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Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

07 septembre, 2012

Les faibles taux d’intérêt ne relanceront pas l’économie

André Dorais


Les taux directeurs sont en baisses depuis le début des années 1980 et de manière significative depuis octobre 2008.  À cette date, les bourses nord-américaines et européennes plongent, le taux directeur de la Banque du Canada est à 3 %, celui de la Banque centrale européenne est à 4,25 %, alors que le taux cible des fonds fédéraux, aux États-Unis, est à 2 %.  Aujourd’hui, ces taux se transigent respectivement à 1 %, 0,75 % et moins de 0,25 %.  Le but de maintenir le taux directeur à un niveau relativement bas, voire historiquement bas, est de relancer l’économie.  Malheureusement, une relance digne de ce nom se fait attendre depuis quatre ans. 

Les autorités monétaires répètent ce qu’elles ont fait lors de la crise précédente, car elles considèrent que leurs politiques avaient alors permis une relance économique.  Rappelons brièvement les faits.  Suite à l’éclatement de la «bulle technologique», au début des années 2000, lesdites autorités ont abaissé les taux directeurs pour relancer l’économie, mais le résultat fut plutôt la création d’une autre bulle, soit celle du secteur immobilier.  Cette baisse des taux directeurs n’explique pas à elle seule la crise qui s’en est suivie, mais elle n’en demeure pas moins un facteur important.  Les autorités monétaires ne partagent pas cette opinion et pour cause; l’endosser constituerait pour elles une reconnaissance de culpabilité.  Elles préfèrent jeter le blâme sur quelques banquiers véreux et évoquer l’imprévisibilité de tels événements. 

Que les taux directeurs des pays susmentionnés soient établis à 1 % et moins depuis quatre ans, sans résultat, ne prouve-t-il pas l’inefficacité de cette politique?  Qu'elle n'ait pas causée, à ce jour, une autre bulle spéculative constitue-t-il une raison suffisante de ne pas s'en inquiéter?  Les autorités monétaires et gouvernementales ont toujours espoir d’une relance similaire à celle qui a suivi la crise technologique, mais comme on vient de le préciser cette relance s'est vite transformée en bulle immobilière.  Celle-ci a éclaté notamment aux États-Unis et en Espagne et elle pourrait continuer d'éclater, dans un avenir rapproché, ailleurs dans le monde.  Dans ces circonstances, il y a lieu de penser que cette politique constitue un espoir mal fondé. 

Les autorités monétaires soufflent à la fois le chaud et le froid.  Elles mettent en garde les ménages quant à leur niveau élevé d'endettement, mais en même temps elles les encouragent à dépenser davantage en maintenant bas les taux directeurs.  Les autorités gouvernementales ne font pas mieux.  Elles se disent prêtes à stimuler de nouveau l'économie au besoin, alors que les dettes publiques sont en forte croissance depuis 2008.  Elles souhaitent que le secteur privé prenne la relève, mais de manière générale elles lui font porter une charge fiscale de plus en plus lourde. 

Rappelons quelques notions économiques de base.  Pour dépenser et investir davantage on doit avoir ou bien des revenus plus élevés, ou bien un taux d'épargne plus élevé.  Au Québec, ce taux est à la baisse depuis 4 ans.  En Europe et aux États-Unis, il y a de plus en plus de travailleurs au chômage.  Dans ces circonstances, il s'avère difficile de prendre la relève et d'investir davantage.  Ceux et celles qui ont encore cette possibilité doivent prendre plus de risque qu'à l'habitude pour obtenir des rendements moins élevés qu'à l'habitude.  Les rendements moins élevés sont observables notamment chez les rentiers.  En ce qui a trait au risque, on observe depuis quelque temps, notamment au Québec, que les taux d'imposition, de taxation et de soi-disant contribution changent pratiquement d'une année à l'autre, ce qui crée de l'incertitude.  Un autre risque important est une réduction du capital disponible. 
     
Dans un marché libre, un faible taux d'emprunt serait le résultat d'une forte disponibilité d'épargne.  Or, celle-ci est non seulement faible au Québec, mais aussi aux États-Unis et un peu partout en Europe.  Ce sont les taux directeurs établis par les banques centrales qui faussent cette équation.  Elles croient que leurs interventions produisent des résultats supérieurs au libre marché. 

