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Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

07 juin, 2022

Que reproche-t-on à la croissance économique ?

 Par Nathalie MP Meyer.

À partir du moment où l’on admet qu’il existe des « limites à la croissance » comme l’a théorisé le rapport Meadows publié par le Club de Rome en 1972, ou lorsqu’on pense comme Jean-Marc Jancovici que « la planète n’acceptera pas d’avoir 10 milliards d’habitants », dans le droit fil des prédictions apocalyptiques sur l’impossibilité d’obtenir une production alimentaire en phase avec la croissance démographique formulées aux alentours de 1800 par l’économiste britannique Thomas Malthus, on en vient assez rapidement à vouloir imposer un mode de vie fondé sur la décroissance.

Cette idée a fait son chemin dans des milieux extrêmement variés – de la droite localiste ou survivaliste portée par l’idée identitaire du retour à la terre ancestrale « qui ne ment pas » à la gauche anticapitaliste façon zadistes ou arracheurs de plants OGM expérimentaux à la José Bové, sans oublier le pape François qui prônait la décroissance pour les pays développés dans son encyclique Laudato Sí de juin 2015. Et qui a trouvé une sorte de respectabilité politique lors de la primaire écologiste pour la présidentielle française de 2022 puisque la décroissance était au menu des candidates Batho et Rousseau.

 

Qu’est-il donc reproché à la croissance économique ?

De promouvoir un mode de vie strictement consumériste fondé sur des énergies fossiles massivement polluantes qui débouche mathématiquement sur l’épuisement des ressources de la planète, sur la destruction de la nature et sur le réchauffement climatique, avec tous les drames humains (intensification cyclonique, sécheresse, montée des océans, maladies, déplacements de populations, pauvreté et inégalités) que cela implique.

Les théoriciens de l’écologie ont donc créé un nouveau concept pour rendre compte de la dégradation de notre environnement : « l’anthropocène », autrement dit une nouvelle ère géologique dans laquelle la Terre serait entrée en raison de l’impact global significatif des activités humaines sur l’écosystème. Mais attention, notion trop vague, estiment les plus radicaux d’entre eux. Ce n’est pas l’espèce humaine dans son ensemble qui est responsable du désastre écologique et climatique, mais le capitalisme et lui seul. Il faudrait plutôt parler du capitalocène, c’est-à-dire l’ère « du système capitaliste triomphant, incapable de contenir sa course effrénée au profit. »

Voilà, l’horrible mot est lâché : profit. La croissance vue par les anticapitalistes ne serait que recherche du profit menée par une minorité de capitalistes tout-puissants et sans scrupules qui se moquent copieusement du mal-être environnemental et des inégalités sociales croissantes générés par leurs activités prédatrices.

Ce message semble avoir rencontré un excellent accueil dans nos sociétés occidentales. Dans un sondage Odoxa de décembre 2019 effectué à la demande de la commission Innovation du Medef et portant sur le regard des Français et des Européens sur le progrès, 67 % des Français se déclaraient favorables au concept de décroissance, lequel avait été présenté par le sondeur de la façon suivante :

Selon certains, la croissance économique et l’augmentation des richesses apportent plus de nuisances que de bienfaits à l’humanité. Selon eux, il faudrait donc réduire la production de biens et de services pour préserver l’environnement et le bien-être de l’humanité.

Alors face à tant de procureurs intransigeants, permettez-moi de me faire ici l’avocate de la croissance.

 

Les bienfaits de la croissance

Beaucoup de non-dits dans la diatribe anti-croissance, beaucoup de faux-dits également, mais surtout, une totale incompréhension de ce qu’elle représente pour le développement humain.

Premier point, les projections dramatiques du Club de Rome qui voyaient le système économique mondial s’effondrer en 2030, peut-être même en 2020, selon une mise à jour réalisée en 2012, ne se sont nullement réalisées. Ce n’est pas la première fois que les projectionnistes à moyen et long terme ont tout faux et peut-être en ce domaine faudrait-il faire acte de modestie, plutôt que de fonder des politiques publiques sur de pures spéculations à 50 ou 100 ans.

Second point, on constate, assez curieusement compte tenu des discours ci-dessus, que le pouvoir d’achat et l’espérance de vie ont considérablement augmenté depuis 1750, c’est-à-dire depuis le début de l’épouvantable période capitalistique industrielle. Mais bien sûr, cela n’est jamais dit.

Voir par exemple l’animation 1800-2021 réalisée pour 200 pays par Hans Rosling, l’auteur du livre Factfulness dont j’ai déjà eu l’occasion de parler. En abscisses, le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat déflaté ; et en ordonnées, l’espérance de vie. Chaque bulle représente un pays, sa taille varie proportionnellement à sa population et la couleur indique son continent – les Amériques en vert, l’Afrique en bleu, l’Europe en jaune et l’Asie et l’Australie en rouge :

Je l’ai déjà signalé dans de précédents articles, mais il n’est pas inutile de le redire également : entre 1990 et 2015, le pourcentage de la population mondiale vivant sous le seuil international d’extrême pauvreté est passé de 37 % à 9,6 % tandis que la population augmentait de 2 milliards d’habitants. Des millions et des millions de personnes sont sorties de la faim et de la pauvreté au cours de cette période.

