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Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

24 décembre, 2008

Quel est le meilleur plan de relance?

André Dorais

Dès les premiers jours de ce qu’on pensait être une simple crise financière, on déclarait coupable le capitalisme. Maintenant que cette crise s’avère économique, l’État prend toute la place. Il intervient partout, rapidement et massivement. Pas question de laisser les gens décider eux-mêmes ce qu’il y a de mieux à faire dans les circonstances, seul le plan de l’État compte. Il a la même assurance à dicter ce qu’il faut faire pour sortir de la crise qu’il avait pour conclure à la culpabilité du marché. Doit-on s’en réjouir ou pleurer? Dans la mesure où l’on considère son assurance plutôt comme de l’arrogance, il serait opportun de prendre du recul, réévaluer ses déclarations et pondérer les actions à prendre.

Le capitalisme n’est pas coupable de la crise financière et encore moins de la crise économique

On accuse le secteur financier d’être à l’origine de la crise économique, mais on ne s’empresse pas moins de sauver les banques. Or, si elles sont coupables, pourquoi les sauver? En sauvant les banques, ou plus généralement les institutions financières, les gouvernements ne cherchent pas tant à sauver les épargnants que leur monopole sur la monnaie. Le secteur bancaire, plus que tout autre secteur d’activité, est protégé par les gouvernements.

Les gouvernements tirent avantage de ce monopole non pas tant sous forme pécuniaire que par le pouvoir qu’il leur octroie pour modeler la société à leur image, du moins entreprendre de grands projets, voire de grandes destructions. Tant que les critiques de la crise sont dirigées vers les financiers, les gouvernements peuvent continuer à en profiter en toute tranquillité. Il ne s’agit pas tant de complot que d’incompréhension des conséquences de ce monopole. Que quelques banques centrales soient nées d’un complot, entre financiers et politiciens, est une autre histoire.

Les banques centrales ne créent pas de monnaie en proportion à la richesse produite, mais quand bon leur semble. Depuis les années 1970 elles permettent une création monétaire qui n’a aucune commune mesure avec la production de richesse. Cela est d’autant plus vrai en période de ralentissement économique puisque les gouvernements se servent aussi bien des politiques monétaires que fiscales pour relancer l’économie.

À titre d’exemple, au cours des trois derniers mois la Réserve fédérale a pratiquement doublé sa «base monétaire», soit la monnaie sous forme de pièces, billets et dépôts des banques dans les banques centrales. Les banques possèdent également la capacité d’accroître la masse monétaire, mais cette capacité leur est octroyée par l’État. C’est-à-dire qu’elle ne constitue ni un pouvoir législatif, ni une fraude au sens légal du terme. On la qualifie de politique des réserves fractionnaires, soit le droit de prêter plus d’argent qu’elles détiennent dans leurs coffres et leurs comptes à la banque centrale. Dès lors que ce nouvel argent est prêté, on doit compter généralement au moins deux ans pour en constater les effets sur les prix des biens et des services. La durée de ces effets varie selon plusieurs facteurs. Tant que cet argent demeure dans les coffres et les comptes des banques lesdits effets ne se réalisent pas. Pour l’instant, les banques hésitent à le prêter, car de plus en plus d’agents économiques déclarent faillites.

On ne peut jamais déterminer à l’avance où ira l’expansion monétaire, tout ce qu’on peut affirmer est qu’elle ne contribue en rien à la création de richesse globale. Ceux qui reçoivent en premier cet argent s’enrichissent effectivement, mais sur le dos de ceux qui y ont accès tardivement puisque la perte de pouvoir d’achat, comme conséquence inévitable de ladite expansion (inflation), se concrétise à mesure que le temps s’écoule. Cette redistribution favorise principalement les gouvernements, le secteur bancaire et les emprunteurs, alors qu’elle défavorise surtout les épargnants. Lorsqu’on sait à qui profite le crime, on réalise pourquoi les gouvernements, et une panoplie d’économistes confus, encouragent les gens à consommer plutôt qu’à épargner.

Le véritable coupable

Le coupable de la présente crise économique, comme de celles qui l’ont précédées, n’est pas le capitalisme, mais l’interventionnisme de l’État. Celui-ci est facilité, au premier chef, par son monopole sur la monnaie. Sa réglementation, qui favorise des individus et des secteurs d’activités au détriment des autres, donne une direction à l’inflation, mais elle n’en constitue pas la cause. On peut illustrer ce point en poursuivant avec l’exemple des États-Unis. À cette fin on peut se servir du tableau suivant, tiré d’un article de Mike Shedlock, qui montre graphiquement deux mesures strictes de la monnaie : M’ et TMS.


