Comme le montrent le Luxembourg, la Suisse et l’Irlande, ce ne sont pas nécessairement les dépenses sociales et la redistribution qui élèvent le niveau des plus pauvres.
Par Eben McDonald.
Un article de Mises.org
Les sociaux-démocrates font souvent l’éloge des pays nordiques en tant qu’exemples du succès de l’impôt progressif, des États-providence généreux et des syndicats puissants.
Les partisans du libre échange ont répondu que non seulement ces pays se sont enrichis bien avant que ces politiques soient mises en place, mais qu’ils ont également autant d’agilité réglementaire que les États-Unis, selon les données de la Banque mondiale.
Cependant, nous devrions également tourner nos regards vers les pays qui ont adopté ce que l’on appelle le néo-libéralisme comme moyen de s’enrichir et de réduire la pauvreté. Il s’avère que cette stratégie a fait ses preuves et que certains pays d’Europe ont des niveaux de vie tout aussi élevés, sinon plus, que ceux des pays scandinaves. Nous examinerons ici trois exemples.
LE LUXEMBOURG
Le Forum économique mondial est célèbre pour sa volonté de « remettre à zéro » le capitalisme afin de pouvoir « orienter le marché vers des résultats plus équitables, en tenant compte des risques et des opportunités environnementaux et sociaux et en ne se concentrant pas uniquement sur les profits financiers à court terme ».
Cependant, chaque année, le Forum économique mondial présente l’indice de compétitivité mondiale. Le but est de classer les pays les plus développés économiquement et les plus productifs de la planète en termes d’infrastructures, d’éducation et de santé publique.
Cet indice composite comporte douze indicateurs principaux : les deux plus pertinents pour notre propos sont les premier et septième indicateurs, « institutions » et « efficacité du marché du travail ». Au sein de chaque indicateur, il existe des sections plus petites. Les institutions comprennent des facteurs tels que les « droits de propriété », le « poids de la réglementation gouvernementale » et le « gaspillage des dépenses publiques », tandis que l’efficacité du marché du travail inclut « l’effet de la fiscalité sur les incitations à travailler ».
On peut facilement utiliser les données du Forum économique mondial pour démontrer que les pays les plus prospères du monde sont orientés vers le marché et favorables aux entreprises. Ici, notre exemple est le Luxembourg.
Selon le Pew Research Center, une personne à faible revenu au Luxembourg est plus riche qu’une personne à faible revenu dans n’importe quel autre pays occidental, y compris les pays nordiques.
Le pays peut se vanter d’avoir la deuxième classe moyenne la plus riche au monde et le revenu médian le plus élevé au monde. Malheureusement, le Pew Research Center ne définit pas les limites du percentile de revenu de chaque catégorie. Afin de compléter nos propos, les informations d’Eurostat montrent qu’en 2019, les 10 % les plus pauvres du Luxembourg sont les quatrièmes plus riches d’Europe.
Comment expliquer ce phénomène ? Le gouvernement luxembourgeois consacre-t-il des sommes considérables à l’aide sociale ?
Si les dépenses sociales sont légèrement supérieures à la moyenne de l’OCDE, à 21,6 % du PIB, le Luxembourg reste en dessous de nombre de ses voisins. En fait, les prélèvements fiscaux représentent 33,8 % de l’économie luxembourgeoise, ce qui est très inférieur à la moyenne ; beaucoup considèrent même le Luxembourg comme un paradis fiscal. Grâce à des taux d’imposition favorables sur la propriété, les sociétés et le capital, le Luxembourg se classe cinquième dans l’indice de compétitivité fiscale.
C’est ici que les données du Forum économique mondial prennent sens. Certes, le Luxembourg est mal classé pour la facilité de création d’une entreprise.
Toutefois, il se classe :
- au neuvième rang pour le poids de la réglementation gouvernementale sur les entreprises, c’est-à-dire le degré de liberté d’une entreprise par rapport à la bureaucratie ;
- au cinquième rang pour les droits de propriété ;
- au troisième rang pour la protection de la propriété intellectuelle ;
- au dixième rang pour les effets de la fiscalité sur les incitations à travailler ;
- au huitième rang pour les effets de la fiscalité sur les incitations à investir ;
- au douzième rang pour le total des impôts en pourcentage des bénéfices.
Selon ces critères, le Luxembourg est une véritable économie de marché. Il a une longue histoire d’adhésion à la liberté économique. Entre 1970 et 2001, il a constamment occupé l’une des dix premières places de l’indice de liberté économique de l’Institut Fraser.
Ludwig von Mises nous a enseigné que la productivité marginale du travail, et donc les salaires, sont déterminés par la facilité avec laquelle les entreprises peuvent investir et accumuler du capital, sans paperasserie, sans fiscalité, sans bureaucratie, sans dette publique et sans inflation. L’environnement favorable aux entreprises au Luxembourg explique pourquoi le pays possède les travailleurs les plus productifs au monde. Par conséquent, selon les normes internationales les pauvres au Luxembourg ont un niveau de vie très élevé.
