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30 juin, 2021

Épistémologie économique

Par André Dorais

Épistémologie économique

Bien qu'on dise souvent que les économistes ne s'entendent pas entre eux, il est surprenant de constater combien sont nombreux ceux qui se rallient à une même définition de la science économique.  Ce qui est moins surprenant, c'est de constater qu'à partir d'une même définition ou, à tout le moins, une définition similaire, on puisse utiliser des méthodologies si différentes pour expliquer les phénomènes.

«L’économie est la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre les fins et les moyens rares à usages alternatifs.»  Essai sur la nature et la signification de la science économique, Lionel Robbins, Librairie de Médicis, Paris 1947 (publication originale en anglais, 1932)

Au moment d'écrire ces lignes Robbins avait une vision misésienne de l'économie, à savoir qu'elle constitue une science sociale et qu'elle utilise le raisonnement déductif pour établir ses propositions.  Il a ensuite abandonné ces idées au profit de la rigueur mathématique plutôt que logique d'une part et d'autre part, d'une science plus «positive» que normative, c'est-à-dire qui tente de décrire les choses telles qu'elles sont, sans y ajouter de jugements de valeur.  Tâchons d'y voir plus clair en commençant par définir schématiquement la méthodologie utilisée en science de la nature et reprise par une majorité d'économistes.

Les sciences pures ne prétendent pas expliquer les causes ultimes des phénomènes, mais leurs causes extérieures, soit celles vues, perçues et comprises par les hommes et les femmes qui les analysent.  Ces scientifiques émettent des hypothèses qui essaient de rendre compte des phénomènes le plus précisément possible.  Ils testent leurs hypothèses par l'entremise de diverses expériences menées sur le terrain ou en laboratoire.  Plus celles-ci correspondent aux phénomènes observés, plus les hypothèses utilisées sont considérées comme justes et explicatives.

Plusieurs économistes utilisent cette méthode pour décrire leur objet de recherche; par exemple, Milton Friedman écrit (traduction libre):

«La question pertinente à demander à propos des postulats d'une théorie n'est pas de savoir s'ils décrivent bien la réalité, car ils n'y arrivent jamais, mais de savoir s'ils sont de bonnes approximations.  Cette question n'a de réponse qu'en évaluant si la théorie fonctionne, c'est-à-dire si les prédictions qui en résultent sont suffisamment précises.»  Essays in Positive Economics, Chicago, Chicago University Press, 1953, p.15

On doit réaliser deux choses de cette façon de voir l'économie.  D'abord, elle fait sienne la méthode utilisée par les sciences naturelles, à savoir d'émettre des hypothèses pour décrire la réalité.  Ensuite et plus important, bien qu'uniquement sous-entendu par cette méthodologie, est l'utilisation des mathématiques pour décrire les phénomènes économiques.  On utilise les mathématiques entre autres choses parce qu'on pense qu'elles facilitent les prédictions.  Pour ce faire, on traduit d'abord les phénomènes économiques sous forme algébriques et statistiques dans le but d'en faire des équations.

Cette méthodologie économique est dominante, mais elle n'est pas partagée par tous.  En effet, les partisans de l'école autrichienne d'économie la rejettent.  (Je fais allusion ici principalement à la lignée Menger, Böhm Bawerk, Mises et Rothbard de l'école.)  Pour eux, étant donné que l'activité humaine est le principal objet de recherche de la science économique, alors son analyse ne peut être que qualitative.  Ils rejettent l'approche hypothético-mathématique pour rendre compte des phénomènes économiques non pas par manque de sérieux, mais au contraire pour ne pas perdre de vue l'essentiel de ce qu'ils ont à expliquer, soit l'action humaine qui vise un but.

