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02 octobre, 2022

Grand retour de l’inflation : rappels élémentaires à l’usage des politiciens

 Par Jean-Yves Naudet.

En cette rentrée, l’un des sujets économiques majeurs est le retour de l’inflation.

Il faut dire qu’on l’avait bien oubliée. Depuis des années en France, nous étions autour de 1 % par an de hausse des prix ; il faut remonter aux années antérieures à 1984 pour trouver des chiffres comparables à ceux d’aujourd’hui, supérieurs à 5 % ! Cela fait presque 40 ans, ce qui fait qu’une personne de moins de 50 ans n’a pratiquement jamais connu l’inflation. D’où la stupéfaction de beaucoup, quand ils voient ce qui se passe aujourd’hui. Il faut avoir plus de 50 ans pour savoir ce qu’est une inflation à deux chiffres ou des taux d’intérêt supérieurs à 10 %. Et les premiers surpris semblent être les hommes politiques… alors que ce sont eux, avec les banques centrales, qui ont créé cette inflation. Il faut donc rappeler à tous et surtout aux politiciens quelques élements basiques.

Deux questions majeures se posent à propos de l’inflation : est-ce un mal et d’où vient-elle ?

 

L’inflation est toujours un mal

L’inflation, c’est la hausse du niveau général des prix, c’est-à-dire de la moyenne des prix.

C’est toujours un mal économique et social. Elle mine le pouvoir d’achat dès lors que les prix augmentent plus vite que les revenus. Elle constitue une sorte d’impôt, non voté par le Parlement, puisqu’elle entraîne un prélèvement sur les encaisses monétaires. Celui qui a 1000 euros, en espèces ou en banque, confronté à une inflation de 10 %, a perdu 10 % de la valeur de cette somme en un an : en termes de pouvoir d’achat, c’est comme s’il ne lui restait que 900 euros. Presque tout le monde est perdant, surtout ceux qui ne peuvent faire évoluer aussi vite leurs revenus.

Et une course infernale se poursuit alors, la hausse des prix entrainant une hausse des salaires et autres revenus, pour « préserver le pouvoir d’achat » et ainsi de suite. Les seuls gagnants sont ceux qui sont endettés, puisqu’ils rembourseront en monnaie de singe ; voilà pourquoi les États aiment bien l’inflation, lorsqu’ils sont surendettés : elle allège le remboursement de la dette. Mais même là, c’est un calcul à courte vue, car l’inflation s’accompagne en général de taux d’intérêt plus élevés et ce que l’État gagne sur le remboursement du capital, il le perd en paiement d’intérêts plus lourds.

Souvent, l’inflation a tendance à s’accélérer et on peut tomber dans l’hyperinflation.

Même en France, à la Libération, les prix montaient de plus de 50 % par an. Dans certains cas, le phénomène devient totalement hors de contrôle, comme dans l’hyperinflation de la République de Weimar en 1923 : la monnaie n’a plus aucune valeur et la moindre chose, un pain, un timbre, vaut plusieurs milliards de marks. On préfère recevoir un bien réel et être payé en nature, plutôt qu’en monnaie. Comme le faisait remarquer Stefan Zweig dans Souvenirs d’un Européen, le moindre objet, même un poisson rouge, est préféré à la monnaie.

Mais le mal de l’inflation est plus subtil.

Dans une économie de marché, le prix indique les raretés et il est donc normal que les prix évoluent sans cesse. Un prix qui monte signifie un excès de demande ou une insuffisance d’offre et incite les producteurs à produire plus et les clients à acheter moins, rétablissant l’équilibre. De même en sens inverse, un prix qui baisse montre un excès d’offre et une insuffisance de demande, et attire les acheteurs, tout en décourageant les producteurs.

Une hausse ou une baisse des prix n’est donc pas un mal en soi et c’est même indispensable. Il y a pathologie lorsque la majorité des prix monte. Or cela perturbe tout le système économique puisqu’on ne sait pas si telle hausse est le signe d’une pénurie, d’une rareté, ou d’une inflation générale : les prix jouent moins bien leur rôle, l’économie s’adapte mal et peut entraîner une récession, ce qui donne la stagflation (stagnation économique plus inflation). Cela signifie que ceux qui proposent de bloquer les prix n’ont rien compris au fonctionnement de l’économie de marché, qui implique une liberté des prix, pour faire apparaitre pénuries ou excédents et pour inciter entreprises et clients à réagir. Le blocage des prix est une mesure démagogique qui paralyse toute l’économie.

