C’est avec stupeur que les visiteurs du musée du Louvre ont assisté ce dimanche à une scène hors du commun. Les différents témoins de celle-ci rapportent qu’un homme en fauteuil roulant et portant une perruque s’est levé, a tenté de briser la vitre de protection du tableau de La Joconde – installée après un premier incident en 1956 -, avant de jeter sur l’œuvre de De Vinci un gâteau à la crème. Il n’en fallait pas plus pour que cet étrange événement fasse la Une des médias et passionne les réseaux sociaux.
Un terrorisme culturel
Si le tableau a déjà fait l’objet de plusieurs tentatives de dégradations (la plus récente ayant eu lieu en 2009, une touriste russe avait lancé une tasse de thé en direction de Mona Lisa), ce n’est pas tant l’acte en lui-même que sa justification qui est intéressante. Peu de temps après avoir été arrêté, s’adressant aux caméras qui le filmaient, l’auteur s’exclama qu’il avait agi ainsi pour « la planète » (espérons que le gâteau était bio).
« Pensez à la Terre. Il y a des gens qui sont en train de détruire la Terre. Pensez-y. Les artistes, vous disent : pensez à la Terre. C’est pour ça que j’ai fait ça. Pensez à la planète », lança-t-il avec grandiloquence, comme si La Joconde était responsable du réchauffement climatique. Et c’est sans doute en cela que l’événement est novateur.
Un militantisme radicalisé
Ce n’est pas la première fois que le vandalisme se verdit pour paraître acceptable. Si les militants écologistes se sont longtemps vantés d’être non-violents, l’association Les Amis de la Terre faisant figurer ce principe dans sa charte des valeurs, l’accélération des dégradations climatiques (ou même plutôt la multiplication des discours anxiogènes) a mené certaines personnes à radicaliser leurs moyens d’action. Le mouvement « La Ronce », soutenu par le célèbre Youtubeur Partager C’est Sympa, appelait ainsi en octobre 2020 dans une tribune publiée sur le site Reporterre à multiplier les actions ciblées de sabotage à petite échelle : du débouchage de bouteilles dans les rayons de magasin jusqu’au fait de crever les pneus des malheureux propriétaires de SUV. Leur objectif affiché ? Mettre « un joyeux bordel ».
Plus récemment encore, c’est en juillet 2021 que le tristement connu collectif Extinction Rébellion revendiquait le sabotage de 300 trottinettes électriques à Lyon.
Si l’on pourrait se rassurer en se disant que ces militants se limitent pour le moment à de modestes atteintes aux biens, il faut noter que cela n’a pas toujours été le cas. On peut par exemple se souvenir de l’attentat terroriste à l’explosif qui avait visé, en 1977, Marcel Boiteux, alors directeur général d’EDF et responsable du déploiement de l’énergie nucléaire en France. Cet acte avait alors été revendiqué par le CACCA (Comité d’action contre les crapules atomiques) – ça ne s’invente pas. Deux années plus tôt, en 1975, la centrale nucléaire de Fessenheim avait déjà été l’objet d’un attentat à la bombe, tout comme la centrale nucléaire de Superphénix en 1982 qui avait été victime d’un tir au lance-roquettes.
Peut-être plus étonnant encore que lesdits événements est l’absence de médiatisation qui les entoure. Si l’on peut penser qu’un attentat contre un parc éolien ou une éolienne ou contre le président d’une association de défense de l’environnement ferait encore couler de l’encre aujourd’hui (et deviendrait vite le symbole de la résistance acharnée des suppôts du capitalisme contre les heureux défenseurs de Gaïa), relativement rares sont ceux qui ont connaissance des événements sus-énoncés. Comble de l’indécence, l’auteur de l’attaque au lance-roquettes a même été élu député (écologiste) en Suisse. Le lance-roquettes avait été fourni par la Fraction armée rouge, organisation terroriste allemande d’extrême gauche. De là à voir le symbole caricatural d’une alliance entre les nostalgiques du communisme et le fondamentalisme écologiste, il n’y a sans doute qu’un pas.
