles à combustible générant de l’électricité : sur 56 perte 28 (rendement 50 %)

Rendement final : 0,80 x 0,70 x 0,50 = 0,28

Cette électricité proviendrait donc de l’hydrogène qui aurait été produit par électrolyse, comprimé et stocké pendant que les EnRi fonctionnaient. L’électricité en excès nécessaire pour produire une quantité d’hydrogène suffisante pour que, à son tour, cet hydrogène refournisse une électricité capable de satisfaire la demande devrait être de l’ordre de 3,6 fois plus grande que la demande (étant donné le rendement de 28 % : 1/0,28 = 3,56).

Donc, si la demande à satisfaire est 100, il faudra environ 4,6 fois plus d’éoliennes que nécessaire, une éolienne satisfaisant la demande, et 3,6 éoliennes tournant uniquement pour produire l’hydrogène qui devra être utilisé pour satisfaire la demande pendant l’absence de vent.

Autrement dit, en présence de vent une éolienne tourne pour produire 100, et 3,6 éoliennes tournent pour produire l’hydrogène. Quand il n’y a pas de vent, l’hydrogène qui a été produit et stocké fournit 100.

On voit déjà l’énorme nuisance pour l’environnement que représenterait cette prolifération d’éoliennes, sans compter le gaspillage de ressources précieuses.

LA GRANDE ILLUSION DE L’ÉCOLOGISME

Tout ce qui est abondant n’est pas nécessairement gratuit et bon marché : il en va des EnRi comme de l’hydrogène, c’est une illusion de même nature.

Quoi de plus gratuit que le vent et le Soleil, mais les exploiter pour en extraire de l’énergie utilisable est une autre affaire. Il est beaucoup par exemple plus coûteux d’utiliser les EnRi pour produire de l’énergie qu’utiliser les énergies d’origine fossiles ou nucléaire ou l’hydroélectricité. Même si on parvient à faire baisser le coût de la captation locale, essentiellement grâce aux subventions, le coût de leur intégration au réseau électrique les renchérit considérablement. Ce n’est pas un hasard si le prix de l’électricité grimpe dans tous les pays où elles sont introduites massivement. L’Allemagne et le Danemark détiennent le prix d’électricité pour les ménages les plus élevés de l’Union européenne.

Pour ce qui est de l’hydrogène, il faut prendre en compte la façon dont il est produit et à quel usage il est destiné. En dépit du fait qu’il est l’un des éléments les plus communs de l’univers, il n’existe pas à l’état libre dans la nature. Il faut le produire, ce qui demande de l’énergie. Il est donc inéluctable qu’il soit plus cher que la source d’énergie primaire utilisée pour le produire, et il le sera toujours.

Le coût de production dépendra de la source d’énergie primaire utilisée et de l’efficacité du processus de production. Une étude d’Engie évalue le coût de l’hydrogène vert produit par électrolyse de l’eau à 2,3 euros la tonne H2 contre 0,85 euro la tonne H2 pour l’hydrogène blanc produit dans l’industrie par vaporeformage du méthane ; c’est-à-dire 2,73 fois plus cher. Le hic est que ce dernier procédé produit également 10 tonnes de CO2 par tonne de H2 (L’utopie hydrogène, p.159).

SUICIDE ÉCONOMIQUE

Bien entendu, il est toujours possible pour un État de rendre un produit arbitrairement et artificiellement compétitif, soit en le subventionnant, soit en taxant les produits concurrents, soit en faisant les deux. La Commission européenne a calculé que la taxe carbone devrait être de l’ordre de 55 à 90 euros par tonne de CO2. Cela détruirait la compétitivité internationale des industries de l’Union.

Or, les usines produisant de l’hydrogène ne produisent pas que cet élément. C’est en fait toute la filière chimique qui serait menacée (L’utopie hydrogène, p.155). Quand on mesure l’importance de l’industrie chimique dans l’Union européenne, en particulier en Belgique, cela équivaut à un suicide économique.

Mais le tout-EnRi resterait une aberration même si comme dit plus haut un miracle technologique se produisait par la découverte d’un moyen sûr, efficace et d’un coût acceptable de stocker l’électricité. Le rendement du stockage et de la restitution resterait de toute façon inférieur à un, car il faudrait toujours passer par un vecteur intermédiaire, par des transformations. Toute transformation implique des pertes, même si elles sont minimes.

Le tout-EnRi impliquerait donc toujours, au minimum, de doubler le nombre des capteurs locaux (éolienne ou panneaux voltaïque), l’un fonctionnant pour satisfaire la demande et l’autre pour stocker.

Par ailleurs, les coûts d’intégration au réseau des EnRi,  la nécessité de disposer d’une énergie pilotable et de maintenir la stabilité du réseau, ne fut-ce que la fréquence, rendent encore plus utopique le tout-EnRi, alors que la solution la plus économique et la plus sûre n’émettant pas de CO2 existe : le nucléaire.

Il semble d’ailleurs que ce fait commence à percoler dans l’opinion en Allemagne, même chez des écologistes.