Par FEE.
Le Livre de L‘Ecclésiaste nous dit : « il n’y a rien de nouveau sous le soleil ». Cette citation nous rappelle que peu de choses que nous considérons comme nouvelles le sont réellement, et la philosophie économique ne fait pas exception.
Si Karl Marx est considéré comme le père du communisme, ses idées n’étaient pas aussi originales que beaucoup le pensent. Son précurseur intellectuel était François-Noël Babeuf (1760-1797), un proto-socialiste de la Révolution française qui a été exécuté pour avoir participé à un coup d’État manqué visant à renverser le Directoire. Des décennies avant la naissance de Marx, Babeuf réclamait l’équité absolue et l’interdiction de la propriété privée.
Adam Smith, l’homologue libéral classique de Marx, a son propre sosie intellectuel. Anders Chydenius est né quelques années seulement après Smith (la date de naissance exacte de Smith est inconnue). Comme le plus célèbre des Écossais, Chydenius était un champion du libre-échange, de la liberté de la presse et de l’égalité des droits devant la loi. Dix ans avant que Smith ne publie La richesse des nations, Chydenius décrivait un processus économique similaire à la main invisible de Smith.
Dans Le Gain national (1765) Chydénius écrit :
« Chaque individu cherche spontanément à trouver le lieu et le métier où il peut le mieux augmenter le gain national, si les lois ne l’en empêchent pas. La richesse d’une nation consiste dans la multitude des produits ou plutôt dans leur valeur ; mais la multitude des produits dépend de deux causes principales, savoir, le nombre des ouvriers et leur diligence. La nature produira l’une et l’autre, si on la laisse libre de toute entrave… ».
Bien que ni Smith ni Chydenius n’aient utilisé le terme ordre spontané – il n’est apparu qu’au XXe siècle – le phénomène est clairement ce que les deux philosophes décrivent. C’est l’idée que l’ordre et l’harmonie sociale émergent des actions volontaires des individus, et non d’une planification centrale.
Pourtant, aucun de ces deux grands philosophes n’a été le premier à formuler cette idée. Cette distinction revient à Zhuang Zhou (alias Zhuangzi), un philosophe et poète chinois qui a vécu au IVe siècle avant Jésus-Christ.
Zhuang Zhou a rejeté le confucianisme de l’époque, qui mettait l’accent sur l’obéissance à l’autorité nationale en plus de ses enseignements éthiques plus généraux, et a adopté et développé les enseignements de Lao-Tseu, un contemporain de Confucius qui s’opposait à la domination de l’État et mettait l’accent sur le laissez-faire économique.
Zhuang Zhou, que l’on pourrait considérer comme le premier libertarien de l’histoire, écrivait :
« Le bon ordre résulte spontanément de l’abandon des choses. »
Il est difficile de trouver une définition plus distillée de l’ordre spontané que celle-ci, et l’économiste Murray Rothbard attribue à Zhuang Zhou (qu’il appelle Chuang-tzu) le mérite d’être le premier penseur à en avoir rendu compte. Et bien que le concept soit assez simple, Zhuang Zhou précise que la pratique de l’ordre spontané est loin d’être simple et extrêmement rare.
Zhuang Zhou écrit :
« Il y a eu une chose telle que laisser l’humanité seule. Il n’y a jamais eu une chose telle que gouverner l’humanité [avec succès] ».
La raison pour laquelle l’ordre spontané est si difficile à pratiquer était la même dans la Chine ancienne qu’aujourd’hui : la présence de la force.
La force est une constante dans les pages de l’Histoire. Qu’il s’agisse de Plutarque, de la Bible ou de Zhuang Zhou, l’histoire est à bien des égards une chronique d’humains s’agressant les uns les autres. C’est probablement la raison pour laquelle Zhuang Zhou suggère que les humains ne se laisseront jamais tranquilles, et que le mieux que nous puissions faire est de créer un ordre social qui limite l’agression.
Comme tout étudiant de philosophie 101 peut vous le dire, c’est la raison pour laquelle les humains concluent un contrat social. La présence de la force incite à la création d’une autorité pour tenir en échec les agresseurs. Comme l’a noté l’économiste du XIXe siècle Frédéric Bastiat, le problème est que l’État s’écarte rapidement de sa mission et devient lui-même un agent d’agression, souvent sous couvert de faire le bien.
Dans La loi, Bastiat écrit :
« La mission de la loi n’est pas d’opprimer les personnes et de les dépouiller de leurs biens, même si la loi peut agir dans un esprit philanthropique. Sa mission est de protéger la propriété ».
Une grande partie de la dysharmonie que nous observons dans le monde d’aujourd’hui découle de points de vue différents sur l’objectif de la loi. Le gouvernement existe-t-il pour protéger la propriété privée ou pour la redistribuer, voire l’abolir ?
Les gens ont des opinions différentes sur la question, tout comme Adam Smith et Karl Marx. Mais il est clair que la discussion n’a rien de nouveau.
Il est également clair que Zhuang Zhou vous dirait que la vision d’Adam Smith est la voie vers une société pacifique, prospère et harmonieuse, et non celle de Karl Marx. Parce que les bonnes choses ont tendance à suivre toutes seules quand on laisse les choses tranquilles.
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