Depuis plusieurs mois les chroniqueurs économiques réclamaient l’intervention des gouvernements et le retour aux déficits. Même si cela n’a jamais été démontré, ils font la profession de foi que c’est la seule façon de sauver l’économie. Les politiciens, tant à Québec qu’à Ottawa n’en demandaient pas tant. Dépenser sans compter, ni même se justifier auprès de la population puisque les chroniqueurs le font pour eux, c’est une situation de rêve pour tout politicien.
La phrase qui est répétée ad nauseam depuis trois mois : « Bien entendu, le brusque freinage de l'économie mondiale entraîne celle du Québec dans son sillage. Dans une telle situation, un déficit budgétaire est non seulement inévitable, mais il est souhaitable. Autrement, comme c'est le cas dans plusieurs États américains, l'effondrement des recettes fiscales se serait automatiquement accompagné de profondes coupures dans les dépenses. » Il est pourtant normal de couper dans les dépenses lorsque l’on vit au-dessus de ses moyens depuis trente ans!!
Le gouvernement du Québec a décidé d’ignorer sa propre loi sur l’équilibre budgétaire et planifie des déficits de plus de 11 G$ au cours des 4 prochaines années. À quoi sert de faire des lois si à la première occasion on les ignore? La dette brute passera de 151 G$ en 2009, à 160 G$ en 2010 et à 170 G$ en 2011. À cette date, le service de la dette sera près de 10 G$, près de trois fois le déficit de 2009-2010. Si les taux d’intérêt augmentent de 1 % le service de la dette augmentera de 1,7 G$.
À compter de 2011 la dette du Québec par contribuables qui paient des impôts (60 % des contribuables) sera de 68 000 $. Si j’avais moins de vingt ans, je n’hésiterais pas à quitter le Québec pour une province ou un pays qui gère de manière responsable les finances publiques. Si le pouvoir demeure entre les mains des interventionnistes, le Québec est voué à la faillite en moins de vingt ans. La génération montante a deux choix : quitter ou prendre le pouvoir.
Certains chroniqueurs ont semblé regretter le trop d’enthousiasme qu’ils ont mis à réclamer le retour des déficits. Ils se sont empressés d’ajouter qu’il fallait prévoir le retour à l’équilibre budgétaire le plus rapidement possible
Malheureusement, c’est de la pure pensée magique comme celle qui prévaut dans l’ensemble de la société québécoise depuis 30 ans. L’histoire démontre que la majorité des politiciens dépensent tous les revenus que l’État réussit à soutirer à sa population. La seule chose qui varie dans le temps est qu’ils empruntent plus dans les périodes creuses que dans les périodes fastes. (À ce sujet le texte de Claude Piché ci-après est édifiant).
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Sombre feuille de route
Claude Picher
La Presse, Publié le 19 mars 2009 à 00h00
Tous les experts s'entendent: dans le budget qu'elle déposera demain à l'Assemblée nationale, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, ne pourra guère faire autrement que de déclarer un déficit pour l'exercice 2009-2010.
La récession a frappé avec beaucoup plus de sévérité que prévu. En temps de crise, il est normal que les administrations publiques augmentent leurs dépenses. Dans les conditions actuelles, un déficit est non seulement «inévitable, mais acceptable et même souhaitable» écrivait mon collègue Alain Dubuc dans La Presse d'hier.
Il y a cependant un problème.
Les finances publiques québécoises sont dans un état lamentable. Toutes proportions gardées, le Québec est la province canadienne qui traîne la plus lourde dette. Déclarer un déficit aura pour effet d'alourdir ce fardeau.
Normalement, si on accepte que le gouvernement augmente ses dépenses en temps de crise, quitte à créer un déficit, on doit aussi accepter le contraire: lorsque la prospérité est revenue, le gouvernement doit en profiter pour effacer le déficit, quitte à restreindre ses dépenses. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait les autres provinces.
Si le Québec est mal pris aujourd'hui, c'est parce qu'il a traîné les pieds pendant trop longtemps, et cela vise autant les gouvernements péquistes que libéraux.
