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La démocratie a besoin de notre détermination. Elle n’est
pas toujours bonne, mais nous savons que les tyrannies sont mauvaises. Ne les
soutenons d’aucune manière. Ne leur donnons pas d’avantages préférentiels. Et
faisons en sorte que notre démocratie puisse servir de modèle.
Il y eut un temps, où Rome crut pouvoir faire régner la
paix sur toute la terre qu’il dominait. Il y en eut un autre, après la chute du
mur, où le monde se mit à rêver que la démocratie représentait la fin de
l’histoire. C’est ce que prophétisait alors Francis Fukuyama, même s’il
expliqua ensuite qu’il utilisait ces termes au sens hégélien selon lequel
l’histoire est un processus sans fin. Les révolutionnaires de 1789 se faisaient
un devoir de faire partager leur idéal à tous les peuples. Ce qui a aussi sans
doute guidé, du moins en partie, Napoléon, les colonisations et les guerres
américaines dans le monde. Mais la démocratie reste l’exception et la liberté
la part congrue des démocraties elles-mêmes. Partout le monde demeure ce qu’il est,
à la merci des ambitions et des prétentions humaines, à la portée de toutes les
tyrannies. Dans les continents qui se sont libérés de la colonisation
occidentale totale ou larvée, le passé et la nature des peuples a repris le
dessus pour se livrer à des régimes politiques qui renouent avec leur histoire,
très loin de la démocratie même quand ils en portent encore le nom. Et tandis
que le monde n’a jamais été aussi ouvert aux possibilités d’échange, par les
facilités du transport et de la communication notamment, de nombreux pays ou
régions du monde manifestent leur particularité et entendent la faire
reconnaitre et accepter par la communauté internationale.
La légitimation impossible de la tyrannie
Au forum numérique de Davos de cette année, Xi Jinping a
rappelé que chaque pays était unique dans son histoire, sa culture et son
système social, ce que les Européens ne nient pas. Il en a conclu que les
Occidentaux n’avaient pas à s’ingérer dans les affaires intérieures de la
Chine, notamment au regard de sa politique à Hong Kong ou avec les Ouïgours.
Erdogan justifie ses exactions par les vertus de l’islam qui ne saurait
dissocier religion et politique. Il fonde son populisme sur la nostalgie de
l’empire ottoman et des dynasties qui l’ont précédé.
Cette marque impériale est celle de la Chine, mais
peut-être aussi celle de la Russie poutinienne qui utilise les ancrages
culturels de l’orthodoxie dans l’empire byzantin pendant un millénaire. Dans
cette pseudo démocratie tout lien avec l’étranger sert de prétexte à
condamnation, un rien permet d’empêcher les opposants, comme la députée
municipale de Moscou Ioulia Galiamina, de se présenter aux élections, quand ils
ne sont pas assassinés, les journalistes d’investigation sont suspectés et
empêchés de faire leur travail. La religion est ailleurs instrumentalisée pour
servir consolider un pouvoir populiste, comme en Inde où l’indouisme sert la
propagande identitaire de Modi et la violence contre les chrétiens et les
musulmans. Dans tous les cas, il s’agit de légitimer des sortes de
« régimes impériaux ». Ces pays se moquent de l’état de droit et
siègent à l’ONU dont ils ont approuvé sans vergogne la Charte qui leur interdit
de se comporter comme ils le font.
La démocratie est le meilleur des régimes…
En fait, les nouveaux tyrans du monde veulent redéfinir le
mot même de démocratie pour justifier leurs turpitudes. Ce que déjà le
communisme avait fait en inventant la « démocratie populaire ». Il ne
faut pas se laisser leurrer.
Avec Churchill, acceptons volontiers que « la
démocratie est le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres. »
Mais le caractère universel de la démocratie, s’il existe, ne réside pas dans
son système formel de représentation élective, même s’il est nécessaire, mais
dans sa pratique de la séparation des pouvoirs, le respect des libertés
humaines…, un état de droit. Ce qui fait la grandeur de la démocratie est
précisément ce que ne veulent pas prendre en compte les régimes impériaux. La
démocratie est ouverte et tolérante. Elle ne doit pas être idiote pour autant.
Chaque pays est libre d’adopter le système politique de son
choix. Mais il est du devoir des démocraties de protester quand les droits
humains élémentaires sont bafoués. Il ne faut pas se priver de commercer avec
ces régimes, mais il ne faut pas les encourager, même quand ils sont en Europe,
à poursuivre leurs forfaits. Il est regrettable par exemple que la France ait
accordé dans sa promotion du 1er janvier 2021 la légion d’honneur à
M. Ivanichvili, le président démissionnaire de la Géorgie, un oligarque
sans foi ni loi : son ministre de l’intérieur était son ex garde du corps,
son ministre de la défense était l’ancien agent de son fils rappeur, sa
ministre de la santé était l’ancienne dentiste de sa femme et le procureur
général, son avocat personnel… ! Et il ne faut pas être naïf : le
président Xi avait annoncé publiquement en 2015 "vouloir étendre l’état de
droit à tout le pays", convaincu qu’une justice effective est une
nécessité pour la consolidation d’une économie et d’une société modernes en
Chine. On sait ce qu’il en a fait : la Chine viole l’espace aérien et
maritime de ses voisins, ment sur les vaccins, instaure une surveillance de
tous, lave le cerveau des étudiants, poursuit sa politique de manipulation et
répression religieuses….
Suivons plutôt l’exemple de Londres qui s’est opposé
vigoureusement à la « barbarie » de Pékin à l’encontre des Ouïgours
et a condamné durement les graves violations du statut de Hong Kong par Pékin.
Après avoir à tort critiqué Trump à ce sujet, Biden a eu raison de manifester
sa sympathie active à l’égard de Taïwan. Souhaitons que les Allemands
n’achèvent pas le gazoduc NordStream 2 qui approvisionnerait l’Allemagne en gaz
russe au bénéfice financier de la Russie d’un Poutine qui continue d’essayer d’assassiner
Navalny.
La démocratie a besoin de notre détermination. Elle n’est pas toujours bonne, mais nous savons que les tyrannies sont mauvaises. Ne les soutenons d’aucune manière. Ne leur donnons pas d’avantages préférentiels. Et faisons en sorte que notre démocratie puisse servir de modèle. Ce qui exige que les pays occidentaux déjà respectent mieux nos libertés qu’ils bafouent eux-mêmes tous les jours dans une centralisation accrue aux niveaux national et européen, dans la multiplication insensée des règlementations, dans un conformisme sociétal qu’ils veulent imposer à tous, dans un égalitarisme qui fait disparaitre le particularisme personnel… Faire prévaloir la démocratie, c’est aussi et d’abord reconnaître que la société est faite pour les hommes et non l’inverse.
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