La récession n’est même pas confirmée que le spectre des déficits frappe à la porte.
Il y a à peine quelques semaines, la plupart des analystes et chroniqueurs dénonçaient les déficits accumulés comme une injustice envers les générations futures. Aujourd’hui, devant le spectre d’une récession, ces mêmes analystes et chroniqueurs prétendent que le déficit est un outil nécessaire. Seuls quelques économistes, qualifiés de dogmatiques par les interventionnistes, osent s’objecter à ce raisonnement. (Voir l’excellent texte de Nathalie Elgrably ci-après)
Une récession est une occasion en or pour les gouvernements. Elle justifie de réduire le gaspillage qui sévit dans la fonction publique et la plupart des organismes gouvernementaux. D’ailleurs, un récent sondage de Canwest conclut que 57 % des Canadiens s’opposent au retour des déficits et 82 % croient que les gouvernements devraient plutôt couper les dépenses.
Une fois la crise économique passée il deviendra alors possible de dégager des surplus pour commencer à rembourser l’énorme dette des Québécois.
Malheureusement, une campagne électorale n’est pas propice à l’assainissement des finances publiques. Les partis vont multiplier les promesses électoralistes quitte à renouer avec la mauvaise habitude de « consommer maintenant et payer plus tard ».
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Nathalie Elgrably
Préserver le tabou du déficit
Nathalie Elgrably-Levy, Journal de Montréal
Même si j'en ai eu souvent envie, je n'ai jamais répondu directement au texte d'un chroniqueur, quel que soit le journal dans lequel il écrit. Mais cette semaine, après avoir lu dans La Presse le texte d'Alain Dubuc intitulé «Il faut briser le tabou du déficit», je me sens contrainte de réagir.
Pour légitimer les hausses de dépenses de programmes, M. Dubuc fait l'apologie du déficit et écrit même que «c'est l'a b c de la science économique, pour qui la création d'un déficit est un outil conjoncturel valide». J'ai donc cherché confirmation dans l'a b c. J'ai même cherché jusqu'à z, mais nulle part il n'est dit qu'un déficit est un «outil» ou que l'endettement est «nécessaire» pour relancer l'économie.
M. Dubuc défend sa position en citant les enseignements de l'économiste britannique J. M. Keynes. Or, ce que cet économiste recommande, c'est d'augmenter les dépenses gouvernementales lorsque l'économie ralentit, quitte à les financer par un déficit. Pour Keynes, le véritable outil, c'est la dépense ! Encourir un déficit n'est pas une fin en soi; ce n'est que la conséquence malheureuse d'une orgie dépensière.
Proposer un plan de dépenses est une chose, mais louanger l'endettement est dangereux ! Les surplus d'Ottawa s'élèvent aujourd'hui à 2,9 milliards de dollars. Faut-il donc dilapider ce surplus et s'endetter pour relancer l'économie ? Et si le surplus s'élevait à 100 milliards, faudraitil quand même créer un déficit ?
Comme les politiciens et les personnes d'influence d'aujourd'hui ont fait leurs classes dans les années 1970, lorsque les universités enseignaient presque exclusivement les principes keynésiens, on peut comprendre qu'ils recommandent de recourir aux dépenses et aux déficits. Or, en plus d'ignorer les contributions d'autres grands économistes, ils oublient que la compréhension du fonctionnement de l'économie a considérablement évolué depuis l'obtention de leur diplôme.
DÉFICIT SOURNOIS
Par exemple, l'économiste autrichien Friedrich von Hayek a reçu le prix Nobel d'économie en 1974 pour avoir notamment montré comment les politiques keynésiennes articulées autour de la hausse des dépenses publiques produisent sur le long terme à la fois de l'inflation et du chômage. Certains lecteurs se souviendront d'ailleurs, probablement avec horreur, de la stagflation des années 1970.
On sait par ailleurs qu'un déficit budgétaire force l'État à emprunter, ce qui l'amène à détourner une partie de l'épargne nationale qui, autrement, aurait servi à financer des investissements privés productifs. Il enlève donc d'une main ce qu'il donne de l'autre. Et s'il emprunte à l'étranger? Dans ce cas, une partie de nos revenus futurs quittera le pays au moment du remboursement.
On sait également à présent qu'un déficit budgétaire entraîne un déficit commercial, impose un service de la dette qui réduit la marge de manoeuvre de l'État et cause un problème d'équité intergénérationnelle. Quel que soit l'angle sous lequel on l'analyse, un déficit budgétaire, même temporaire, est sournois.
On a longtemps fait croire aux Québécois qu'on peut acheter la prospérité à coup de déficits budgétaires. Mais aujourd'hui, ils méritent mieux que des théories keynésiennes dépassées et rétrogrades. Ils méritent de savoir que la croissance économique est fondamentalement tributaire du contexte institutionnel : fiscalité, réglementation, degré d'ouverture des marchés, système de droits de propriété, etc.
D'ailleurs, Washington a appliqué les principes keynésiens depuis 2002 en se lançant dans d'importantes dépenses, en s'enfonçant dans les déficits et en manipulant les taux d'intérêt. L'administration de G. W. Bush est assurément la plus keynésienne des 25 dernières années.
Est-ce l'exemple qu'on nous propose de suivre ? ! ?
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