La violence de militants écologistes ne se limite plus à la destruction des essais de variétés OGM, elle se manifeste aussi en forêt.
Rappelons, pour ne plus y revenir, le contexte économique de la filière bois en France. Entre juillet 2017 et juin 2018, son déficit s’établit à 6,7 milliards d’euros, en hausse de 10,7 % en glissement annuel. Les importations s’élèvent à 16,4 milliards d’euros (+ 5,5 % sur un an) tandis que les exportations atteignent 9,7 milliards d’euros (+ 2,2 % sur un an). Le déficit se creuse pour les pâtes à papiers et cartons, ainsi que pour les sciages de conifères. Donc, si l’on ne coupe pas en France, on coupe ailleurs pour, notamment, bâtir des habitations écologiques, en bois, en France !
Comme tous les êtres vivants, les arbres croissent vite dans leur prime jeunesse, puis cette capacité de croissance diminue. Si le châtaigner jusqu’à 20 ans pousse plus vite que les autres espèces cultivées à croissance rapide, c’est le douglas1 qui prend ensuite le relais pour faire du bois d’œuvre. La croissance exceptionnelle du châtaigner expliquera aux promeneurs en forêt que beaucoup de taillis sont constitués de cette essence. Ils étaient exploités autrefois pour produire du bois de chauffage et du charbon de bois. Pour le bois d’œuvre, à soixante ans et plus à vingt, c’est le douglas qui l’emporte et pousse, durant cette période, deux fois plus vite qu’un chêne (0,5 cm contre 0,25 cm de rayon de l’arbre par an).
Si de très nombreux arbres peuvent vivre plusieurs siècles, les risques biologiques sont, comme chez les humains, liés à l’âge. Le risque de roulure du châtaignier augmente après cinquante ans ; la pourriture noire du merisier se déclare entre soixante et soixante-dix ans ; le risque de cœur rouge du hêtre s’accélère après cent-vingt ans … Quant au tremble, à l’aulne, au bouleau, leur durée de vie dépasse rarement soixante ans. Il y a donc un âge optimum d’exploitation pour chaque arbre : 20 ans pour un peuplier, 60 ans pour un douglas, 120 ans pour un hêtre, 180 ans pour un chêne … Quant au mode de régénération naturel ou par plantation, il y a eu longtemps pour les feuillus (hêtre et chêne) une philosophie différente entre les forestiers allemands partisans des plantations et les forestiers français partisans de la génération naturelle, ce qui ne veut pas dire sans contrôle attentif des forestiers, donc pas si « naturelle ».
Mais la forêt n’est pas seulement un lieu de production de bois, c’est aussi un lieu de promenade, de rêverie, de chasse, de cueillette et de cohabitation entre de nombreuses espèces. Les forestiers privés, qui représentent les trois-quarts de la forêt française, le savent et accueillent chez eux, chaque année, 700 millions de visiteurs. Quant à la biodiversité, elle dépend du climat, des essences, des modes d’exploitation, du sol, de la pluviométrie …
Rappelons en outre qu’en Europe, la forêt naturelle ne représente que 1% des surfaces boisées. Elle se trouve essentiellement en Pologne et n’existe pratiquement pas en France, alors qu’elle représente au Canada de 40 à 52% de ces espaces.
L’exploitation nuit-elle à la biodiversité ? Globalement pas.
« A l’échelle locale, les forêts non-exploitées sont réputées plus riches que les forêts exploitées. Pourtant, des études sur les plantes vasculaires, les oiseaux et certains invertébrés du sol montrent un effet positif de l’exploitation sur la richesse spécifique totale2. » Il y a toutefois une exception pour « les coléoptères saproxyliques3, les bryophytes4, les lichens et les champignons car ces taxons sont les plus sensibles à l’exploitation forestière ». La raison est simple : ils vivent sur une végétation en décomposition. Ajoutons, d’ailleurs que moins une forêt est exploitée, plus elle se couvre et ce qui réduit la luminosité ; la biodiversité diminue alors, à moins de faire artificiellement des puits de lumière.
Le 12 septembre 2018, un premier film : « le temps des forêts » caricature la sylviculture en l’illustrant par de la mécanisation lourde. Il est vrai qu’un arbre ne se soulève pas avec le petit doigt, que l’on ne l’abat plus à la main et que l’on ne tire plus les grumes à cheval. Ce même thème d’ignorants des pratiques forestières est repris par des livres tout aussi militants5. Puis, la veille de Noël 2018, un premier acte violent illustre cette campagne et un incendie volontaire se déclare à l’usine MECAFOR en Corrèze. Il y a un an, Mathilde Panot, députée LFI, lance une « commission d’enquête citoyenne pour une « gestion alternative des forêts ». Le 4 juin 2020 : 25 activistes de Canopée, SOS Forêt et ANV entrent en force dans l’usine de granulés bois Biosyl à Cosnes Sur Loire (58). Nous aurons le plaisir de le voir, en toute objectivité, grâce à la caméra de Hugo Clément dont l’émission sera transmise en octobre. (Sur Le Front /France 2).6
Enfin, le 22 juillet 2020, l’association « Canopée Forêts Vivantes » s’introduit dans les bureaux de France Bois Forêt, Fransylva et PEFC pour “ouvrir le débat sur les coupes rases”7.
Certes, pour aller dans le sens du maire de Bordeaux, quand on coupe un arbre, non seulement il meurt, mais cela dérange les oiseaux et les insectes qui y nichent. Toutefois, ces volatiles se déplacent, pas loin en général, car les parcelles dépassent rarement, en France, quelques hectares. Il n’y a heureusement pas qu’à Noël que l’on coupe des arbres, mais on en replante et la vie repart.
Bien entendu, des progrès dans ce domaine existent. Dans certains cas, pas toujours donc, on peut associer résineux et feuillus, mais après Sirven, Notre-Dame des Landes, les faucheurs volontaires, on ne peut que constater la passivité, pour ne pas dire la complicité tacite de l’état à l’égard de ces actes violent par des apôtres de la décroissance.
Ignorance et à-peu-près tiennent lieu d’idéologie qui se traduit par la volonté de nuire à une production à l’évidence écologique et néanmoins mécanisée. Les vertus isolatrices du bois sont connues. Tant qu’il ne brule pas, il piège en son sein du carbone. Il abrite un écosystème qui changerait peu si on gardait ces arbres sur pieds. La raison n’est donc pas écologique quand l’on examine l’ensemble du cycle de vie de cette sylviculture. La raison est politique.
L’opinion évoluera peut-être quand, collectivement, nous découvrirons les drames d’une réelle décroissance le jour proche où les revenus de la production – de bois notamment – ne seront plus compensés par la générosité des créanciers de la France.
1 Ce conifère de l’ouest de l’Amérique du nord, a été choisi depuis un siècle par les forestiers français pour la qualité de son bois et la rapidité de sa croissance. Il a peu de parasite et donc ne requiert pas de traitement, même en début de croissance.
2 Y. Paillet, L. Berges. Naturalité des forêts et biodiversité : une comparaison par méta-analyse de la richesse spécifique des forêts exploitées et non exploitées en Europe : chap 4. Biodiversité, naturalité, humanité – Pour inspirer la gestion des forêts, Vallauri D., André J., Génot J.C., De Palma J.P., Eynard Machet R. (eds), Tec et Doc Lavoisier, p. 41 – p. 49, 2010, 978-2-7430-1262-5. ffhal-00504476f https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00504476/document
3 Qui vivent dans le bois en décomposition
4 Les mousses par exemple.
5 Gaspard d’Allens, Main basse sur nos forêts, le Seuil 2019.
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