Dans le texte ci-après, Claude Piché, dénonce le retour du protectionnisme américain. L’administration Obama a cédé aux pressions des syndicats et a imposé des tarifs douaniers à l’importation des pneus chinois.
C’est un geste parfaitement inutile dont les conséquences pourraient être dramatiques.
La réduction des barrières commerciales entre les pays a largement contribué à la croissance économique des dernières décennies. La petite politique du « retour d’ascenseur » risque de nuire à la reprise économique et d’annuler des années d’effort.
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La guerre des pneusClaude Piché, Cyberpresse, 15 septembre 2009
Celle-là, on s'en serait bien passé.
Voici que les deux grandes puissances économiques de la planète, la Chine et les États-Unis, viennent de déclencher une nouvelle guerre commerciale de première amplitude. Ce conflit, qui risque d'avoir des répercussions sur l'ensemble du commerce international, arrive au moment où la plupart des économies nationales, assommées par la récession que l'on sait, commencent de peine et de misère à reprendre fragilement leur souffle.
À l'origine de la crise : les pneus chinois exportés aux États-Unis. Il y en a pour 1,8 milliard de dollars par année. Le montant peut sembler énorme, même s'il ne représente à peine un demi de un pour cent de l'ensemble des exportations chinoises aux États-Unis.
N'empêche : les enjeux sont importants. Selon le syndicat des métallos (United Steel Workers of America), les importations de pneus chinois ont déjà détruit 5000 emplois aux États-Unis. À la demande du syndicat, le président Barack Obama a annoncé l'imposition, pendant les trois prochaines années, d'un tarif sur les importations de pneus chinois, et il n'y est pas allé avec le dos de la cuiller : 35 % la première année, 30 % la deuxième et 25 % la troisième. Certes, c'est moins que les 55 % réclamés par le syndicat, mais c'est suffisant pour saboter l'avantage concurrentiel des Chinois.
Ce n'est pas la première fois que les Américains font preuve de protectionnisme à l'égard de la Chine, et on peut comprendre pourquoi.
D'une part, le déficit commercial américain avec son partenaire chinois s'est gonflé de façon prodigieuse en un temps relativement court. Jusqu'au milieu des années 80, les échanges entre les deux pays étaient pratiquement équilibrés (insignifiant déficit américain de 6 millions en 1985).
En 1986, pour la première fois, la compétitivité des produits chinois bon marché fait sentir ses effets sur le marché américain. Cette année-là, la Chine vend pour 4,8 milliards de biens aux États-Unis, alors que les Américains n'en écoulent que pour 3,1 milliards en Chine, pour un déficit de 1,7 milliard. À partir de là, le déficit américain s'est détérioré à la vitesse de l'éclair.
Entre 1985 et aujourd'hui, les exportations chinoises aux États-Unis ont littéralement explosé de 8646 % (oui, oui, huit mille six cent pour cent), alors que les exportations américaines en Chine se contentaient d'une poussée plus modeste de 1708 %. Autrement dit, le commerce entre les deux pays s'est développé de façon fulgurante, mais les exportateurs américains n'ont jamais été capables de suivre le rythme de leurs concurrents chinois. Résultat : l'an dernier, les ventes américaines en Chine ont atteint 70 milliards, alors que les ventes chinoises aux États-Unis se situaient à 338 milliards, pour un déficit américain de 268 milliards. Les chiffres des six premiers mois de 2009 indiquent que les États-Unis se dirigent vers un autre déficit monstrueux cette année.
Un déficit commercial de 268 milliards, cela équivaut, pour les Américains, à dépenser 31 millions de l'heure, 24 heures par jour et 365 jours par année, pour créer de l'emploi et de la prospérité en Chine.
Dans ces conditions, on peut comprendre les Américains d'avoir le mauvais oeil sur les importations chinoises.
Il y a autre chose. La Chine n'est pas un partenaire de tout repos. L'explosion des exportations chinoises est due en bonne partie au fait que Pékin, pendant toutes ces années, a maintenu la valeur officielle de sa monnaie à un niveau plus bas que la réalité (le Japon a utilisé le même truc dans les années 50 et 60). L'artifice permet d'écouler les marchandises à l'étranger à des prix avantageux, qui ont peu de rapport avec la valeur réelle de la monnaie chinoise. L'irritation de Washington dans ce dossier est tout à fait légitime. Les États-Unis ont aussi déposé de nombreux griefs à l'endroit de la Chine, dans des secteurs aussi variés que le respect des normes environnementales ou la propriété intellectuelle.
Ce n'est pas pour rien que, dans la plupart des dossiers de concurrence déloyale soumis à l'arbitrage des instances internationales, les États-Unis l'emportent sur la Chine.
Jusqu'à présent, la Chine a toujours essayé d'éviter de jeter de l'huile sur le feu dans ces différends commerciaux avec les États-Unis. C'est facilement explicable : dans une guerre commerciale, c'est toujours le pays déficitaire qui a le gros bout du bâton ; autrement dit, les Chinois ont beaucoup plus à perdre sur le marché américain que les Américains sur le marché chinois. Or, on a vu à quel point le déséquilibre est important entre les deux pays.
Cette fois-ci, c'est différent. La Chine a réagi avec rapidité et brutalité : hauts cris de protestation, représailles immédiates sur les pièces d'auto et sur le poulet importés des États-Unis, plainte officielle à l'Organisation mondiale du commerce pour « violation des règles du commerce international «.
La crise est sans aucun doute une des plus sérieuses des dernières années à survenir entre les deux partenaires.
Tous les experts s'entendent : la timide reprise qui s'amorce dans le monde est largement tributaire du commerce international. Dans ces conditions, la guerre des pneus, et toutes les conséquences nuisibles qu'elle risque d'entraîner, ne pouvait pas tomber à un pire moment.
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