Les gouvernements sont au-dessus des lois. La loi anti-monopole ne s’applique pas aux monopoles d’État, la Caisse ne respecte pas la loi qui encadre les régimes de pension privés, le ministère du Revenu vole impunément la propriété privée, etc.
Dans le texte qui suit, Pierre Lemieux explique pourquoi le régime fiscal est une forme de banditisme accepté par la population.
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L’art du pillage
par Pierre Lemieux
Le budget de jeudi augmente les dépenses fédérales de 9%. Le gouvernement prévoit que ses recettes et donc nos impôts reprendront leur tendance haussière l’année suivante (l’exercice 2010-2011). J'ai pensé à Mancur Olson et à Lysander Spooner.
Mancur Olson (1932-1998), qui était un brillant économiste de l’Université du Maryland, a développé une théorie astucieuse mais inquiétante qui explique pourquoi les individus préfèrent l’État à l’anarchie. Dans une situation d’anarchie, explique-t-il, des « bandits nomades » pillent tout ce qui a été produit et, souvent, tuent les producteurs en même temps. Ceux qui survivent se retranchent dans une production de subsistance. Il ne reste donc plus grand-chose à voler, mais le pillard individuel n’y peut rien. S’il ne vole pas maintenant tout ce qu’il y a à piller, il ne trouvera rien quand il repassera : un autre bandit nomade se sera servi entre-temps.
Le bandit qui écrase tous les autres et établit un monopole du vol devient donc un sauveur. Ce nouveau « bandit sédentaire », qui s’appelle l’État, est plus efficace dans l’exploitation de ses sujets. Il leur vole tout ce qu’il peut mais en maintenant leur capacité productive et leurs incitations afin que le fisc puisse repasser l’an prochain. Le bandit sédentaire est heureux parce que son butin croît avec la paix et la prospérité relative de ses sujets. Ses victimes sont contentes de pouvoir conserver au moins une partie de leur production. La théorie olsonienne continue en expliquant pourquoi un État démocratique en laissera davantage à la population.
Lysander Spooner (1808-1887) était un anarchiste individualiste du Massachusetts. Contrairement à Olson, il ne croyait pas que l’État démocratique soit préférable à des bandits nomades. L’État, soutenait-il, est « une bande de voleurs, tyrans et assassins » et l’État démocratique fondé sur le scrutin secret, « une bande secrète de voleurs et d’assassins ». (La version française traduit « band » par « association », pour faire référence bien sûr aux lois criminalisant l’association de malfaiteurs.)
Si Spooner n’avait pas les raffinements intellectuels d’Olson, les arguments de son livre de 1870, The Constitution of No Authority (Outrage à chefs d’État pour la version française de 1991), n’ont pas perdu leur charme ; le temps, au contraire, semble leur avoir donné de la pertinence. Spooner écrivait : « Le fait est que le gouvernement, comme un bandit de grand chemin, dit à un individu : "La bourse ou la vie." Quantité de taxes, ou même la plupart, sont payées sous la contrainte d'une telle menace. »
« Le gouvernement, il est vrai, ajoutait le philosophe de Boston, n’arrête pas l’homme dans un endroit solitaire, ne lui saute pas dessus depuis le bord du chemin, et n’entreprend pas, sous la menace d’un pistolet, de lui vider les poches. Mais le vol n'en est pas moins du vol, et un vol bien plus lâche et honteux. »
« Le bandit de grand chemin [...] ne prétend pas avoir le moindre droit à votre argent, il ne soutient pas qu’il l'utilisera dans votre intérêt. Il ne prétend pas être quoi que ce soit d’autre qu’un voleur. [...] En outre, après avoir pris votre argent, il vous laisse là, comme vous le souhaitez. Il ne persiste pas à vous suivre le long de la route contre votre volonté, supposant qu'il est votre "souverain" légitime [...] en vous enjoignant de faire ceci, et en vous interdisant de faire cela [...] Il est — ce brigand de grand chemin — trop gentilhomme pour perpétrer des impostures, insultes et vilenies telles que celles-là. Bref, lorsqu’il vous vole, il n’entreprend pas en outre de faire de vous sa dupe ou son esclave. »
De nos jours, il nous donne aussi du « stimulus ». L’État emprunte de l’argent, à faire rembourser plus tard par les contribuables, et le remet aux mêmes contribuables, mendiants reconnaissants. En vérité, il donne l’argent à un groupe de contribuables légèrement différent, c’est-à-dire à ceux dont il a besoin de l’appui. Comprenons bien que les manipulations monétaires qu’il a effectuées et la chape de plomb réglementaire qu’il a posée sur l’économie (dans le cas qui nous occupe, le « il » représente encore mieux le vis-à-vis américain) ont créé la crise même dont il prétend nous sauver. Et cette crise lui offre une nouvelle occasion d’intensifier ses contrôles — par exemple, avec un nouveau réglementeur des valeurs mobilières à l’américaine.
Il y a plusieurs décennies, les Canadiens étaient gouvernés par un bandit sédentaire plutôt bonasse. Les politiciens et les bureaucrates se rémunéraient bien, achetaient les appuis nécessaires pour garder les mains dans le Trésor public et, à l’instar du bandit de grand chemin, nous laissaient la paix après la déclaration d’impôt. SVP, Patrimoine canadien, rendez-nous nos bons vieux kleptocrates ordinaires !
(31 janvier 2009)
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