Revue de livre par Bertrand Tremblay
Si Jean-François Lisée voit de plus en plus en rose un
Québec socialiste, le polémiste Éric Duhaime, ce Bleuet transplanté à Montréal,
perçoit plutôt l'avenir en noir. Dans son premier essai intitulé «L'État contre
les jeunes», il manifeste son inquiétude avec chiffres à l'appui.
Partisan péquiste avant de s'allier à Mario Dumont, de la
défunte ADQ, cet ancien conseiller de chefs politiques, devenu animateur
radiophonique et chroniqueur, constate que l'État québécois s'écroule sous les
dettes, le décrochage scolaire, l'obésité fiscale de son système de santé, son
régime public de retraite qui se vide et ses corporatismes bureaucratique et
syndical figés dans des privilèges ruineux.
Les bourgeois de l'État
Éric Duhaime est venu présenter son ouvrage à Chicoutimi, le
7 juin dernier, lors d'un souper-conférence organisé par Réseau Liberté-Québec,
un mouvement regroupant les nostalgiques de l'ADQ. Il avait alors reproché au
gouvernement Charest d'avoir adopté l'inapplicable loi 78 plutôt que d'utiliser
les lois existantes conçues justement pour neutraliser des débordements comme
ceux commis par les associations étudiantes.
Dans son pamphlet, il rend les baby-boomers -- la génération
du peace et love des années 1945 à 1960 -- responsables d'un endettement
excessif qui provoquera l'appauvrissement des futures générations. C'est avec
la carte de crédit d'un Québec en excellente santé financière qu'ils ont
entrepris la Révolution tranquille. Ils ont ainsi accru la taille de l'État
pour générer une multitude d'emplois «assortis d'une sécurité en béton et plus
de services publics».
Les travailleurs de demain n'auront pas les mêmes avantages.
Déjà le chômage chez les jeunes est excessif à travers le monde. Il oscille
autour de 21% avec une pointe record de 46,3% en Algérie. L'exploitation de nos
richesses naturelles le maintient à 12,4% au Québec et à seulement 8,1% dans
l'ensemble du pays.
Quant aux prestations de retraite, elles sont encore plus
généreuses chez nous. Mais le régime sera à bout de souffle rapidement si le
gouvernement n'y apporte pas les correctifs nécessaires. L'équation est
tragiquement simple: en 1968, sept travailleurs cotisaient pour assurer un
revenu décent à celui ou celle qui franchissait l'étape de la retraite.
Aujourd'hui, la dénatalité réduit les participants à trois pour un et en 2020,
il ne restera plus que deux cotisants pour un retraité.
L'exemple chilien
Après avoir analysé le problème et examiné le régime des
rentes de plusieurs pays, Éric Duhaime propose la privatisation du régime, sa
récupération par les travailleurs comme au Chili où le changement s'avère un
succès. Le modèle est maintenant appliqué dans une trentaine de pays dont le
Royaume-Uni, l'Australie et la Suède. L'auteur de l'essai politique ne croit
pas que le gouvernement du Québec aura le courage d'effectuer la réforme
nécessaire. Qu'il propose donc la solution chilienne.
Éric Duhaime fait le tour du jardin de l'État. Les partis
politiques, qui ont déjà commencé à croiser le fer même si la campagne
électorale n'est pas encore officiellement déclenchée, picoteront sans doute
quelques-unes de ses idées pour épicer leurs programmes. Mais avec prudence...
en évitant d'effrayer les électeurs. Quant au PLQ, ses candidats brandiront
sans doute la bonne note accordée récemment au gouvernement Charest par
l'Agence de crédit Moody's à ceux qui lui reprocheront l'augmentation de la
dette et les 9 milliards$ - soit l'équivalent du budget cumulatif de plusieurs
ministères - versés annuellement au paiement des intérêts.
«L'État contre les jeunes ou Comment les baby-boomers ont
détourné le système» alimentera les débats politiques qui diviseront le Québec
jusqu'au scrutin de septembre prochain. Si Éric Duhaime se montre très sévère à
l'endroit du gouvernement libéral, il l'est tout autant envers la gauche caviar
du Plateau Mont-Royal, «fief de Québec solidaire et de son unique élu Amir
Khadir». On pourrait y ajouter son membre honoraire, le professeur Léo-Paul
Lauzon.
Tous ces Robin des Bois demeurent tragiquement «à des
années-lumière de la réalité de la majorité des Québécois».
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