L’inflation est donc un mal, qui perturbe tout le mécanisme économique, redistribue artificiellement les revenus et entraîne des problèmes de pouvoir d’achat et des tensions sociales.

 

D’où vient l’inflation et comment la combattre ?

Mais d’où vient l’inflation ?

En général on se contente d’explications simplistes, celles dont les hommes politiques raffolent : il y a inflation parce que les prix du pétrole ou des matières premières montent, entraînant les autres, ou parce qu’avec la guerre en Ukraine certaines pénuries se produisent et font monter les prix alimentaires ou industriels.

Mais cela n’explique rien, puisqu’on donne comme cause à l’inflation, c’est-à-dire à la hausse des prix, d’autres hausses de prix. Il est vrai que certains prix progressent brutalement, souvent pour des raisons étatiques (cartel de l’OPEP, guerres, embargos, etc.). Mais si les Français paient plus cher leur essence ou leurs fruits et continuent à en consommer autant, à revenu inchangé, il faut bien qu’ils réduisent leur consommation ailleurs, et cette baisse de demande fait baisser les prix d’autres produits : tel prix monte, mais du coup tel autre diminue. Il ne peut y avoir inflation que si le revenu ou la quantité de monnaie augmentent artificiellement, faisant monter la demande et donc les prix si la production ne peut pas suivre.

Cette hausse artificielle des revenus, sans qu’il n’y ait eu d’effort productif nouveau, peut venir de l’État, qui augmente ses dépenses sans recettes équivalentes, entraînant un déficit public accru et un accroissement de la dette publique. Le « quoi qu’il en coûte » en est un bon exemple. Mais plus largement, c’est à la source première qu’il faut remonter, à savoir la création de monnaie. Celle-ci devrait correspondre à la création de richesses réelles ; mais depuis longtemps et surtout aujourd’hui, les banques centrales créent des quantités de monnaie sans rapport avec les réalités économiques. Elles en créent notamment en rachetant des titres de la dette publique, incitant les États à dépenser sans compter et sans rigueur. Les chiffres de la création monétaire donnent le vertige : une telle création monétaire ne pouvait un jour ou l’autre que se traduire par une inflation, puisque, selon l’expression du prix Nobel Milton Friedman, « l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire ».

On ne s’est pas méfié immédiatement, voyant qu’en dépit de la création monétaire incontrôlée et irréaliste, les prix montaient peu ; mais déjà cela provoquait des bulles spéculatives, en bourse, sur l’immobilier ou dans certains pays du tiers-monde. Désormais, ce sont tous les pays qui sont atteints : « ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Dans certains pays, comme la Turquie, la hausse annuelle des prix dépasse les 70 %.

Les États et les banques centrales ont joué avec le feu, distribuant ou mettant en circulation un argent qui ne correspondait à rien, avec une conception magique de la monnaie, reproduisant l’erreur mercantiliste, croyant que la richesse consistait dans la monnaie. Or la richesse ne vient que de la production de biens et services que le client juge utiles et auxquels il donne de la valeur. Tout le reste est illusion dangereuse, nous le voyons aujourd’hui.

Il nous faut donc revenir au monde réel : on augmente le pouvoir d’achat en travaillant et produisant davantage, pas en créant de la monnaie qui s’engouffre dans le vide et ne fait que monter les prix.

Est-il trop tard ? Cette erreur s’est produite souvent dans le passé et a nécessité de la rigueur, une maîtrise de la création monétaire et des dépenses publiques, mais ce n’est pas simple. Il faut donc dire la vérité aux citoyens : on ne peut distribuer que des richesses existantes et consommer que ce qui est produit. Sinon, c’est tout le système économique qui se dérègle.

Cela, Lénine l’avait parfaitement compris, en affirmant que « le plus sûr moyen de détruire le capitalisme était de détruire sa monnaie ».

C’est ce qu’ont fait les apprentis sorciers des banques centrales et du monde politique, et maintenant qu’ils en voient les conséquences et réalisent leur erreur, ils font machine arrière à toute vitesse. Mais ils découvrent qu’il est plus facile de faire sortir le dentifrice du tube que de l’y faire rentrer ensuite ! Le préventif vaut toujours mieux que le curatif.

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