Les banques centrales n'osent pas augmenter les taux directeurs pour deux raisons principales : l'indice des prix à la consommation (taux d'inflation) est plutôt faible et l'endettement des gouvernements, des ménages et de plusieurs banques est élevé.  Augmenter les taux directeurs et conséquemment les taux d'emprunt conduiraient plusieurs d'entre eux à la faillite, ce qu'elles tentent d'éviter.  Toutefois, en poursuivant cette politique elles encouragent un endettement encore plus lourd, ce qui tend à réduire et le capital et l'épargne disponibles, pourtant essentiels à toute relance économique.

De leurs côtés, les gouvernements voient rarement leurs dettes comme étant insoutenables, car ils considèrent leur pouvoir fiscal comme étant quasi-illimité.  Ils préfèrent endetter «leur» population que de réduire leurs services.  On doit ajouter, cependant, que cette préférence est réciproque, du moins une bonne partie de la population préfère les services gouvernementaux à l'endettement, car elle n'a pas à en payer le plein prix. 

De manière générale, avant de réduire leurs services, les gouvernements vont essayer d'accroître leurs recettes fiscales et ceux qui le peuvent vont également demander à leur banque centrale de réduire le taux directeur et d'augmenter la masse monétaire.  Bref, leur vision de la gouvernance est à courte vue.  Un endettement croissant, une fiscalité trop lourde et une inflation monétaire trop élevée finissent inévitablement par appauvrir tout le monde. 

Certains individus croient qu'il suffit d'établir des critères plus rigoureux pour rendre la gestion publique plus efficace, par exemple en interdisant aux gouvernements de faire des déficits.  Or, ce n'est pas parce qu'un budget gouvernemental est équilibré qu'il y a efficacité des services rendus.  On doit encore se poser la question à savoir pourquoi les gouvernements tentent de se substituer au marché, alors que celui-ci peut leur faire concurrence sur tous les fronts tant qu'ils le lui permettent.  Il suffit en effet de ne pas l'interdire.  Cette concurrence est possible autant sur les choix de services que leurs coûts et leurs qualités.  À force de se questionner à savoir quel serait le taux directeur adéquat ou le juste niveau de taxation et d'imposition, on finit par oublier que le but principal est de mieux servir les consommateurs et que l'État n'est pas le seul à pouvoir le faire.        

En matière économique et financière les consommateurs seraient mieux servis sans les services d'une banque centrale, mais cela implique des changements importants quant au rôle de l'État, ce que malheureusement peu de gens préconisent.  Dans ces circonstances, tant que les autorités monétaires considéreront que l'économie se porte bien, elles maintiendront les taux directeurs au niveau actuel.  Il va sans dire que cela pourrait changer rapidement.  Règle générale, les banques centrales forcent rarement les agents économiques en augmentant sensiblement les taux directeurs, elles attendent plutôt qu'un évènement majeur les y oblige.

En somme, les faibles taux directeurs ne relanceront pas l'économie.  Ils permettent tout au plus aux agents économiques de poursuivre leurs activités comme si de rien n'était, ce qui tend, au contraire, à aggraver la situation.  Pour la corriger rapidement les banques centrales pourraient augmenter de façon notable leur taux directeur, mais considérant que plusieurs banques, voire quelques États, risqueraient alors de tomber, elles vont plutôt opter pour le statu quo. 

Encore une fois, c'est uniquement lorsque les investisseurs réagiront avec vigueur à l'état de l'économie que les autorités monétaires agiront à leur tour.  Si l'on peut identifier le début d'une crise à une date ou à un évènement en particulier, ce ne signifie pas que les difficultés commencent à cette date, cela signifie plutôt qu'elles sont reconnues par les autorités et le grand public comme étant significatives à partir de cette date ou évènement en particulier.

Les crises économiques sont imprévisibles uniquement aux yeux des autorités, car elles leur donnent naissance et les nourrissent sans le savoir.  Pour les éviter on pourrait rétablir les mécanismes de marché, mais malheureusement ni les politiciens, ni les banquiers ne les veulent.  Comment s'en surprendre lorsque la vaste majorité des experts ne les veulent pas davantage?  

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