Par Yves Bourdillon.
Elle est revenue. Avec une vengeance.
L’inflation est remontée à des niveaux inconnus depuis quarante ans un peu partout dans le monde. À plus de 9 % en rythme annuel en juin au Royaume-Uni et aux États-Unis, presque 8 % en Allemagne. En France, elle ne dépasse pas encore 6 %, au plus haut depuis quand même trente-sept ans, mais sa dynamique peut la porter vers 10 % d’ici la fin de l’année.
Inflation : le rôle marginal de la guerre en Ukraine
Quelles sont les causes, et donc sans doute les responsabilités de cette vague mondiale amorcée début 2021 mais amplifiée depuis quelques mois ? Une accélération récente qui pointerait l’effet de la guerre en Ukraine. Explication martelée par les relais d’influence du Kremlin fustigeant les sanctions occidentales contre Moscou, mais un peu courte. Si la fermeture des ports ukrainiens a contribué à une flambée record des prix du blé, une pénurie de tournesol, ou des tensions sur les engrais, cela n’a pas eu d’effets sur les marchés des autres produits, où Kiev pèse peu.
La décision européenne de boycotter à terme les hydrocarbures russes a, certes, attisé la tension sur leurs prix, mais il faut noter que celui du gaz russe avait déjà été multiplié par trois (!) six mois avant l’invasion. Quant au baril de pétrole, malgré des pics à 130 dollars, son prix moyen sur la période février-juin est supérieure d’à peine 15 % aux 91 dollars de janvier. Le monde a connu déjà de nombreux épisodes de flambée équivalente, avec notamment le record de 145 dollars le baril de juillet 2008 sans que cela ne provoque d’inflation généralisée (1 %, cette année-là).
La catastrophe du lockdown
Beaucoup plus convaincante est l’explication selon laquelle cette vague d’inflation est née des confinements pour cause de covid. Ces derniers ont paralysé bien des usines et perturbé les chaînes d’approvisionnement depuis deux ans partout dans le monde.
Vous ne pouvez pas mettre sous cloche pendant des mois une grande partie de l’humanité (juste un exemple : le chômage a augmenté en 2020 dans TOUS les pays du monde sauf au Suriname…) sans créer des goulots d’étranglement spectaculaires sur la production et la distribution de nombreux biens et services, avec effets de réactions en chaine. Surtout dans une mondialisation où on travaille en flux tendu, procédés juste à temps et zéro stock… Des semi-conducteurs aux emballages, en passant par automobiles, bois, aluminium, acier, fret maritime, le catalogue des pénuries et courses frénétiques à l’approvisionnement est spectaculaire.
En outre, la levée des mesures covid s’est accompagnée d’un vif regain de la demande, logique après 18 mois à vivre sous restrictions. Que les industriels ne pouvaient se permettre de ne pas satisfaire… quitte à payer le prix fort les produits semi finis et matières premières dont ils avaient besoin. Prix fort répercuté, évidemment sur ceux au détail. Selon les analystes, tous ces effets mettront des mois, et peut-être jusqu’à deux ans à être résorbés.
Les confinements ont aussi, via par exemple le dédommagement du chômage technique et l’effondrement des recettes de TVA, fait exploser les déficits publics, source d’inflation bien connue depuis l’Allemagne de Weimar en 1922. Le « quoiqu’il en coûte » a ainsi fait monter la dette publique française de 16 % du PIB, « performance » sans équivalent par temps de paix.
Inflation : quand les banques centrales jouent aux apprentis sorciers
Deuxième facteur, longtemps invisible.
Pour éviter une récession après la crise de 2008, les banques centrales, notamment occidentales, se sont livrées à une création monétaire massive sous le vocable de quantitative easing, « politique non conventionnelle », etc. La planète est depuis lors inondée d’argent et de crédits à taux très bas, voire nuls, au demeurant une spectaculaire spoliation des épargnants.
Par exemple, le bilan de la Fed a été multiplié par… dix depuis 2007 et par deux depuis 2019. Autrement dit, la banque centrale américaine a créé dix fois plus d’argent au cours des quinze dernières années que durant toute son existence, débutée en 1913. La Banque centrale européenne n’a pas été en reste. Une masse de liquidités devant forcément se placer quelque part et donc susceptible de faire flamber les prix au moindre goulot d’étranglement.
L’inflation nous présente donc aujourd’hui la facture (puisqu’une hausse des prix de 10 % est tout simplement l’amputation d’un dixième du pouvoir d’achat de ceux des ménages, essentiellement salariés, qui sont dans l’impossibilité d’augmenter leur propre tarif) du confinement et des divagations des banques centrales. Deux politiques peu discutées, dans l’ensemble, mais aux résultats même pas si probants que cela. L’extravagance monétaire a, certes, financé 14 ans de création de biens et services, d’embauche et d’investissements, mais a aussi provoqué des bulles immobilières, pas de chance pour les primo-accédents, et boursières qui se promènent désormais au-dessus d’un champ de cactus.
Quant au lockdown, pas de chance, sur les quarante pays au monde affichant la plus forte létalité covid en proportion de leur population, 38 l’ont appliqué…
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