Les taux directeurs sont en baisses depuis le début des
années 1980 et de manière significative depuis octobre 2008. À cette date, les bourses nord-américaines et
européennes plongent, le taux directeur de la Banque du Canada est à 3 %, celui
de la Banque centrale européenne est à 4,25 %, alors que le taux cible des
fonds fédéraux, aux États-Unis, est à 2 %.
Aujourd’hui, ces taux se transigent respectivement à 1 %, 0,75 % et
moins de 0,25 %. Le but de maintenir le
taux directeur à un niveau relativement bas, voire historiquement bas, est de
relancer l’économie. Malheureusement, une
relance digne de ce nom se fait attendre depuis quatre ans.
Les autorités monétaires répètent ce qu’elles ont fait lors
de la crise précédente, car elles considèrent que leurs politiques avaient alors
permis une relance économique. Rappelons
brièvement les faits. Suite à
l’éclatement de la «bulle technologique», au début des années 2000, lesdites
autorités ont abaissé les taux directeurs pour relancer l’économie, mais le
résultat fut plutôt la création d’une autre bulle, soit celle du secteur immobilier. Cette baisse des taux directeurs n’explique
pas à elle seule la crise qui s’en est suivie, mais elle n’en demeure pas moins
un facteur important. Les autorités
monétaires ne partagent pas cette opinion et pour cause; l’endosser constituerait
pour elles une reconnaissance de culpabilité.
Elles préfèrent jeter le blâme sur quelques banquiers véreux et évoquer
l’imprévisibilité de tels événements.
Que les taux directeurs des pays susmentionnés soient
établis à 1 % et moins depuis quatre ans, sans résultat, ne prouve-t-il pas l’inefficacité
de cette politique? Qu'elle n'ait pas
causée, à ce jour, une autre bulle spéculative constitue-t-il une raison
suffisante de ne pas s'en inquiéter? Les
autorités monétaires et gouvernementales ont toujours espoir d’une relance
similaire à celle qui a suivi la crise technologique, mais comme on vient de le
préciser cette relance s'est vite transformée en bulle immobilière. Celle-ci a éclaté notamment aux États-Unis et
en Espagne et elle pourrait continuer d'éclater, dans un avenir rapproché, ailleurs
dans le monde. Dans ces circonstances,
il y a lieu de penser que cette politique constitue un espoir mal fondé.
Les autorités monétaires soufflent à la fois le chaud et le
froid. Elles mettent en garde les
ménages quant à leur niveau élevé d'endettement, mais en même temps elles les
encouragent à dépenser davantage en maintenant bas les taux directeurs. Les autorités gouvernementales ne font pas
mieux. Elles se disent prêtes à stimuler
de nouveau l'économie au besoin, alors que les dettes publiques sont en forte croissance
depuis 2008. Elles souhaitent que le
secteur privé prenne la relève, mais de manière générale elles lui font porter
une charge fiscale de plus en plus lourde.
Rappelons quelques notions économiques de base. Pour dépenser et investir davantage on doit avoir
ou bien des revenus plus élevés, ou bien un taux d'épargne plus élevé. Au Québec, ce taux est à la
baisse depuis 4 ans. En Europe et
aux États-Unis, il y a de plus en plus de travailleurs au chômage. Dans ces circonstances, il s'avère difficile
de prendre la relève et d'investir davantage.
Ceux et celles qui ont encore cette possibilité doivent prendre plus de
risque qu'à l'habitude pour obtenir des rendements moins élevés qu'à l'habitude. Les rendements moins élevés sont observables
notamment chez les rentiers. En ce qui a
trait au risque, on observe depuis quelque temps, notamment au Québec, que les taux
d'imposition, de taxation et de soi-disant contribution changent pratiquement
d'une année à l'autre, ce qui crée de l'incertitude. Un
autre risque important est une réduction du capital disponible.
Dans un marché libre, un faible taux d'emprunt serait le
résultat d'une forte disponibilité d'épargne.
Or, celle-ci est non seulement faible au Québec, mais aussi aux
États-Unis et un peu partout en Europe.
Ce sont les taux directeurs établis par les banques centrales qui
faussent cette équation. Elles croient
que leurs interventions produisent des résultats supérieurs au libre
marché.
