Dans le texte qui suit, Jean-Robert Sansfaçon, chroniqueur
du Devoir, dénonce le fait que les trois partis politiques susceptibles de
prendre le pouvoir ignorent systématiquement l’état lamentable des finances
publiques. Bien au contraire, ils multiplient les promesses comme si l’argent
coulait à flot.
Cette chronique, publiée dans le journal de la gaugauche
interventionniste, me pousse à croire que quelque chose est en voie de changer
au royaume de la gratuité. Si les bénéficiaires de l’État interventionniste
réalisent enfin que nous allons faire faillite si rien ne change, alors je
conserve un mince espoir que nous pourrons éviter un drame à la grecque.
Toutefois, nous sommes encore loin de la coupe aux lèvres. Si
par malheur l’économie mondiale retournait en récession avant que nous ayons repris
le contrôle des finances publiques nous ne pourrions plus éviter le pire.
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La campagne électorale vient d’entrer dans sa troisième
semaine et jusqu’à ce jour, les partis n’ont pas osé aborder le seul sujet qui
les préoccupera vraiment au lendemain des élections : l’état des finances
publiques. Loin des lendemains qui chantent, c’est d’austérité qu’on entendra
parler.
Il ne se passe pas une journée sans que tous les partis n’y
aillent d’un nouvel engagement, parfois même de plusieurs. À tel point qu’il
est difficile de se rappeler qui a promis quoi et pourquoi.
Il y en a pour tout le monde, sauf pour la classe moyenne
supérieure, les cadres, les professionnels qui devront contribuer beaucoup plus
si le Parti québécois est élu : diminution du crédit d’impôt sur les
dividendes, deux nouveaux paliers d’imposition, taux accru sur la vente
d’actions, d’un chalet et d’un immeuble à logements… Sans doute s’ennuyait-on
au PQ du bon vieux débat au sujet de la fuite des cerveaux et des sièges
sociaux ?
Pour les autres Québécois, il n’est question que de gels de
tarifs, de baisses d’impôt ou de nouveaux crédits, sans oublier les milliards
d’investissements dans tous les secteurs de la société.
Où sont les augmentations qui ne manqueront pourtant pas de
pleuvoir dès le premier budget d’un nouveau gouvernement ? Réduire de 30 % la
dépendance au pétrole d’ici huit ans, par exemple, ne peut pas se faire sans
une forte augmentation du prix de l’essence. De même pour le financement du
transport en commun. Où trouve-t-on cela dans les programmes ?
En fait, le 5 septembre, on ne parlera plus de promesses,
mais de sacrifices puisque l’argent manquera pour équilibrer les livres. À elle
seule, l’abolition de la contribution santé de 200 $ promise par quatre des
cinq partis privera l’État de 1 milliard par année. On aurait pu transformer
cette taxe pour la rendre plus progressive, mais c’est tellement plus vendeur
de dire qu’on l’abolit. Et on ne réduira même pas le généreux crédit de
solidarité créé précisément pour éviter que cette contribution santé pénalise
les plus démunis.
Puis, il y a le service de la dette qui augmentera d’un
autre milliard de dollars en 2013. Et ce trou d’un troisième milliard déjà
inscrit pour l’an prochain dans le dernier budget Bachand.
Ce qui permet de prédire que le premier budget d’un nouveau
gouvernement sera fortement déficitaire.
Au Parti québécois, on accusera la mauvaise gestion
libérale, Mme Marois s’étant fait faire le coup par M. Charest en 2003.
Quant à M. Legault, il tentera vendredi, lors de la
présentation de son cadre budgétaire, de convaincre les électeurs que
l’abolition des commissions scolaires, des régies de la santé et de milliers
postes de fonctionnaires fera économiser des milliards qui serviront à faire
face à ses engagements. Or, tout le monde sait que de telles opérations
prennent des années à se réaliser et n’engendrent jamais les économies
promises. Au contraire, elles coûtent cher parce qu’elles exigent la création
de nouvelles structures et le déplacement ou le rachat des emplois de milliers
de personnes. A-t-on déjà oublié les mises à la retraite de Lucien Bouchard ?
Quelle hypocrisie que tout cela, alors qu’il serait
tellement plus honnête en cette période de crise mondiale de se rappeler que le
Québec est la province la plus endettée au pays, et son fardeau fiscal le plus
lourd. Dire la vérité : sommes-nous trop naïfs de croire que c’est-ce par là
qu’on commence quand on veut « faire de la politique autrement » ?
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