Une transition énergétique durable et soutenable doit s’appuyer sur trois piliers en parfaite bijection avec ceux du développement durable : le climat, la sécurité énergétique et la compétitivité des entreprises.
La convergence gauche-droite sur le localisme
Par construction, le climato-gauchisme hypertrophie le pilier climat aux dépens de la compétitivité et de la sécurité énergétique. Son principal dessein est de mettre à bas la société de croissance et son « démon capitaliste » pour prôner un retour vers des « sociétés vernaculaires frugales mais conviviales, solidaires et égalitaires ». Elles s’articulent autour de communautés autosuffisantes de taille réduite dans lesquelles les besoins matériels sont limités et les ressources produites localement.
À l’inverse, le nationalisme identitaire hypertrophie les piliers compétitivité et sécurité énergétique aux dépens du climat. Cette position est clairement revendiquée par Donald Trump. Dès son accession à la présidence des États-Unis en 2017 il déclarait que « les accords de Paris n’étaient pas favorables aux entreprises américaines, aux travailleurs américains et aux contribuables américains ».
Le nationalisme identitaire s’est inventé un modèle écologique spécifique : le « localisme ». Promu dès la fin des années 1960 par le philosophe Alain de Benoist, il privilégie le local (démocratie participative, économie de proximité, emploi local) afin de minimiser l’empreinte écologique liée au transport des biens et des personnes. Il a été introduit au Rassemblement national par l’essayiste Hervé Juvin.
Appliqué de façon adéquate et ciblée, ce principe peut être tout à fait pertinent : quoi de plus stupide que de consommer des cerises du Chili ou des haricots verts du Cameroun en plein mois de janvier, d’exporter du bois français en Chine pour y fabriquer des meubles à destination… de la France.
Malheureusement, comme le réchauffement climatique pour les climato-gauchistes, le localisme a été instrumentalisé par les nationalistes identitaires comme un levier puissant justifiant, via un argument environnemental, la nécessité d’un nationalisme politique et économique. Derrière le localisme, les nationalistes identitaires encouragent une opposition frontale avec la globalisation de l’économie source d’émissions de CO2 via le transport mondialisé. Le localisme leur permet de fusionner écologie et nationalisme dans un triptyque « nature, identité et société » dont l’intégrité ne peut être garantie que par la souveraineté nationale.
Dans ses fondements, le localisme s’accommode parfaitement des idées décroissantistes des climato- gauchistes. De Benoit fût ainsi l’auteur en 2007 d’un ouvrage Demain la décroissance tandis qu’une recherche sur le localisme vous conduira inévitablement vers Serge Latouche l’une des principales figures du décroissantisme.
Rien de très surprenant dans la mesure où climato-gauchistes et nationalistes identitaires se retrouvent (pour des raisons différentes) sur leur détestation de la mondialisation et du libéralisme économique.
Hervé Juvin déclarait lors d’un discours enflammé précédant les européennes de 2018 :
« Le monde de l’ultralibéralisme, c’est une poignée de milliardaires qui ont réduit tous leurs voisins au chômage et qui ont détruit leurs territoires autour d’eux ».
Cette phrase n’aurait pas été renié par Julien Bayou, Sandrine Rousseau, Jean-Luc Mélenchon, Éric Piolle ou Clémentine Autain.
Certaines divergences persistent
La convergence sur le localisme entre climato-gauchistes et nationalistes identitaires ne signifie pas pour autant qu’ils partagent une même vision d’avenir.
Ainsi, en termes de mix énergétique leurs programmes sont opposés. Les nationalistes identitaires restent très réactionnaires, balayant d’un revers de la main l’éolien, les voitures électriques et les biocarburants. Ils sont en revanche pro-nucléaires considérant l’atome comme un contributeur essentiel à l’indépendance énergétique française.
Sans rejeter un « localisme d’opportunité » encourageant quand cela est possible une production locale, régionale ou nationale, sa généralisation ne peut en revanche satisfaire les besoins de progrès d’une société développée. Ainsi durant la pandémie l’ancien ministre François de Rugy se montrait tout aussi critique vis-à-vis du localisme que du climato-gauchisme en déclarant « comment aurions-nous pu avancer aussi vite dans la recherche d’un vaccin sans une coopération mondiale ? ».
Mondialiste avant l’heure, David Ricardo (1772–1823) expliqua les effets pervers du protectionnisme économique et développera dans sa « théorie de l’avantage compétitif » l’idée qu’un pays a intérêt à se spécialiser dans la production pour laquelle il a le plus de talent et possède l’avantage le plus élevé. Ainsi l’économiste britannique démontra l’avantage compétitif de l’Angleterre dans la production de drap et celui du Portugal dans la production vinicole. En choisissant astucieusement une combinaison d’activités, le libre-échange devient ainsi profitable à tous les pays, y compris aux moins productifs. Le salut se trouve donc dans un juste équilibre entre production locale, régionale, nationale et mondiale.
Un sujet de fond qui devrait animer le débat du second tour de la présidentielle entre une Marine Le Pen « localiste » et un Emmanuel Macron « mondialiste ».
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