Hypothèses testées empiriquement pour en déduire des lois vs déduction de lois à partir de la compréhension que l'homme agit d'après les buts qu'il se donne

Les économistes de l'école autrichienne n'émettent pas d'hypothèses pour expliquer les phénomènes et établir des lois, ils déduisent plutôt quelques principes à partir du constat que l'homme agit toujours d'après les buts qu'il se donne.  N'allons pas trop vite et analysons comment Jean-Baptiste Say présentait la science économique en 1803:

«L’économie politique, de même que les sciences exactes, se compose d’un petit nombre de principes fondamentaux et d’un grand nombre de corollaires, ou déductions de ces principes.  Ce qu’il y a d’important pour les progrès de la science, c’est que les principes découlent naturellement de l’observation; chaque auteur multiplie ensuite ou réduit à son gré le nombre des conséquences, suivant le but qu’il se propose[...]  Un traité d’économie politique se réduira alors à un petit nombre de principes, qu’on n’aura pas même besoin d’appuyer de preuves, parce qu’ils ne seront que l’énoncé de ce que tout le monde saura, arrangé dans un ordre convenable pour en saisir l’ensemble et les rapports.»  Traite-deconomie-politique-Jean-Baptiste-Say.pdf (institutcoppet.org), p.14

Lorsque Say écrit que les principes n'ont pas besoin de preuves, il signifie qu'ils n'ont pas besoin d'être testés ou mis à l'épreuve pour conclure qu'ils décrivent bien la réalité.  Ces principes (lois, théorèmes) sont logiquement déduits de quelques faits d'expérience simples et incontestables.  L'expérience illustre la validité des théorèmes et nul ne peut les réfuter.  En voici quelques exemples:

Fait d'expérience 1:

La première unité d'un bien économique est utilisée là où elle a le plus de valeur pour l'individu; la deuxième unité est utilisée à la deuxième chose en importance pour l'individu et ainsi de suite.  La consommation de ce bien varie selon le nombre d'unités à sa disposition, selon l'endroit où on possède ces unités et évidemment selon les désirs de chaque individu.  Il en est ainsi pour tous les individus et pour l'ensemble de leur consommation des biens et services.  En effet, on n'a pas besoin de vérifier ou de tester l'ensemble de la consommation de chaque individu pour conclure qu'il en est toujours ainsi.  De ce constat, on établit la loi de l'utilité marginale décroissante.

Une précision s'impose car lorsqu'on parle de cette loi plusieurs économistes ont à l'esprit la définition de Gossen, à savoir que les besoins charnels et les besoins de se nourrir diminuent en intensité à mesure qu'ils sont comblés.  Or dans l'optique autrichienne cette loi ne relève pas d'un aspect physiologique ou psychologique de l'être humain, mais de son esprit calculateur ou planificateur.  En effet, il est important de noter qu'on ne déduit pas cette loi de l'observation seule, mais grâce à la connaissance que nous avons de l'être humain qui agit d'après les objectifs qu'il se fixe et les valeurs qui l'animent.  Autrement dit, il ne suffit pas de dire de cette loi qu'elle est déduite de l'observation ou d'expériences de consommation. 

Ce qu'on peut déduire et confirmer, cependant, c'est que ces expériences ne sont pas nécessaires pour établir la véracité de la loi.  En d'autres mots, on n'a pas besoin d'études empiriques pour conclure que la loi de l'utilité marginale est infaillible.  On le sait a priori, dirait Ludwig von Mises.  À propos des lois ou affirmations économiques il écrit:

«Ses affirmations et ses propositions [...] sont, comme celles des mathématiques et de la logique, a priori.  Elles ne sont pas susceptibles d'être vérifiées ou controuvées [falsifiées] sur la base d'expériences ou de faits.  Elles sont à la fois logiquement et chronologiquement antécédentes à toute compréhension de faits historiques.»  Laction-humaine-Ludwig-von-Mises.pdf (institutcoppet.org) p.47

Comme toute analogie, comparer les lois économiques aux lois ou propositions mathématiques et logiques contient sa part de risque.  Mises ne dit pas que les lois économiques sont similaires en tout point aux lois ou propositions mathématiques, il dit simplement qu'on n'a pas besoin de les tester empirement pour établir leur véracité.  La comparaison s'arrête là.  En effet, les lois économiques se différencient des propositions mathématiques parce qu'elles s'appuient sur la compréhension de l'action humaine.  De leur côtés, les propositions mathématiques et logiques sont analytiques, c'est-à-dire établies à partir de définitions.   

