Ce sont les pays les plus libres économiquement qui passeront le mieux la crise, qu’ils aient ou non pratiqué l’interventionnisme économique durant la pandémie.
Un article de l’Iref-Europe
L’OCDE a publié il y a quelques jours ses perspectives économiques mondiales, légèrement plus favorables que les prévisions de la mi-juin. À cette date, l’Organisation de coopération et de développement économique tablait sur un recul du PIB mondial de 6 % en 2020.
Aujourd’hui, les prévisions sont de -4,5 %. De même, pour la zone euro : le PIB reculerait finalement de 7,9 % cette année, alors qu’en juin l’OCDE prévoyait un recul de 9,1 %.
LA FRANCE PARMI LES PAYS LES PLUS TOUCHÉS
Si l’on se penche davantage sur ces prévisions, trois informations sautent aux yeux. La première est que seule la Chine ne subira pas de récession en 2020. La deuxième est que les pays européens sont parmi ceux où l’impact de la crise de la Covid-19 sera le plus fort.
L’Italie (-10,5 %) et le Royaume-Uni (-10,1 %) se placent devant la France (-9,5 %). Les prévisions de juin, qui étaient plus complètes, mettaient également l’Espagne, le Portugal et la Belgique en tête du tableau.
On remarquera, en revanche, que l’Allemagne se détache nettement de ses voisins avec un recul de 5,4 % seulement.
Troisième et dernière observation, les pays les plus vilipendés pour leur gestion de la pandémie, à savoir les États-Unis de Trump et le Brésil de Bolsonaro, ne s’en tirent pas si mal comparativement à l’Europe, avec respectivement, une baisse du PIB de -3,8 % et -6,5 %.
Il pourrait être intéressant de recouper ces données avec celles de la gestion de la pandémie par les différents gouvernements.
DES RÉPONSES ÉCONOMIQUES À LA PANDÉMIE VARIÉES SELON LES PAYS
Simon Porcher, professeur à l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Paris a mis au point une base de données recensant les mesures gouvernementales prises à travers le monde pour faire face au coronavirus. Avec ces données, Porcher a créé deux indicateurs.
Le premier est l’indice de rigidité des mesures de santé publique qui prend en compte douze mesures : interdiction de rassemblements de masse, interdiction d’événements sportifs et récréatifs, fermeture des restaurants et bars, confinement, restriction de voyages internationaux, restriction de voyages nationaux, couvre-feu, déclaration d’état d’urgence, tests publics, surveillance renforcée, fermeture d’écoles et report d’élections.
Le second est l’indicateur d’intervention économique qui prend en considération sept mesures : soutien des salaires, transfert d’argent liquide, système de crédit, réductions et reports d’impôts, soutien aux importateurs et aux exportateurs, réduction des taux d’intérêt.
Chaque pays reçoit ainsi deux notes, comprises entre 0 et 1. Les indicateurs sont disponibles pour trois dates, les 15 mars, 15 avril et 15 mai. Nous pouvons ainsi, très précisément, nous rendre compte à la fois de la rapidité et de l’intensité de la réaction des gouvernements.
Examinons l’indicateur d’intervention économique et son évolution dans le temps. On peut déceler plusieurs groupes de pays.
Le premier est celui des pays qui ont réagi au plus tôt à la crise en prenant des mesures dès le mois de mars. Il est composé de la Chine, de l’Australie, de l’Allemagne, et avec un niveau d’intervention moindre, des États-Unis et du Royaume-Uni.
Le deuxième est celui des pays qui n’ont eu aucune réaction au mois de mars. La France appartient à cet ensemble.
Le troisième groupe, largement composé des pays du deuxième groupe, rassemble les nations qui, au 15 avril 2020, avaient pris un nombre important de mesures et qui ont maintenu ce niveau à la date du 15 mai.
Un quatrième groupe est celui des pays qui sont intervenus crescendo dans l’économie, à l’instar de la France, mais aussi de l’Allemagne, de l’Inde et de l’Italie.
