La mode est au souverainisme économique. Le désir d’être, comme nation ou comme peuple, moins dépendants des autres est justifié. Mais il ne peut pas s’agir pour un pays d’être totalement autosuffisant, de maîtriser tous ses besoins économiques, alimentaires, énergétiques, sanitaires… Un pays, surtout un pays petit ou moyen, ne peut pas satisfaire par ses propres produits à tous les besoins de sa population.
L’échange de produits et services avec le monde entier permet tout à la fois d’élargir le marché des entreprises audacieuses, de favoriser la concurrence et donc le consommateur, d’accélérer l’innovation et de la répandre plus vite. Ricardo déjà soulignait au XIXème siècle à juste titre que le libre-échange contribue à une meilleure allocation de ressources en :
- favorisant la productionet la croissance économique,
- augmentantla diversité des produits disponibles,
- stimulant la recherche de gains de productivité.
Ce qui explique que l’accélération des échanges, depuis les années 1980, notamment après la chute du mur de Berlin, a favorisé la lutte contre la pauvreté. En quarante ans, avant la Covid, la grande pauvreté est passée de 40% à moins de 10% de la population mondiale qui avait pourtant augmenté dans le même temps de plus de 50%. Nous vivons dans un monde globalisé où nous avons tous quelque chose à vendre à d’autres et plus le marché est important, plus nous avons d’opportunités de trouver la contrepartie de ce que nous offrons. La variété et la complexité des biens que chacun de nous utilise quotidiennement supposent des fournitures en provenance du monde entier et permet au plus grand nombre de participer à cette immense chaîne de production.
Eviter la dépendance
Mais bien sûr, il ne faut pas élargir les échanges avec l’étranger en se rendant dépendant d’un fournisseur unique. C’est la bêtise qu’ont faite tant de pays européens qui se sont approvisionnés en gaz principalement auprès des Russes : l’Allemagne leur achetait 55% (contre 17 % pour la France) de son gaz devenu une source essentielle d’énergie après l’abandon du nucléaire.
Il n’est pas stupide de relocaliser certains produits ou une partie de leur production. Mais ça ne peut pas se faire de manière autoritaire, par décision gouvernementale. C’est un jeu subtil entre la volonté politique et les décisions des entrepreneurs. La mondialisation de ces dernières années a eu lieu parce qu’au niveau mondial (GATT/OMC) les pays sont convenus de réduire les freins au commerce que constituent toujours les droits de douanes et les réglementations particulières, ce qui a incité des entrepreneurs à développer des transactions transfrontalières. Mais le commerce mondial, note l’OMC, qui avait augmenté deux fois plus vite que le PIB mondial avant la crise financière, est retombé déjà, après celle-ci, sa croissance n’étant plus depuis lors qu’égale à celle du PIB, sans doute notamment du fait de la généralisation des contrôles et contraintes très stricts de toutes les transactions internationales qui l’ont entravé.
Les échanges internationaux sont moins ceux des nations, comme Ricardo le disait à tort, que ceux des particuliers. Si une grande partie des productions pharmaceutiques françaises ont été délocalisées, comme on s’en est aperçu lors de la crise Covid, c’est parce que les conditions de fabrication en France sont devenues trop onéreuses, particulièrement au niveau des charges sociales et fiscales comme au titre des contraintes réglementaires. La France fait payer à ses entreprises le coût de son modèle social qui est le champion du monde des dépenses : 33% du PIB. Pour que les productions reviennent en France, il ne suffira pas de multiplier des aides provisoires et insuffisantes à la relocalisation. Il faut une politique durable d’abaissement des coûts sociaux et de déréglementation.
La diversification peut être préférable à la relocalisation
Au demeurant, nous nous protégerons mieux des risques internationaux comme les pandémies ou les guerres en diversifiant nos ressources plutôt qu’en voulant tout faire nous-mêmes. Ce serait d’ailleurs impossible. « Les politiques de relocalisation d’activités pourraient exposer davantage les économies aux ruptures d’approvisionnement et non pas moins. » observe Pierre-Olivier Gourinchas, le chef économiste du FMI. C’est une question de dosage. Oui, il serait astucieux de développer nos gisements de gaz de schistes, avec les précautions écologiques utiles, plutôt que de s’y refuser par principe. Mais nous ne disposons sur notre sol ni de toutes les matières premières (métaux rares, minerais…) ni de toutes les ressources humaines nécessaires pour satisfaire à nos besoins. Ou alors, comme certains le souhaitent, il faudrait vivre plus frugalement, voire très pauvrement ! Mais quoi qu’en disent les Rousseauistes nostalgiques, les gens ne le souhaitent pas et ceux qui le veulent en reviendraient sans doute bien vite. Il ne s’agit donc pas de rompre les chaînes de valeurs mondiales, mais de les diversifier, pour ne pas mettre nos œufs dans le même panier, et de les équilibrer pour éviter des drames.
Continuons donc plutôt de goûter aux richesses du monde avec tempérance et de rêver avec Baudelaire qui nous invitait au voyage : « Vois sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l’humeur est vagabonde ; C’est pour assouvir Ton moindre désir Qu’ils viennent du bout du monde. »
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