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Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

22 août, 2012

Santé : les obstacles à l’efficacité


Le livre de Jean Laliberté, Les fonctionnaires, explique merveilleusement bien les inefficacités inhérentes à la fonction publique. Ce n’est pas que les fonctionnaires soient paresseux ou incompétents comme le laissent entendre plusieurs. La fonction publique a la même proportion d’employés cancres que dans le reste de la population.

Le problème réside dans le fait que le cadre réglementaire impose aux fonctionnaires des contraintes nuisibles. De plus, les politiciens interviennent inopinément à des fins électoralistes ce qui n’aide en rien l’efficacité des fonctionnaires.

François-Pierre Gladu, président de l’Association des jeunes médecins du Québec, explique pourquoi il faudra changer la réglementation pour améliorer le système de santé québécois.
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François-Pierre Gladu
L'auteur est président de l'Association des jeunes médecins du Québec.
La Presse
Les campagnes électorales sont propices au lancement de promesses qui ne seront jamais tenues et celle qui s'amorce ne semble pas faire exception.

Combien de partis ont promis de régler les urgences depuis 20 ans? Combien ont juré qu'ils diminueraient l'attente pour les consultations à l'hôpital? Sans résultat. Combien ont dit qu'ils feraient le nécessaire pour universaliser l'accès à un médecin de famille? Voilà pourtant la condition sine qua non pour normaliser les attentes en aval, soit à l'urgence et dans les hôpitaux.

Les citoyens les ont pourtant élus, et souvent réélus, sans qu'ils aient même à se prononcer sur les moyens qu'ils prendraient pour corriger ces trois principales lacunes. Il est primordial de le savoir, tant pour évaluer la crédibilité des promesses que pour s'assurer de donner un consentement éclairé à un futur gouvernement.

Or, avant de proposer des remèdes au réseau, il faut connaître les causes de ses lacunes, donc en faire le diagnostic. Le réseau de la santé, qui est financé par le tiers de nos impôts, taxes et tarifs, souffre principalement d'hospitalocentrisme : malgré 15% plus de médecins par habitant que dans le reste du Canada, 30% de notre population n'a pas accès en temps voulu à un médecin de famille: on passe alors par les urgences, avec une surcharge minimale de 1,5 milliard $ annuellement pour le budget de la santé.
Les données probantes, tant à l'échelle nationale qu'internationale, nous indiquent que des soins de santé efficients ne peuvent exister sans une première ligne de services médicaux solide. Ici, elle ne reçoit que 3% du budget de la santé...

Comment réduire cet hospitalocentrisme? D'abord, il faut augmenter la proportion du temps de travail des médecins de famille en cabinet. Depuis 1992, la législation du Québec en ce qui a trait aux activités médicales prioritaires a eu pour effet de la réduire à 55% alors que les autres provinces sont toujours à 80%. Les médecins de 15 ans et moins de pratique sont à 30%, la balance représentant la proportion du temps passé à l'hôpital. Sans surprise, aucune autre juridiction n'a suivi le Québec.

Si, avec moins de médecins, les autres provinces sont en mesure d'organiser les services de santé plus efficacement, avec des médecins de famille principalement en cabinet afin d'éviter le recours des patients aux services hospitaliers, et en limitant à 10% la proportion de citoyens sans médecin de famille, comment peut-on accepter que le Québec ne puisse pas faire la même chose?

Pour ce faire, un amendement législatif pour l'abolition progressive des activités médicales prioritaires sur 18 mois est incontournable. Un parti qui promet à tous un médecin de famille sans promettre cet amendement induit les électeurs en erreur.

Le deuxième amendement législatif que nous proposons concerne l'impossibilité légale pour le médecin de famille d'embaucher et de coordonner du personnel tout en étant rémunéré par la RAMQ, ce qui limite indûment leur disponibilité pour le diagnostic et le traitement, qui sont le coeur de l'exercice de la médecine. Pourtant, les dentistes, les pharmaciens et les radiologistes le peuvent, tandis que les autres médecins spécialistes bénéficient des services du personnel dans les hôpitaux.

Pour être efficace, le médecin de famille doit être, comme ses collègues dentistes et pharmaciens, le chef d'orchestre et ultime responsable clinique et administratif d'une équipe d'employés techniques et professionnels qui le libèrent des tâches qui ne relèvent pas de son expertise médicale, mais qui lui grugent un temps fou. Des activités qui seraient plus efficacement assumées par ses employés : secrétaires, infirmières ou assistants médicaux.

Car, pour assurer une organisation du travail efficiente, toute organisation doit attribuer les actes, du plus simple au plus complexe, en fonction de l'expertise. Que le professionnel dont l'expertise est la plus pointue ne puisse l'utiliser pendant au moins le tiers de son temps en raison d'un manque de support clinico-administratif constitue une entorse grave au principe de la division efficiente du travail.

Ainsi, les partis doivent s'engager à réviser la Loi sur l'assurance maladie afin qu'elle permette aux médecins de famille de gérer leur cabinet aussi efficacement que les dentistes et les pharmaciens sont autorisés à le faire.

Tout parti politique qui promet aux gens la lune en santé sans dire comment il la décrochera manque de crédibilité et ne mérite pas l'appui des électeurs. Comme les dépenses en santé représentent le tiers de nos impôts, l'engagement électoral de faire voter ces deux amendements législatifs représente assurément un enjeu électoral majeur.

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