Fait d'expérience 2:

Lorsqu'un gouvernement fixe un prix maximum ou une augmentation maximale pour un service, on risque une pénurie de ce service.  Par exemple, si le gouvernement décrète une augmentation maximale de 2 % du prix des loyers, alors la qualité des logements à louer ira en diminuant faute de pouvoir en rentabiliser les coûts de maintenance.  Non seulement la qualité des logements diminuera, toutes choses égales par ailleurs, mais leur quantité aussi et pour les mêmes raisons.  En effet, par crainte de ne pouvoir les rentabiliser, les entrepreneurs ont moins intérêt à se lancer dans pareille construction, d'où le risque de pénurie de logements.  Ils construiront plutôt d'autres types de maisons, voire se lanceront dans d'autres secteurs d'activités économiques. 

Fait d'expérience 3:

À l'inverse, lorsqu'un gouvernement fixe un prix minimum pour un service, par exemple le salaire des employés, cela risque de conduire à un surplus de main-d'œuvre.  Si une augmentation du salaire minimum ne se traduit pas par un surplus de main-d'œuvre et que toutes autres choses sont égales par ailleurs, alors le ou les effets de cette hausse se répercuteront nécessairement ailleurs.  On peut penser à une réduction du nombre d'heures travaillées pour un même effectif ou à une augmentation des produits ou services offerts par l'employeur qui subit l'augmentation de salaire.  Ces conséquences sont incontournables, mais pas nécessairement immédiates, ni évidentes à identifier a priori.

Ce que l'on doit conclure de ces deux derniers exemples est que peu importe comment se traduisent les interventions gouvernementales, elles ont un impact certain qui n'est pas à l'avantage de tous les partis concernés, voire elles nuisent à tout le monde à moyen terme.  De ces faits, on doit conclure que tout échange qui n'est pas établi sur une base volontaire n'est pas rentable pour l'ensemble des individus concernés : employeurs, employés et consommateurs.  À l'inverse, l'échange volontaire au moment de la transaction est avantageux pour tous les partis concernés, sinon ils ne transigeraient pas ensemble.  Évidemment, avec le temps, on peut regretter certaines transactions ou certains échanges, mais il n'en demeure pas moins vrai qu'au moment de transiger on y voyait un avantage.  De ces constats, on établit la loi de l'association, soit tant et aussi longtemps qu'un échange est établi librement, il est nécessairement considéré rentable pour les partis concernés.  Encore une fois, nul besoin d'études empiriques pour en arriver à cette conclusion.

Fait d'expérience 4:

Plus on augmente le prix d'un bien économique, moins on peut s'en procurer, toutes choses égales par ailleurs.  À l'inverse, plus on baisse le prix d'un bien, plus on voudra s'en procurer, toutes choses égales par ailleurs.  Il en est ainsi, car les ressources sont rares et les désirs infinis.  On en déduit les lois de l'offre et de la demande.  Ces lois ne relèvent pas de la mécanique, mais de l'action humaine.  Par conséquent, il est possible qu'une augmentation substantielle du prix d'un bien économique n'ait aucun impact à court terme sur la quantité acheté de ce bien; mais dans ce cas l'individu qui a ainsi déboursé davantage pour se le procurer en même quantité aura nécessairement moins de ressources pour se procurer d'autres biens économiques.  Autrement dit, à partir de ces lois on déduit avec certitude des conclusions générales.

Cette prétention à la certitude n'implique pas une arrogance intellectuelle, mais au contraire un respect de l'histoire de la pensée économique.  En effet, plutôt que de rechercher des constantes là où il ne peut y en avoir les partisans de l'école autrichienne se contentent de travailler avec ces lois (de l'association, de l'offre, de la demande, de l'utilité marginale, etc.) établies depuis longtemps.  Cela contraste avec la connaissance établie par la méthodologie empiriste.  En effet, puisqu'avec le temps il est toujours possible d'éliminer des erreurs et conséquemment de mieux décrire la réalité, la plus récente connaissance établie par cette méthodologie apparaît toujours comme étant plus précise.  Pour faire avancer leur science les physiciens ont-ils besoin de lire Aristote, Galilée et Newton?  Non, ils se contentent plutôt des articles et des manuels contemporains.   Mais ce qui est bien pour les uns ne l'est pas nécessairement pour les autres...

Les lois économiques se distinguent également des équations établies d'après la méthodologie empiriste de la science économique, soit celle qui domine cette science et qui utilise des corrélations, statistiques et mathématiques pour décrire son objet de recherche.  Ces équations (par exemple: MV=PT, Y=C+I+G+(X-M), etc.) s'apparentent à des lois, mais elles n'ont rien à voir avec les lois ou principes décrits plus haut.  Elles ne prétendent pas prédire l'avenir, mais elles prétendent néanmoins offrir un juste portrait de l'économie.  Est-ce le cas?   