L’argent créé aux États-Unis à la fin des années 1990 s’est vite dirigé dans le marché immobilier pour les raisons suivantes : 1) Les bourses ont atteint des sommets au début de l’an 2000 pour ensuite s’écrouler, de sorte que les investisseurs étaient disposés à regarder ailleurs pour obtenir de meilleurs rendements. 2) La Réserve fédérale annonçait qu’elle était prête à réduire son taux directeur, déjà relativement bas, autant qu’il le fallait pour relancer l’économie. 3) L’achat de maisons était non seulement encouragé par cette politique relative au taux d’intérêt, mais également par l’entremise de subventions indirectes aux acheteurs de maisons par l’entremise de Fannie Mae, Freddie Mac et la Community Reinvestment Act. Les deux premières constituaient des entreprises quasi gouvernementales avant d’être nationalisées, tandis que la troisième est une législation typiquement sociale-démocrate, c’est-à-dire qui prétend corriger un mal exagéré, voire imaginaire, en en créant un vrai.

Tant qu’on ne va pas à la source de la crise, soit le monopole d’État sur la monnaie, on risque d’accuser des gens qui n’y sont pour rien. Par exemple, lorsqu’on regarde uniquement les conséquences de l’inflation (monétaire), on tend à culpabiliser certains financiers pour leur utilisation abusive de produits dérivés servant à financer l’achat de maisons. Les financiers ont une responsabilité quant à l’utilisation de ces produits, reconnus pour être complexes et risqués, mais il est tout aussi abusif de conclure qu’ils sont les premiers responsables de la crise. Si les politiques mentionnées, dont principalement l’inflation, n’avaient pas été mises en place, les financiers n’auraient pas eu autant le loisir d’utiliser ces méthodes, relativement nouvelles, de financement. Cette distinction est importante puisqu’elle inverse l’effet et la cause, par conséquent la responsabilité de chacun.

On blâme aussi les financiers pour leur rémunération «exagérée» comme cause de la crise, mais on ne réalise pas que, sans les privilèges qui leur sont octroyés par l’État, cette rémunération serait similaire à celle des autres secteurs d’activités. On ne le réalise pas parce qu’on est incapable d’imaginer un État sans banque centrale et qui n’impose pas son choix de monnaie. On condamne le capitalisme sans en avoir la preuve. Les raisons qu’on invoque pour le condamner relèvent à la fois de l’envie et d’un blocage idéologique. On n’ose pas culpabiliser l’État puisqu’on l’implore comme sauveur, de sorte qu’il reste seul le capitalisme à condamner.

L’immense majorité des politiciens, des économistes et des historiens condamnent le capitalisme et préconisent les mêmes recettes pour sortir de la crise que celles qui y ont conduit, à cette différence près qu’ils veulent les voir appliquer avec plus d’intensité. Dans cet esprit, plutôt que de laisser mourir Fannie et Freddie, on les nationalise; plutôt que d’abolir la Community Reinvestment Act, on concocte d’autres législations; plutôt que d’abolir les Société d’assurance dépôt américaine (Federal Deposit Insurance Corporation) et canadienne, qui n’ont jamais eu les fonds suffisants pour honorer leurs garanties, on préfère les maintenir en vie en imposant en cachette les contribuables. Il faut en faire plus, pas moins, disent les experts, les politiciens et la majorité de la population.

Dans cet esprit, Ben S. Bernanke, président de la Réserve fédérale, est l’homme de la situation. Il est à la tête de la plupart des programmes d’aide qui voient le jour depuis quelques mois : Term Auction Facility, Commercial Paper Funding Facility, programme de prêt et d'achat de dettes, travaux publics, réglementations «sociales», etc. Ces programmes sont calqués sur ceux qui ont vu le jour lors de la Grande Dépression : Reconstruction Finance Corporation, Works Progress Administration, National Recovery Administration, etc.

