Par Michel Negynas.
On ne parle plus guère d’Al Gore. Il s’est médiatiquement discrédité par son train de vie luxueux, son enrichissement via des sociétés liées fortement à l’affaire climatique et à ses démêlés publics et croustillants autour de son divorce. Il n’en reste pas moins qu’il est toujours actif et a construit une organisation impressionnante constituant une véritable structure de lobby mondialisée avec des méthodes sophistiquées de communication et d’infiltration des cercles influents.
Tout est transparent, il suffit de visiter les sites de l’organisation (« Climate Reality Project »).
Le Climate reality Project : objectifs et méthodes
« Notre mission est de catalyser une solution mondiale à la crise climatique en faisant de l’action urgente une nécessité dans tous les secteurs de la société.
Nous croyons que le vrai changement vient de la base. Nous savons qu’une masse critique de militants, petite mais engagée, peut non seulement transformer la société, mais aussi changer le monde. C’est pourquoi nous recrutons, formons et mobilisons des personnes pour qu’elles deviennent de puissants militants, fournissant les compétences, les campagnes et les ressources nécessaires pour faire pression en faveur d’une action climatique agressive et de politiques de haut niveau qui accélèrent une transition juste vers une énergie propre.
Notre programme d’activistes phare, le Climate Reality Leadership Corps, a formé plus de 42 000 acteurs du changement dans le monde depuis 2006. Le résultat est un réseau mondial d’activistes menant la lutte pour des solutions climatiques à travers nos 10 succursales – Australie, Brésil, Canada, Europe, Inde , Indonésie, Japon, Mexique, Philippines, Afrique du Sud et un partenariat en Chine – et 140 « chapitres » à travers les États-Unis. Parallèlement à ces efforts, nos initiatives de communication dynamiques relient les sciences du climat et du comportement au pouvoir émotionnel d’histoires captivantes, sensibilisant et inspirant l’action des publics en ligne du monde entier. Rejoignez-nous. »
Tout est dit… alors voyons ce que ça donne.
La charte du projet
La charte indique son souci de justice et d’équité, rien à dire là-dessus mais on y trouve aussi :
« Les leaders du climat – dont beaucoup sont issus des communautés de premier plan du monde entier – seront nos partenaires dans ce voyage. Et ensemble, en partenariat, nous perturberons les systèmes de suprématie blanche, de privilège, de « classisme » et de racisme qui ont pu entraver notre travail dans le passé.»
Il y a eu une évolution depuis la fondation : le projet endosse maintenant nettement le wokisme. Ce n’est pas étonnant, les universitaires y jouent un rôle important et le wokisme est né dans le monde académique américain. Et, plus inquiétant, le texte parle de « disrupt the system ».
Jusqu’où peut aller cette « disruption » ? Une désintégration lente de l’intérieur ? Des actions plus radicales ?
La formation des leaders et du réseau
Si vous voulez devenir un membre du « Corps des leaders du climat » vous pouvez vous inscrire au processus de formation.
Vous apprendrez entre autres :
« À devenir un leader et un activiste efficace, équipé avec les outils essentiels pour parler en public, influencer les décideurs, argumenter, organiser des communautés et plus encore.
Mais aussi : Comment le racisme systémique nourrit la crise climatique et conduit à une profonde injustice. »
Sur le fond scientifique, on peut avoir une idée de ce qui est enseigné par une video d’Al Gore ici. C’est un exposé non sourcé de catastrophes relevant de la météo, pas du climat, et un étalage de solutions (solaire et éolien) présentées comme « explosant » alors qu’elles ne représentent qu’un pourcentage infime de la production d’énergie.
Et vous aurez les outils pour :
« Faire monter la sensibilisation et influencer l’opinion publique lorsque c’est important, inciter vos amis, collègues et votre communauté à passer à l’action, faire pression efficacement sur les politiciens pour qu’ils agissent et endossent de justes solutions au climat. »
Évidemment, ce moule commun est l’occasion d’échanger et de former une communauté soudée.
Mais il y a aussi le réseau des « speakers pour aider à argumenter entre vérité et fiction, et décrire ce que signifie le réchauffement pour chaque communauté. »
Les cibles sont les classes défavorisées, les communautés de croyants, et les shapers. La communauté des global shapers a été initiée par le fondateur du « World economic forum », qui la soutient et la finance. Il s’agit de jeunes de moins de trente ans (7000 membres dans 170 pays, 369 villes) censés jouer un rôle actif dans l’élaboration des agendas locaux, régionaux et mondiaux.
Les moyens
Le budget annuel est de l’ordre de 25 millions de dollars, dont sept millions de salaires.
L’équipe de permanents est en effet impressionnante. Outre un conseil d’administration de 13 membres, on compte dix responsables de branches et pas moins de 80 salariés.
Les branches sont les zones géographiques : Afrique du sud, Australie, Brésil, Canada, Europe, Inde, Indonésie, Japon, Amérique latine, Philippines et USA. Les USA sont organisés en chapters, mot difficile à traduire car il est typiquement américain. Cela peut vouloir dire section mais aussi communauté fraternelle ou religieuse. La Chine est partie prenante via un partenariat mais n’a pas de manager et la sphère russe est absente.
Chaque branche a son site internet. En Europe il y a 3825 leaders, trois permanents et onze coordinateurs. En France, actuellement, c’est Sherazade Zaiter, une avocate engagée en politique du coté du Modem.
Un défi à la démocratie
Il ne s’agit pas ici de donner un quelconque avis sur le fond de l’affaire climatique.
Ce qu’il faut retenir, c’est comment les outils modernes de la sociologie, de la gestion des organisations et de la communication, bien utilisés, peuvent être incroyablement dangereux pour le libre arbitre des populations.
Le ciblage des jeunes, des communautés y compris religieuses, l’utilisation d’autres organisations du même type (les shapers) par un réseau efficace, la normalisation d’éléments de langage commun, l’utilisation de la peur, la caricature de la science, jusqu’où cela peut-il aller ? Dans l’histoire de l’humanité, on ne compte plus les périodes o pour sauver les gens d’eux-mêmes, une minorité dite éclairée les plongeant dans le désastre.
Une interview de 2006 dans le journal Grist est restée célèbre :
Question : « il y a de nombreux débats en ce moment sur la meilleure façon de communiquer sur le réchauffement climatique et motiver les gens. Effrayez vous les gens, ou donnez- vous de l’espoir ? Quel est le bon dosage ? »
Al Gore : « je pense que la réponse à cela dépend de l’état d’esprit de l’audience. Aux USA, malheureusement, nous vivons encore dans une bulle d’irréalité. Et la catégorie 5 du déni est un énorme obstacle pour toute discussion sur les solutions. Personne n’est intéressé par les solutions s’il ne pense pas qu’il y a un problème. À partir de là, je crois que lorsqu’on présente les faits c’est approprié d’avoir une surreprésentation de combien c’est dangereux, ceci pour conduire l’audience à écouter les solutions, et que nous sommes confiants dans notre capacité à résoudre la crise. »
Gore s’intéresse à la chose religieuse depuis son plus jeune âge. Alors qu’il travaillait pour le Tennessee, il s’engagea à la Haute école de la religion de l’université Vanderbilt et hésita entre une carrière religieuse et politique. Le terme « voyage » pour désigner le cursus des leaders, les chapters aux USA, l’agitation de la perspective d’une apocalypse, un corps de missionnaires chargés de porter la « vérité » au monde, et surtout « relier les sciences du climat et du comportement au pouvoir émotionnel d’histoires captivantes », cela ne rappelle-t-il rien ?
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