Les partisans de l'école autrichienne d'économie ne sont éblouis ni par les mathématiques, ni par l'empirisme méthodologique.  Ils dénigrent ni l'un, ni l'autre, mais considèrent que ces méthodes ne conviennent pas à leur science.  Ils jugent que les lois économiques n'ont nul besoin d'être testées empirement pour en déterminer la véracité.  Ils ne partent pas d'hypothèses qu'ils testent empiriquement, mais de faits d'expérience combinés à leur compréhension de l'action humaine pour déduire quelques lois ou principes. 

Pour reprendre la terminologie kantienne, les lois économiques, telles que définies par l'école autrichienne, constituent des propositions synthétiques a priori, soit des propositions qui ne sont ni analytiques, ni a posteriori.  Elles ne sont pas analytiques, car elles ne s'appuient pas uniquement sur la logique formelle ou de simples définitions.  Elles se fondent plutôt sur l'expérience en un sens large, soit une compréhension de l'observation.  Pour cette même raison, on dit qu'elles ne sont pas déterminées a posteriori, soit par l'observation seule.

La méthodologie autrichienne d'économie se fonde sur des lois inviolables et non des hypothèses.  Du même souffle, cependant, elle ne prétend pas qu'à partir de ces lois on puisse déduire les conséquences de l'action humaine avec autant de précision que les actions ou mouvements décrits par les sciences de la nature.  Il en est ainsi pour la raison évidente que leurs objets respectifs de recherche ne sont pas de même nature.  Pour la même raison, elle préconise le raisonnement déductif plutôt que la formalisation mathématique. 

Si sa méthodologie est si riche c'est, à mon humble avis, simplement parce que son objet de recherche est plus précis que celui préconisé par les autres écoles économiques de pensée.  En effet, je ne dirais pas que ces écoles ont perdu de vue l'objet de leur recherche, mais plutôt qu'elles ne l'ont jamais bien défini.  Ainsi, sous le prétexte d'être plus scientifiques, elles ont mathématisé les phénomènes qu'elles associent à l'économie au détriment de son essence, soit l'action humaine qui vise un but.  On se retrouve avec des relations soi-disant constantes dans un monde où il ne peut y en avoir et des équations qui n'ont plus rien à voir avec l'action individuelle.  En d'autres mots, on délaisse l'objectif principal au profit de la méthode utilisée et conséquemment on dénature, au moins partiellement, la science économique.  Cela manque de rigueur, mais certains individus et certaines institutions y trouvent leur compte. 

Pourquoi la praxéologie est plus pertinente que les mathématiques pour décrire les phénomènes économiques

On a déjà mentionné que l'action humaine ne présente pas de constante.  Cela signifie qu'on ne peut pas mesurer les phénomènes économiques justement parce qu'ils sont changeants.  Par exemple, bien qu'il soit vrai que plus les revenus d'un individu sont élevés, plus il risque d'augmenter ses dépenses de consommation, cela n'a rien de sûr ni d'automatique, car de plus hauts revenus ne causent pas de plus hautes dépenses.  L'homme ne réagit pas mécaniquement aux incitatifs quels qu'ils soient. 

Cette corrélation, comme toutes les autres utilisées en économie, n'établit pas une constante, mais une donnée historique.  L'utilisation des mathématiques pour décrire les phénomènes économiques fait d'eux des phénomènes statiques et préexistants.  Cela fait de l'économie non pas une science qui tente de décrire la logique des évènements économiques, mais une science de l'histoire économique.  L'étude des corrélations et des statistiques est une étude du passé et elle ne permet pas d'identifier les lois économiques. 

On ne peut pas étudier l'action humaine comme on étudie les objets inanimés, car ceux-ci n'ont pas d'objectif, alors que celle-là en a.  L'action humaine dont on parle en économie est celle qui vise un but.  C'est le point de départ de la science économique et son principal objet de recherche.  Mises définit l'économie comme «une science des moyens à mettre en œuvre pour la réalisation de fins choisies, et non pas, assurément, une science du choix des fins.»  Ibid. p.21.  Cette définition, bien que similaire à celle de Robbins, fait ressortir davantage l'aspect dynamique de l'action.  Mises partage l'idée de Robbins que l'économie doit être dépourvue des jugements de valeur, mais à la différence de celui-ci il n'a jamais cédé à l'idée de remplacer la déduction logique par le raisonnement mathématique.  Cela tient de sa compréhension du concept de l'action humaine.   