Ben Bernanke est un disciple de Milton Friedman, lauréat Nobel en 1976, qui considérait que la Grande Dépression était due à un manque de courage de la Réserve fédérale à utiliser l’inflation comme remède. Bernanke a bien appris la leçon du maître : il est plein de courage. À moins que ce ne soit de la témérité? En plus de mettre sur pied sa panoplie de programmes toxiques, il vient d’abaisser le taux directeur à zéro pour encourager les banques à prêter et à multiplier l’argent qu’il y injecte. Comme la plupart des économistes, il ne voit pas de problème à ajouter de l’argent dans l’économie tant que l’indice des prix à la consommation est sous contrôle. Que le Congrès ait critiqué, il y a à peine deux mois, l’ex-président de la Réserve fédérale d’avoir contribué à la crise en ayant laissé le taux directeur trop bas, trop longtemps, ne semble perturber ni Bernanke, ni le Congrès. Or, les deux ne peuvent pas avoir raison en même temps d’une position aussi diamétralement opposée.

Une histoire et une science à revoir

On se réfère de plus en plus aux moyens utilisés lors de la Grande Dépression pour résoudre la présente crise sans réaliser qu’ils n’ont pas contribué à en sortir, mais à la soutenir. C’est-à-dire que ce sont ces interventions mêmes qui ont transformé ce qui devait être une petite récession en une grosse.

On se souvient de cette période historique comme étant celle du New Deal. En mai 1939, le secrétaire au Trésor américain, Henry J. Morgenthau, témoignait devant le Congrès en disant : «Après huit ans de cette administration nous avons autant de chômeurs qu’on en avait lorsqu’on a commencé… en plus d’avoir accumuler une énorme dette.» (voir The Disaster Called the New Deal). Le taux de chômage annuel moyen entre 1929 et 1939 était tout près de 17%. Il aura fallu attendre la Seconde Guerre mondiale pour que ce taux régresse, non pas parce que la guerre contribue à la croissance économique, mais à cause de la conscription de millions d’hommes.

La plupart des gens reconnaissent que le New Deal constituait une gigantesque expansion de l’État, mais peu d’entre eux reconnaissent qu’elle fût rendue possible grâce à la création préalable, à la fin de 1913, de la Réserve fédérale, soit la banque centrale américaine. On fuit cette réalité de peur d’avoir à remettre en question ses croyances en l’État.

La Réserve fédérale a permis une expansion monétaire de l'ordre de 8% annuellement entre 1921 et 1928. Il n’en fallait pas plus pour créer une euphorie chez les spéculateurs et un krach boursier inévitable par suite. Les économistes ne l’ont pas vu venir, pas plus qu’ils n’ont vu venir la crise actuelle, car ils se servaient, et se servent toujours, de l’indice des prix à la consommation pour mesurer l’inflation. Pendant ces années, cet indice était non seulement stable, mais historiquement faible. Faut-il rappeler que l’inflation se retrouve partout et non seulement dans les biens de consommation? Il est vrai que cette version de l’histoire est très peu enseignée à l’université…

En somme, on dénonce le capitalisme, soit le laisser-faire, pour des raisons bien minces : les financiers font trop d’argent, ils vendent des produits qu’on ne comprend pas et ils exagèrent. On dénonce également le capitalisme sous le prétexte qu’il n’a pas de plan, alors que c’est lui qui en a le plus. Il demande au gouvernement de ne rien faire afin que chaque individu puisse exécuter son propre plan. Les plans gouvernementaux s’établissent nécessairement aux dépens de plusieurs individus, voire de tout le monde à divers degrés, par conséquent ils ne permettent pas aux individus d’exécuter les leurs pleinement. Il s’agit d’un choix entre le collectivisme, qui prétend que quelques hommes sont en mesure de déterminer les choix de tous et l’individualisme, qui laisse à chacun la capacité de choisir pour lui-même.

On voit l’État comme un sauveur parce qu’on est incapable d’admettre son erreur de diagnostic, incapable d’admettre que c’est l’interventionnisme de l’État qui est responsable malgré les évidences. On voit l’État comme seul capable de défendre l’intérêt public, alors que l’intérêt public, le vrai, n’est possible que lorsque chaque individu y trouve son compte, ce que ne pourra jamais réaliser l’action gouvernementale. Seul le laisser-faire est d’intérêt public puisque seul il peut répondre aux plans de chacun. Plus de temps on prendra à le réaliser, plus l’État risque d’intervenir et plus longue sera la récession.

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