Dans le texte qui suit, Emmanuel Martin dénonce l’hypocrisie
des politiciens français. Le texte s’applique aussi aux politiciens québécois
et pourrait s’intituler « Québec : la grande hypocrisie de la
transparence ».
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Alors que la hausse du prix du pétrole combinée à une baisse
de l’Euro fait augmenter les prix à la pompe,
le Ministre français de l’Économie Pierre Moscovici a annoncé le 9 août la création d’une« mission d’analyse et d’inspection
sur la formation et la transparence des prix de la filière pétrolière ». Le Ministre a pu ajouter dans son entretien au quotidien Nice-Matin que « Les Français peuvent avoir confiance,
nous agirons dans leur intérêt avec comme préoccupation leur pouvoir d'achat ».
Quand on sait que les taxes constituent en gros les deux tiers du prix à la pompe
et, donc, si l’on compte bien, que le niveau de taxation sur le carburant tourne
autour de… 200% (!), les propos du ministre prennent un caractère assez comique
: l’État se fiche-t-il de nous ?
Du carburant aux indemnités parlementaires…
Avant de chercher à incriminer des acteurs de la filière, producteurs
de service, et qui au total ne récupèrent qu’un tiers du prix à la pompe, l’État
ferait bien de balayer devant sa porte. Si le Ministre voulait vraiment la transparence,
il commencerait sans doute par demander aux pompistes d’indiquer sur le ticket de
caisse la part « taxes » dans le prix du carburant. Voilà une grande avancée vers
la transparence :que le consommateur sache que sur chaque plein d’essence qui lui
coûte 60€, en gros 40€ sont des taxes. Avec cette information, le réflexe naturel
de l’automobiliste serait alors de se dire que pour protéger son pouvoir d’achat,
avant de discuter de blocage des prix, l’État ferait bien par commencer à baisser
les taxes sur le carburant, disons… à « seulement » 100%.
Mais on sait depuis Colbert que « l’art de la taxation c’est
de plumer l’oie sans qu’elle ne criaille ». Que la formule ait marché sous l’absolutisme
royal passe encore. Mais de nos jours, ce maintien délibéré des citoyens dans l’ignorance
est parfaitement anti-démocratique. La démocratie suppose la reddition des comptes.
Elle est une forme de contrat « impôts contre service public ». Si le contrat est
illisible, le contrôle citoyen ne peut se faire. C’est une dérive absolutiste qui
ne dit pas son nom. Et quand d’ailleurs, parallèlement, moins de 5% de nos députés
votent pour la transparence des indemnités parlementaires, on voit la « confiance
» que les français peuvent avoir dans leur représentants et leurs dirigeants...
Faut-il alors s’étonner de la désaffection générale pour le politique ?
… À la fiche de paie
Cette tactique de la non-transparence est aussi un grand classique
de la protection sociale monopolistique. Il est presqu’impossible aujourd’hui au
salarié ordinaire (c’est à dire qui n’est pas expert-comptable) de savoir, en lisant
sa fiche de paie, combien il ou elle coûte à son entreprise et quelle est la part
de la sécurité sociale dans le coût total de son travail. Pour un salaire moyen,
c’est en fait près de 100% du net : l’employé coûte donc en réalité à l’entreprise
près de deux fois son salaire net. Évidemment cacher ce coût permet d’empêcher les
salariés d’aller comparer avec des assurances privées ou des système d’épargne-retraite
alternatifs. Maintenir les gens dans l’ignorance garantit que le monopole de la
protection sociale ne soit pas remis en cause. Belle leçon d’anti-démocratie de
la part des gouvernements et des syndicats.
Les hommes politiques se plaisent à arborer le costume du chevalier
blanc qui vient soulager les souffrances de la plèbe. Sauf que s’ils nous tendent
une subvention d’une main, ils nous ont pris une taxe de l’autre. Dans le cas du
carburant, on nous parle de « bloquer les prix », mais, on l’a vu, quand 60% du
prix final est constitué de taxes, ce soi-disant blocage relève de la mauvaise blague.
Le prix exorbitant à la pompe est d’abord le résultat d’un choix délibéré des hommes
politiques.
Les missions de transparence visant à pointer du doigt les «
méchants producteurs » qui font des « vilains profits » permettent de rassurer l’électeur
et de le caresser dans le sens du poil (évidemment anti-capitaliste). Elles n’en
sont pas moins d’une profonde hypocrisie.
Emmanuel Martin – Le 9 août 2012.
Emmanuel Martin est économiste, analyste sur www.UnMondeLibre.org.
Emmanuel Martin est économiste, analyste sur www.UnMondeLibre.org.
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