La petite histoire des finances publiques nous montre que les gouvernements sont toujours prêts à augmenter leurs dépenses en temps de crise, mais qu'ils continuent aussi de dépenser lorsque la croissance est revenue. Cela vaut pour Ottawa, cela vaut pour toutes les provinces.
Le cas du Québec est particulièrement éloquent.
En 1981-1982, le Québec, comme l'ensemble de l'Amérique du Nord, est victime de la pire récession depuis les années 30. En 1981, la contraction de l'économie québécoise atteint 3,6% en termes réels, c'est-à-dire en tenant compte de l'inflation. Les faillites et les mises à pied se multiplient, et le taux de chômage dépasse les 14% en 1982. C'est énorme.
Le ministre des Finances de l'époque, Jacques Parizeau, applique la recette classique. Il augmente ses dépenses à un point tel que le déficit atteindra 3,5 milliards en 1981. Du jamais vu, et de loin.
Voici ensuite ce qui s'est passé.
En 1983, la croissance revient, et l'économie québécoise connaîtra huit bonnes années, jusqu'à la
récession de 1990-1991. Pendant cette période de prospérité, le Produit intérieur brut (PIB) nominal passe de 92 à 155 milliards, un bond de 68%. En ajustant les chiffres pour tenir compte de l'inflation, la progression demeure élevée, à 21%.
Or, pendant cette même période, tous les budgets déposés par les ministres des Finances, libéraux et péquistes confondus, tous, sans exception, seront lourdement déficitaires.
Entre 1983 et 1991, huit déficits successifs totaliseront 19 milliards. Le service de la dette, c'est-à-dire le paiement des intérêts, passe de 2,3 à 4,7 milliards. La dette nette du gouvernement québécois, qui se situait à 8,5 milliards avant la récession de 1981-1982, bondit à 15 milliards à l'issue de la récession. Et en continuant à accumuler les déficits en période de croissance, le Québec s'est retrouvé avec une dette de 46 milliards à l'aube de la récession de 1990-1991.
Selon la bonne vieille recette, le ministre Gérard D. Levesque ouvre les vannes, et déclare un déficit de 3 milliards en 1990 et un autre de 4,3 milliards (un nouveau record) l'année suivante.
On assiste alors à quelque chose de surréel. Une fois la croissance revenue, le gouvernement ne se préoccupe aucunement de revenir à l'équilibre, et les déficits deviennent de plus en plus monstrueux?: 5 milliards en 1992, 4,9 milliards l'année suivante, 5,8 milliards (un autre record, enregistré par le ministre libéral André Bourbeau) en 1994.
En 1995, année référendaire, le ministre péquiste Jean Campeau déclare un autre énorme déficit de 3,9 milliards. La dette nette, à ce stade, dépasse les 60 milliards.
Or, en aucun temps, la conjoncture économique ne justifie une telle orgie de dépenses. Au contraire?: en termes réels, le PIB québécois augmente de 6,5% entre 1993 et 1995. Ce n'est pas le Pérou, certes (encore que le Pérou...), mais c'est très loin de la récession.
Il a fallu 14 ans, entre la récession de 1981 et le budget Campeau de 1995, pour plonger les finances publiques québécoises dans un état de profond délabrement.
On connaît la suite?: il faudra l'intervention du gouvernement Bouchard et de son énergique ministre des Finances Bernard Landry pour enfin atteindre l'équilibre, en 1998-1999.
Mais tous les Québécois se souviennent encore des sacrifices énormes qu'il a fallu consentir pour en arriver au déficit zéro.
Lorsqu'elle déposera son budget cet après-midi, la ministre Jérôme-Forget annoncera un déficit «inévitable, mais acceptable et même souhaitable». Compte tenu de la sombre expérience des récentes années, elle devra aussi se faire rassurante, nous dire quand et comment ce déficit temporaire sera éliminé.
1 commentaire:
Pathétique, mais tout à fait réaliste.
Je suis un baby-bommer entrepreneur, qui constate que le Québec se dirige vers une faillite.
Et que nous avons une société totalement irresponsable pour les futures générations
Et je critique aussi nos journalistes qui ont été trop complaisant avec le système établi.
On est loin de s'en sortir
Entre-autre bravo! pour votre courage et votre persistance.
MC
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