Depuis plus de vingt ans les gouvernements et les ministres de la santé qui se succèdent à Québec nous promettent un système de santé public, universel et efficace. Il est évident qu’ils font des promesses tout en sachant qu’elles sont irréalisables et le système continu à se détériorer. Dans son texte, Marcel Boyer explique comment on pourrait améliorer l’efficacité du système de santé tout en conservant son caractère universel. Malheureusement, la loi canadienne sur la santé impose des contraintes artificielles et inutiles. Elles nuisent à la mise en place de solutions originales adaptées aux besoins de chaque province.
Cette loi date de 1984. Après plus de 24 ans il est urgent qu’elle soit modifiée pour tenir compte de la réalité de 2008.
Le contexte social, la démographie, les technologies et les connaissances médicales de 2008 n’ont rien à voir avec la situation qui prévalait en 1984. Ce qui était une loi avant-gardiste est devenu un boulet qui immobilise le système de santé et l’empêche d’évoluer.
En promulguant la loi canadienne sur la santé, le gouvernement confirmait son engagement au principe de l’assurance-santé universelle. Dans un document de Santé nationale et Bien-être social Canada paru en 1983, on indiquait à cet effet :
Le Gouvernement du Canada croit qu’un pays civilisé et riche comme le nôtre ne doit pas laisser les malades porter le fardeau financier des soins de santé. En bénéficiant d’une assurance payée à l’avance, nous pouvons tous profiter de la sécurité et de la sérénité. La maladie qui nous atteint tous un jour ou l’autre est déjà suffisamment pénible à supporter : le coût des soins doit être pris en charge par la société tout entière. Voilà pourquoi le Gouvernement du Canada désire réaffirmer, dans la nouvelle Loi sur la santé au Canada, son engagement au principe essentiel de l’assurance-santé universelle. (p. 7)
Alors que la loi visait à assurer la sécurité et la sérénité des patients, aujourd’hui, en empêchant les systèmes de santé d’évoluer, elle produit les effets contraires. Les longues listes d’attente, les maladies nosocomiales, les locaux et équipements vétustes sont tous des facteurs qui contribuent à l’insécurité et la détresse des patients.
On ne peut plus prétendre à l’universalité du système. À moins d’être à l’article de la mort, de plus en plus de gens doivent payer de leur poche les services dont ils ont besoin. Peut-on vraiment attendre un an pour recouvrer l’usage d’un genoux? Quels parents sont prêts à attendre 2 ans pour offrir à leur enfant des services spécialisés en apprentissage? Etc. De plus, plusieurs services et médicaments sont exclus des régimes publics dans le but d’enrayer l’augmentation incontrôlée des coûts.
Ce problème affecte dans l’immédiat la vie de milliers de gens. Pourtant, aucun des partis aspirant au pouvoir à Ottawa s’est engagé à actualiser cette loi. Ils sont beaucoup trop occupés à divertir la population.
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Pour un système de santé public et accessible, faisons place au privé!
Le Devoir, p. A-7 / Marcel Boyer, 21 août 2008
Plusieurs personnalités du domaine de la santé ont affirmé leur volonté de défendre le régime public afin d'assurer la qualité et l'universalité des soins.
Dans leur Déclaration de Montréal, ces médecins contribuent à semer la confusion entourant la présence du privé en santé. Ils associent système de santé public et prestation des soins par des organismes gouvernementaux. Or la qualité d'un système de santé public n'exige aucunement que la prestation des soins elle-même soit assurée par un monopole bureaucratique gouvernemental. La seule façon pour les citoyens et les patients de se convaincre que le système est efficace, c'est de mettre en concurrence tous les fournisseurs de soins de santé. C'est ce qu'on pratique dans presque tous les domaines de notre vie privée et publique. Pourquoi pas en santé?
Notre système de santé souffre de la puissance de groupes d'intérêts politiques, professionnels et syndicaux, qui défendent une organisation du travail inefficace et une absence d'obligation de rendre des comptes.
Il devrait revenir au secteur gouvernemental de définir la couverture, en quantité et en qualité, du régime de santé public et d'en assurer l'accessibilité. Mais il devrait revenir au secteur privé, composé d'une multitude d'organismes en concurrence, d'entreprises d'économie sociale, de coopératives et de sociétés privées, à but lucratif ou non, d'offrir ces services, en vertu de contrats octroyés par les autorités gouvernementales.
Tant mieux si les organisations incompétentes ou inefficaces qui empoisonnent et emprisonnent notre système de santé public devaient, lorsque mises en concurrence, disparaître et laisser la place à des organisations plus compétentes et plus efficaces.
Pour se convaincre de l'intérêt d'ouvrir notre système de santé aux entreprises privées, considérons le cas de la France. Loin d'être à l'abri de toute critique, le système français obtient tout de même de meilleurs résultats que le nôtre sur plusieurs plans, y compris en ce qui a trait aux files d'attente et au taux de décès évitables dus à des soins de santé déficients. Or la France fait une grande place aux prestataires privés, souvent à but lucratif.
En 2005, on dénombrait en France 1052 établissements de santé privés à but lucratif, soit 37% du total, représentant 21% des lits. Ces établissements privés à but lucratif réalisent 50% des chirurgies de l'appareil digestif, 40% des chirurgies cardiaques, 75% des opérations de la cataracte et 30% des accouchements. Fournisseurs publics et privés sont pleinement intégrés au régime public d'assurance maladie, qui couvre les dépenses aux mêmes conditions, que ces dépenses aient été engagées dans un établissement privé ou public. La moitié des citoyens à faible revenu choisissent librement d'être soignés dans le privé!
La concurrence amène les établissements à innover pour améliorer la qualité de leurs services et limiter leurs coûts. Il n'est pas surprenant de constater que les Français montrent un des taux de satisfaction les plus élevés au monde à l'égard de leur système de santé.
Marcel Boyer est vice-président et économiste en chef de l'Institut économique de Montréal.
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