Les banques centrales n'osent pas augmenter les taux
directeurs pour deux raisons principales : l'indice des prix à la consommation
(taux d'inflation) est plutôt faible et l'endettement des gouvernements, des
ménages et de plusieurs banques est élevé.
Augmenter les taux directeurs et conséquemment les taux d'emprunt
conduiraient plusieurs d'entre eux à la faillite, ce qu'elles tentent d'éviter. Toutefois, en poursuivant cette politique
elles encouragent un endettement encore plus lourd, ce qui tend à réduire et le
capital et l'épargne disponibles, pourtant essentiels à toute relance
économique.
De leurs côtés, les gouvernements voient rarement leurs
dettes comme étant insoutenables, car ils considèrent leur pouvoir fiscal comme
étant quasi-illimité. Ils préfèrent
endetter «leur» population que de réduire leurs services. On doit ajouter, cependant, que cette
préférence est réciproque, du moins une bonne partie de la population préfère
les services gouvernementaux à l'endettement, car elle n'a pas à en payer le
plein prix.
De manière générale, avant de réduire leurs services, les
gouvernements vont essayer d'accroître leurs recettes fiscales et ceux qui le
peuvent vont également demander à leur banque centrale de réduire le taux
directeur et d'augmenter la masse monétaire.
Bref, leur vision de la gouvernance est à courte vue. Un endettement croissant, une fiscalité trop
lourde et une inflation monétaire trop élevée finissent inévitablement par appauvrir
tout le monde.
Certains individus croient qu'il suffit d'établir des
critères plus rigoureux pour rendre la gestion publique plus efficace, par
exemple en interdisant aux gouvernements de faire des déficits. Or, ce n'est pas parce qu'un budget
gouvernemental est équilibré qu'il y a efficacité des services rendus. On doit encore se poser la question à savoir
pourquoi les gouvernements tentent de se substituer au marché, alors que celui-ci
peut leur faire concurrence sur tous les fronts tant qu'ils le lui permettent. Il suffit en effet de ne pas l'interdire. Cette concurrence est possible autant sur les
choix de services que leurs coûts et leurs qualités. À force de se questionner à savoir quel serait
le taux directeur adéquat ou le juste niveau de taxation et d'imposition, on
finit par oublier que le but principal est de mieux servir les consommateurs et
que l'État n'est pas le seul à pouvoir le faire.
En matière économique et financière les consommateurs
seraient mieux servis sans les services d'une banque centrale, mais cela
implique des changements importants quant au rôle de l'État, ce que malheureusement
peu de gens préconisent. Dans ces
circonstances, tant que les autorités monétaires considéreront que l'économie
se porte bien, elles maintiendront les taux directeurs au niveau actuel. Il va sans dire que cela pourrait changer
rapidement. Règle générale, les banques
centrales forcent rarement les agents économiques en augmentant sensiblement les
taux directeurs, elles attendent plutôt qu'un évènement majeur les y oblige.
En somme, les faibles taux directeurs ne relanceront pas
l'économie. Ils permettent tout au plus aux
agents économiques de poursuivre leurs activités comme si de rien n'était, ce
qui tend, au contraire, à aggraver la situation. Pour la corriger rapidement les banques
centrales pourraient augmenter de façon notable leur taux directeur, mais
considérant que plusieurs banques, voire quelques États, risqueraient alors de
tomber, elles vont plutôt opter pour le statu quo.
Encore une fois, c'est uniquement lorsque les investisseurs réagiront
avec vigueur à l'état de l'économie que les autorités monétaires agiront à leur
tour. Si l'on peut identifier le début
d'une crise à une date ou à un évènement en particulier, ce ne signifie pas que
les difficultés commencent à cette date, cela signifie plutôt qu'elles sont
reconnues par les autorités et le grand public comme étant significatives à partir
de cette date ou évènement en particulier.
Les crises économiques sont imprévisibles uniquement aux
yeux des autorités, car elles leur donnent naissance et les nourrissent sans le
savoir. Pour les éviter on pourrait rétablir
les mécanismes de marché, mais malheureusement ni les politiciens, ni les
banquiers ne les veulent. Comment s'en
surprendre lorsque la vaste majorité des experts ne les veulent pas
davantage?
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