Par Régis Yancovici.
Dans la façon d’appréhender les marchés de nombreux observateurs, journalistes ou analystes quelque chose ne tourne pas rond. Sans qu’il le sache eux-mêmes, il coule dans leur veine la théorie des marchés efficients. En synthèse, elle nous dit que chaque information publique est instantanément intégrée par les marchés.
Cela permet à chacun d’expliquer les mouvements boursiers quotidiens avec les informations quotidiennes. Les effets sont multiples et pervers. Par exemple, cela signifie implicitement que l’information du jour est plus importante que celle de la veille.
La complexité des marchés
La réalité est bien entendu différente. Les marchés sont un mécanisme complexe et puissant d’adaptation à un environnement changeant. Ce mécanisme peut être lent mais aussi violent. Ces effets peuvent être déclenchés par un facteur secondaire.
La fameuse goutte d’eau… On pourrait le comparer au corps humain. Par exemple, une carie n’apparait pas dès que vous mangez une quantité donnée de sucre ou après une durée précise. On peut toujours dire à un enfant, d’arrêter de manger des bonbons sinon il aura des caries. Mais impossible de le conduire chez le dentiste la veille de leur apparition. Il faut attendre qu’il ait mal.
Dans le cas des marchés financiers, c’est donc un peu la même chose. À la différence que j’ai le sentiment que la carie est pour très bientôt. Il me semble clair que le scenario d’une baisse significative des marchés d’actions s’est déjà mise en place. Les raisons tiennent à la réaction de la Fed face à une inflation tenace. On le sait, cette inflation provient des effets secondaires du covid et des tensions géopolitiques. Nous avons d’une part, la réaction naturelle des salariés qui ne sont pas tous retournés dans leur entreprise, des entreprises qui ne sont pas en mesure de répondre à la demande, et des États qui ont tout fait pour maintenir, voire gonfler artificiellement cette demande.
L’inflation et la banque centrale américaine
De l’autre, la guerre en Ukraine a exacerbé les problématiques sur l’énergie, qui étaient déjà tendues du fait de la transition verte, et sur certaines matières premières agricoles. Dans ce contexte, la Fed a totalement changé son fusil d’épaule et considère désormais que son action doit être totalement tournée vers le contrôle d’un dérapage inflationniste durable et ne se soucie guère du risque de ralentissement économique.
Il serait même tentant de penser que seul un ralentissement économique permettrait de ralentir l’inflation. La Fed cherche à nous vendre l’idée d’un atterrissage en douceur. 1988, 1994, 2001, 2008, 2018, son track record ne plaide pas en sa faveur. La stagflation actuelle risque de se muer en récession au second semestre. L’analyse de la courbe des taux, des indicateurs économiques avancés, des performances relatives sectorielles ou l’analyse chartiste tendent à soutenir cette thèse.
Il est clair que les marchés ne partagent pas cette analyse pour le moment… à moins qu’ils ne soient en train de l’intégrer pour ne montrer ses effets que dans quelques semaines ou mois.
Les moments où l’on peut exploiter le mouvement des marchés le plus efficacement est lorsque les hypothèses implicites qu’il sous-tend divergent de vos propres hypothèses. C’est notre cas actuellement. Car si nous nous dirigeons vers une récession, alors le niveau d’équilibre des marchés est sans doute 30 % plus bas que les niveaux actuels et les taux obligataires à 10 ans américains plus près des 2,0 % que des 2,70 % comme aujourd’hui.
Comment faire pour se protéger ? Prenez vos bénéfices sur les actions, conservez quelques liquidités, achetez de l’or et soyez contrariant sur les obligations.
Et n’oubliez pas, c’est quand il fait beau qu’il faut réparer sa toiture. Profitez-en, il y a encore quelques éclaircies.
Nous n’avons pas de convictions sur tout mais nous travaillons pour avoir surtout des convictions comme celle que je partage avec vous. Néanmoins, il est essentiel de posséder des garde-fous et de se remettre en question en fonction d’une grille de lecture préétablie.
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