Pour la première fois depuis la création de ce blogue en 2005, il devient évident que beaucoup de Québécois en ont assez de se faire dépouiller par le gouvernement. Le sondage publié dans le Journal de Montréal le confirme : 65 % des Québécois s’opposent à toutes augmentations d’impôt, de taxes ou de tarifs. Le texte de Pierre Simard ci-après exprime mieux que quiconque ce ras-le-bol.
J’attribue ce changement à deux phénomènes qui se conjuguent pour renforcer l’opposition au « gouvernemaman ».
Le premier réside dans le fait que les travailleurs autonomes forment une portion plus importante des contribuables. Ces travailleurs sont entreprenants, débrouillards et savent mieux que quiconque qu’il n’y a pas de « free lunch ». Ils en ont « souper » de payer pour entretenir une machine gouvernementale obèse et inepte.
Le deuxième découle du fait qu’il n’est plus possible d’augmenter les impôts sur les salaires sans accentuer le mouvement migratoire négatif du Québec. Cette réalité oblige le gouvernement à déplacer le fardeau fiscal de l’impôt sur les revenus vers les taxes sur la consommation et les tarifs des services gouvernementaux. Du coup, les 40 % de travailleurs qui ne paient pas d’impôt réalisent qu’ils devront eux aussi contribuer à payer les services qu’ils consomment et qu’ils considéraient gratuits.
Maintenant que nous sommes acculés au mur, Jean Charest aura-t-il le courage de dégraisser l’État québécois comme il nous l’avait promis lors de la campagne électorale de 2003?
Malheureusement, j’en doute. L’histoire récente démontre que le courage politique n’est pas la marque de commerce de Jean Charest.
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Le ras-le-Bol
Pierre Simard, La Presse, vendredi 9 octobre 2009, Forum, p.A17; Le Soleil, jeudi le 8 octobre 2009, Point de vue, p.33
Le refus des québécois d’assumer une hausse des taxes et des tarifs (impôt) pour contrer un inévitable déficit budgétaire fait «baver» les inconditionnels de l’État bienveillant. Plusieurs d’entre eux sont en manque de qualificatifs pour condamner les Québécois qui refusent «l’appel à la raison» de nos gouvernements. Personnellement, en tant qu’analyste des choix publics, je salue cette clairvoyance des citoyens-contribuables. Je m’explique.
La plupart des commentateurs politiques partagent une vision angélique de l’État. Pour eux, nos gouvernements n’ont qu’une ambition, celle de préserver le bien commun. Cette conception naïve du rôle de l’État n’est pas nouvelle : elle domine les théories des finances publiques depuis deux siècles. On postule que nos gouvernements produisent des biens et services publics réclamés par le peuple et qu’en conséquence, personne ne doit rechigner devant la facture.
Le chroniqueur Alain Dubuc résume ainsi un récent sondage : On est contre le déficit. Contre les impôts. Pour les coupes, mais presque nulle part. Il conclut son texte en invitant le gouvernement à ignorer les réactions au premier degré des citoyens-contribuables qui ne réfléchissent qu’en fonction de leurs intérêts immédiats, et à prendre les décisions qui s’imposent.
N’en déplaise à plusieurs, le refus des citoyens d’assumer davantage d’impôt est un signe de grande sagesse aux yeux de l’analyste des choix publics. Aujourd’hui, certains économistes proposent une vision beaucoup plus contemporaine de la relation État-citoyen.
Ouste le politicien et le bureaucrate dépourvus d’intérêt personnel et uniquement motivés par le bien commun. Pour l’école des choix publics, il n’y a pas que le citoyen-contribuable qui poursuit son intérêt personnel, il y a aussi le politicien et le bureaucrate. À la différence du contribuable cependant, eux le font essentiellement via les finances publiques; c’est-à-dire nos «poches».
Dans leur célèbre ouvrage The Power to Tax, les économistes Geoffrey Brennan et James M. Buchanan (Nobel 1986) présentent nos gouvernements comme des institutions qui cherchent à maximiser leurs revenus. Affligé d’une boulimie d’équité et de justice sociale, ou pour le compte de ceux qui votent du bon bord, le but de l’État est essentiellement de prélever chez le contribuable le plus de revenus possible. Ainsi, les gouvernements maximisent leurs revenus et ajustent leurs dépenses en conséquence, c’est-à-dire en fonction de ce qu’ils peuvent nous soutirer en impôts de toutes sortes.
Ce que nos commentateurs de la chose publique devraient rappeler dans leurs savantes analyses, c’est qu’aujourd’hui le niveau des impôts représente environ la moitié (50%) de ce que la population produit et gagne; qu’adhérer à des hausses d’impôt, en feignant d’ignorer que les Québécois sont les plus taxés en Amérique du nord, équivaut à professer une foi aveugle dans la religion d’État.
Heureusement, les citoyens ne sont dupes. Personnellement, j’interprète les résultats des récents sondages comme l’expression d’un ras-le-bol des citoyens envers un État à l’appétit insatiable. Plutôt que de se moquer du citoyen-contribuable, je crois qu’on devrait souligner sa lucidité et retenir que dorénavant, lorsqu’il voudra le bien de ses citoyens, le gouvernement ne l’aura pas si facilement que ça!
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