Tout ceci signifie très clairement que la maîtrise de l’énergie est un élément essentiel du développement et que l’économie libérale (qui a besoin de capitaux pour fonctionner) et la mondialisation ont joué un rôle déterminant dans l’amélioration des conditions de vie des humains depuis la machine à vapeur jusqu’à nos jours.

Voilà pour les non-dits. Du côté des faux-dits, ou tout au moins du côté des trop-vite-dits au point d’en devenir inexacts, il est beaucoup trop simpliste de considérer l’épuisement des ressources sous le seul angle des quantités. À l’évidence, la planète représente un volume fini qui comprend des quantités finies de pétrole, de sable, de gaz, de minerai, etc. Mais d’une part, on est très loin d’avoir épuisé ces ressources, et d’autre part, ce qui compte réellement, c’est la liberté humaine d’expérimenter et d’imaginer de nouvelles utilisations, de nouvelles combinaisons des ressources dont nous disposons. Et là, les perspectives sont immenses.

J’aimerais citer un exemple très concret dont j’ai pris connaissance récemment en discutant avec un fabricant de matières plastiques.

Les sacs en plastique utilisés communément par les commerçants avaient la capacité formidable de pouvoir porter cinq kilos de marchandise tout en pesant eux-mêmes moins de deux grammes. Cette résistance exceptionnelle venait du fait qu’ils étaient composés de plusieurs couches superposées de plastiques différents. Mais c’était aussi cela qui les rendaient non-recyclables et très longs à se décomposer après usage. Ils ont donc été interdits et remplacés le plus souvent par des sacs en papier.

Il s’avère cependant que ces derniers posent leurs propres problèmes écologiques et que leur recyclage n’est pas infini, loin de là. En fait, les fibres de bois deviennent de plus en plus courtes et le papier en est fortement fragilisé. Fâcheux, pour un sac qui doit être capable de porter une certaine masse. Aussi, les grands groupes pétroliers sont en train de travailler sur des sacs plastiques qui seraient composés d’un seul produit, d’une seule molécule, ce qui faciliterait leur recyclage, tout en garantissant les mêmes capacités d’emport que les sacs interdits.

 

Mais finalement, qu’est-ce que la croissance ?

C’est la hausse en volume de la production de richesse annuelle d’un pays.

Cette dernière est appréhendée à travers le PIB, agrégat de comptabilité nationale qui n’est pas sans certaines faiblesses. Par exemple, il ne prend pas en compte le travail effectué à la maison pour soi-même et il tend à mal évaluer la contribution des services publics (hors marché par définition). On lui reproche également d’être strictement monétaire sans intégrer les notions de bonheur et de bien-être. Le PIB reste néanmoins la grandeur privilégiée car il est précis, peu soupçonnable de subjectivité et utile pour faire des comparaisons internationales.

Fondamentalement, la recherche de croissance entre le PIB de l’année n et celui de l’année n+1, loin d’être une ode au profit de quelques-uns, n’a pas d’autres objectifs que de couvrir autant que possible les besoins supplémentaires générés par la croissance de la population mondiale et de contribuer à augmenter les revenus des populations existantes, notamment celles qui vivent encore sous le seuil de pauvreté comme c’est principalement le cas en Afrique. Lorsque la population mondiale se stabilisera voire se mettra à décroître sous l’effet de la baisse de la fécondité qui suit de près la hausse du niveau de vie, la croissance restera nécessaire pour améliorer les conditions d’existence des moins favorisés.

Ne me dites pas que l’on pourrait se satisfaire d’un monde peuplé de centaines de millions de personnes vivant durablement dans des conditions d’extrême pauvreté ou dans les tranches inférieures des classes moyennes. La bonne nouvelle, c’est que l’inventivité et la créativité humaine permettront d’obtenir la croissance nécessaire pour hausser le niveau de vie global (incluant accès aux soins, à l’éducation, à la culture) tout en respectant de mieux en mieux l’environnement.

À l’inverse, les expériences économiques collectivistes, genre nationalisation de ceci ou cela, fixation autoritaire des prix, des pensions et des salaires, répartition politique et sociale des biens autorisés et clientélisme électoral pour se maintenir au pouvoir, ne marchent jamais et ne marcheront pas plus dans une perspective de pureté écologique décroissante idéalisée, doublée d’une limitation imposée des naissances. Pauvreté généralisée et privation de liberté assurées.

À vous de voir.

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