Enfin, deux pays se distinguent pour avoir eu une attitude très différente des autres : l’Australie qui a pris des mesures interventionnistes très fortes dès le début de la crise et qui les a maintenues dans le temps ; et la Corée du Sud qui n’en a pas pris. La Chine pourrait également se joindre à eux, dans le sens où elle a maintenu le même niveau d’intervention tout au long de la pandémie.
PAS DE CORRÉLATION ENTRE LE NIVEAU D’INTERVENTIONNISME ET L’AMPLEUR DE LA RÉCESSION
Si nous rapprochons maintenant les deux indicateurs, pouvons-nous tirer des conclusions sur l’efficacité des mesures économiques ?
On remarque d’abord que les pays ayant réagi le plus tôt sont aussi, pour la plupart, ceux qui subiront moins fortement la récession. C’est le cas de l’Allemagne, de l’Australie, des États-Unis et de la Chine.
Mais cette constatation n’est pas vraie partout. Le Mexique et le Royaume-Uni, qui ont pris des mesures économiques dès le mois de mars, sont parmi ceux qui verront leur PIB se rétracter le plus fortement en 2020. À l’opposé, la Corée du Sud qui n’a pris aucune mesure verra son PIB reculer seulement d’un petit 1 % cette année.
Dès le mois d’avril, de nombreux pays réagissaient en prenant des mesures très fortes de soutien à leur économie. Ce fut par exemple le cas de l’Afrique du Sud qui sera pourtant le pays qui connaîtra la plus forte récession (-11,50 %).
Autre exemple, celui de l’Argentine qui a mis en place des mesures de soutien de façon progressive et qui talonne l’Afrique du Sud avec des prévisions de croissance très pessimistes (-11,20 %). La Russie qui est intervenue le plus fortement dès le mois d’avril (avec le maximum de 1 point) connaîtra pourtant un recul de son PIB de 7,30 %.
En résumé, il semble bien que le niveau d’interventionnisme économique pendant la crise n’ait absolument aucune influence sur la croissance (ou la décroissance) du PIB.
Rapprocher les prévisions de croissance pour 2020 avec l’évolution du PIB en 2019 ne nous apporte pas davantage d’informations. Certes la Chine, qui a vu son PIB progresser de 6,1 % en 2019, ne subira pas de récession cette année. Mais l’Inde, dont le PIB a crû de 4,2 % en 2019, connaîtra un sévère recul en 2020 (-10,2 %).
Et la faible croissance allemande de 2019 (+0,6 %) se transformera en récession modérée en 2020 (-5,4 %) tandis que le Mexique, qui avait déjà vu son PIB baisser en 2019 (-0,3 %), connaîtra une sévère correction cette année (-10,2 %).
DES PISTES PLUS SÉRIEUSES DU CÔTÉ DE LA LIBERTÉ ÉCONOMIQUE
Si l’on compare, cette fois, les prévisions de croissance pour 2020 avec l’indice de liberté économique (Index of economic freedom) publié chaque année par Heritage Foundation, il semble qu’il y ait davantage de corrélations.
Les pays qui subiront le moins fortement la crise en 2020 sont ceux qui présentent les indices de liberté économique les plus élevés. Deux exceptions à cette règle : la Chine tout d’abord avec un indice qui la classe parmi les pays les moins libres économiquement (mostly unfree) qui fait immanquablement s’interroger sur la sincérité des statistiques chinoises ; le Royaume-Uni ensuite qui, malgré un bon indice de liberté économique, connaîtra une forte récession en 2020, peut-être à mettre sur le compte du Brexit.
Rappelons que l’indice de liberté économique classe les pays en prenant en compte dix critères : liberté d’entreprise, liberté des échanges, poids des impôts et taxes, dépenses publiques, stabilité monétaire, liberté d’investissement, dérégulation financière, protection de la propriété privée, lutte contre la corruption et liberté du travail.
Indéniablement donc, ce sont les pays les plus libres économiquement (free et mostly free dans le classement) qui passeront le mieux la crise, qu’ils aient ou non pratiqué l’interventionnisme économique durant la pandémie. De là à en conclure que les mesures de soutien sont en grande partie inutiles, il n’y a qu’un pas que nous vous laisserons franchir… ou pas.
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