Des actes désespérés
Bien sûr, il ne faudrait pas résumer tout le militantisme écologiste – et la cause environnementale qui, une fois séparée de ses dérives, est noble – à ces quelques actes isolés. Néanmoins, si le marqueur noir, la crevaison de pneus et le blocage de la circulation sont des moyens davantage utilisés que le lance-roquettes et la bombe à retardement, tous ces éléments découlent d’une chose : la peur qui justifie tous les actes désespérés destinés à retarder la catastrophe à venir.
Et comment ne pas le comprendre ?
Face au risque (supposé, souvent fantasmé) d’un effondrement civilisationnel, défini par l’ancien ministre Yves Cochet comme « le processus irréversible à l’issue duquel les besoins élémentaires (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) sont rendus indisponibles du fait de leur coût déraisonnable à une majorité de la population par des services encadrés par la loi », avec tout ce que celui-ci implique, tous les moyens de nature à, littéralement, « sauver le monde » doivent être utilisés, comme un organisme luttant pour sa survie. Ces militants se croient investis d’une mission quasi-divine. Leurs intentions sont nobles, mais ils sont les victimes de discours pessimistes qui les poussent à tomber dans de telles errances. C’est ainsi que le planisme écologique autorise tout, justifie tout. Après tout, que valent les principes de la démocratie libérale face à un risque imminent d’extinction de notre espèce ?
Cette désespérance est un phénomène bien connu : l’éco-anxiété. Signe d’une angoisse contemporaine, l’éco-anxiété se manifeste par un sentiment de profonde préoccupation, d’angoisse voire même de terreur face aux menaces qui pèsent sur l’environnement. Une étude publiée dans la revue The Lancet Planetary Health montrait que 84 % des 16-25 ans se disent inquiets face au changement climatique, 59 % se disant même très inquiets. Plus parlant encore, 75 % de ces jeunes estiment qu’effrayant est le qualificatif qui convient le mieux pour évoquer l’avenir. Si l’inquiétude peut, dans certains cas, bien sûr se justifier, on parle dans le cadre de l’éco-anxiété d’une véritable panique qui pousse à la violence ou au désespoir.
La chercheuse responsable a ainsi commenté :
« Cette étude brosse un tableau horrible de l’anxiété climatique généralisée chez nos enfants et nos jeunes. Il suggère pour la première fois que des niveaux élevés de détresse psychologique chez les jeunes sont liés à l’inaction du gouvernement. »
Cette peur irrationnelle et cette angoisse face à l’avenir sont le fruit de discours sans cesse plus anxiogènes. Un média très populaire chez les jeunes nous montre ainsi à quoi ressemblerait la Terre si la glace fondait entièrement (rappelons que les études prévoient, dans le pire des scénarios, une montée des eaux de deux mètres, loin des 65 mètres avancés par la vidéo). Si celle-ci précise à la toute fin que ce scénario est fictif, la lecture des commentaires suffira à constater que tel n’est pas le principal message retenu. De même, chaque année, médias, politiques et enseignants font la promotion du « jour du dépassement » (jour où les humains auraient épuisé les ressources que la Terre est capable de générer en une année), concept pourtant démontré comme frauduleux. Pensons à l’impact de ces discours apocalyptiques sur des enfants qui, parfois, sont encore en primaire ? Avec quelle sérénité envisageront-ils leur avenir après ça ?
Des ricanements à la compassion
À la lumière de cette analyse, des actes outranciers comme celui ayant visé La Joconde prennent un tout autre sens. S’ils suscitent – à juste titre – ricanements et moqueries, ils sont avant tout le cri désespéré d’une génération affolée car manipulée par des journaux en quête de clics, des politiques en quête de pouvoir et des associations en quête de financements. L’éco-anxiété découle directement des discours éco-anxieux qui pullulent partout. La lutte contre les adeptes de la planification écologique et pour la promotion des idées libérales passera avant tout par le fait d’offrir à la nouvelle génération un horizon souhaitable, enfin.
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