On observe que l'homme agit, on sait qu'il agit dans un but, selon des motifs, mais en l'observant uniquement agir, on ne peut pas déterminer dans quel but il agit.  La notion d'action humaine implique plusieurs catégories dont celles de cause, effet, avant, après, choix et préférence, ce dont les mathématiques ne peuvent pas rendre compte de manière adéquate, pas plus d'ailleurs que la logique formelle.  À l'instar des mathématiques la logique pure relève d'un système idéal de pensée.  Les relations et les implications qui en découlent coexistent et sont interdépendantes, par conséquent elles sont intemporelles.  L'étude de la logique de l'action, que Mises qualifie de «praxéologie» et dont l'économie en est l'exemple le plus achevé, au contraire tient compte du temps et conséquemment des catégories de cause et d'effet.  Autrement dit la science économique, selon Mises, fait partie de la praxéologie qui fait partie de la logique qui, à son tour, fait partie de la philosophie.

Les mathématiques, tout comme la logique formelle (pure ou abstraite) établissent un monde statique où les choix sont éliminés.  Par exemple, lorsqu'on trace les courbes de l'offre et de la demande dans un repère orthogonal on obtient à la fois le prix et la quantité, ce qui implique que l'action individuelle n'a aucune influence sur eux.  Or dans le monde réel, c'est le contraire qui est vrai.  En effet, c'est uniquement grâce à l'action individuelle que les prix et les quantités d'un bien économique peuvent être modifiés.  Certes, les mathématiques peuvent rendre compte des mouvements dynamiques des objets grâce au calcul différentiel, mais encore une fois l'action humaine agit d'après un objectif, ce qui n'est pas le cas des objets inanimés.  De plus, l'action humaine avance par étapes distinctes plutôt que par étapes infiniment petites.  Autrement dit, la précision mathématique pour décrire les phénomènes économiques, soit l'action humaine qui vise un but, constitue en quelque sorte une exagération de cette réalité. 

Les équations différentielles décrivent avec précision les mouvements des objets inanimés à chaque instant du temps traversé, mais les équations économiques ne peuvent pas traduire l'action humaine de même manière, car l'être humain ne se comporte pas de manière mécanique.  Les courbes de l'offre et de la demande nous offrent un portrait approximatif de l'action, mais non de sa cause.  L'homme ne se rapproche pas progressivement d'un état de non-équilibre à un état d'équilibre.  De plus, il n'est pas toujours rationnel comme le laisse entendre la précision mathématique. 

En somme, bien qu'on ne nie pas l'utilité des mathématiques en économie on considère que la déduction logique convient davantage à sa description.  Décrire les phénomènes économiques revient à décrire les choix effectués par les individus et pour bien faire ce travail la praxéologie convient davantage que les mathématiques.  Laissons celles-ci servir d'outils pour décrire les mouvements des pièces mécaniques et des corps célestes et utilisons celle-là pour décrire les phénomènes économiques.  La praxéologie est une logique en soi qui se distingue de la logique formelle.  Elle mérite d'être étudiée autant sinon plus que l'analyse statistique associée aux phénomènes économiques.

La praxéologie ne constitue pas une méthodologie empiriste, car l'observation des phénomènes économiques est insuffisante pour les décrire correctement.  On la qualifie donc plus volontiers de rationnelle, car elle nécessite la réflexion individuelle.  Celle-ci permet de déduire des lois économiques qui, à leur tour, permettent de prédire avec certitude les conséquences générales de l'action humaine.  Puisque la praxéologie ne se sert pas d'hypothèses pour décrire les phénomènes économiques, on n'a donc pas à les tester ou les mettre à l'épreuve, ce qui ne signifie pas qu'ils soient faciles à décrire pour autant.  Au contraire, une réflexion et description qui tiennent compte des dimensions temporelles et causales des choix et des décisions individuels ne constituent pas une mince tâche à effectuer.  C'est difficile, mais nécessaire.  Et intéressant!

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