LA SUISSE
La Suisse se situe avec le Luxembourg dans le haut du classement des indicateurs du Forum économique mondial.
Elle se classe :
- au troisième rang pour les droits de propriété ;
- au douzième rang pour le poids de la réglementation gouvernementale sur les entreprises ;
- au dixième rang pour les effets de la fiscalité sur les incitations au travail (elle est très bien classée pour le reste des paramètres que j’ai utilisés. Je ne fais pas de sélection de données) ;
- au quatrième rang, juste devant le Luxembourg, sur l’indice de compétitivité fiscale.
Le pays est également connu pour sa discipline budgétaire. En 2001, 85 % des électeurs suisses ont voté en faveur d’un frein à l’endettement qui oblige essentiellement le gouvernement à dépenser en fonction de la croissance des recettes. Depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2003, la dette publique de l’économie suisse est passée de 60 % du PIB à 41 % aujourd’hui.
L’accent mis par la Suisse sur la démocratie directe signifie que l’argent du gouvernement doit être dépensé de manière efficace et prudente. Une étude a révélé que la démocratisation directe dans les cantons suisses (l’équivalent des États ou des districts du Congrès) a réduit les dépenses sociales de 19 % en moyenne. Les électeurs suisses ont clairement un niveau de pragmatisme que la plupart des politiciens d’autres pays détesteraient.
Par exemple, lors d’un référendum en 2012, deux tiers des électeurs ont rejeté une proposition visant à étendre le congé annuel obligatoire du pays, ce qui « aurait pu ajouter 6 milliards de francs suisses (5 milliards d’euros, 6,52 milliards de dollars) aux coûts de main-d’œuvre des employeurs, selon l’Union suisse des arts et métiers (USAM), qui représente environ 300 000 entreprises ».
Le prélèvement fiscal global de la Suisse (28,5 % du PIB) est l’un des plus faibles de l’OCDE, et ses dépenses sociales sont de 16,7 %, bien en dessous du niveau de ses partenaires.
Pourtant, loin de ce que le modèle économique socialiste aurait prédit, les 10 % les plus pauvres de Suisse sont les troisièmes plus riches d’Europe.
Tout comme au Luxembourg, la productivité du travail en Suisse est incroyablement forte, la troisième plus élevée au monde. Les impôts et les formalités administratives sont faibles et comme la Suisse est le pays le plus ouvert du monde, les capitaux, les technologies et les investissements étrangers ont facilement accès aux marchés suisses.
Ceci dit, l’économie suisse a stagné ces dernières années. En 2020, le chômage a atteint un niveau record – un insupportable taux de 4,85 %. Cela suggère clairement que des impôts faibles et une réglementation flexible du marché du travail peuvent atténuer l’impact de la récession/stagnation économique.
L’IRLANDE
L’Irlande n’a pas toujours été une économie de marché enthousiaste. En 1970, en proie à de profonds conflits politiques et religieux, l’Irlande avait une note de 6,55 sur l’indice de liberté économique de l’Institut Fraser, ce qui la plaçait à une quelconque dix-neuvième place. Ainsi, en 1980, le revenu par habitant de l’Irlande était inférieur à celui de tout pays d’Europe occidentale digne de ce nom ; son taux de chômage était supérieur à 12 % ; l’inflation galopait à 20 %.
Cependant, le gouvernement a commencé à faire des réformes : les impôts et les dépenses ont été réduits, et depuis 1980, la note de liberté économique de l’Irlande a augmenté de 22 %.
Aujourd’hui, l’Irlande est célèbre pour son taux d’imposition des sociétés de 12,5 % et son attractivité auprès des entreprises. Les prélèvements fiscaux ne représentent que 22,7 % de l’économie irlandaise, et les dépenses sociales un minuscule 13,4 %. Bien qu’elle se situe en dessous des deux autres pays que nous avons examinés, l’Irlande est dans le haut du panier en termes de protection des droits de propriété, de flexibilité réglementaire et de taux d’imposition sur les bénéfices.
Nombreux sont ceux qui affirment que la prospérité de l’Irlande n’est due qu’aux vastes transferts sociaux de l’Union européenne. Une étude indique toutefois que cette position est erronée.
Elle souligne tout d’abord que ces transferts ont subventionné les entreprises agricoles. S’ils ont augmenté les revenus des communautés rurales, ils ont découragé la migration vers les zones urbaines, où ces personnes auraient inévitablement été plus productives. Les transferts ont donc été un obstacle, et non un atout, pour la croissance économique.
Deuxièmement, l’étude souligne que si les taux de croissance en Irlande ont augmenté, les subventions de l’UE ont en fait diminué : l‘Irlande a commencé à recevoir des subventions après son adhésion à la communauté européenne en 1973. Les recettes nettes provenant de l’UE représentaient en moyenne 3 % du PIB pendant la période de croissance rapide (1995-2000), mais pendant la période de faible croissance (1973-1986), elles représentaient en moyenne 4 % du PIB. En termes absolus, les recettes nettes étaient à peu près au même niveau en 2001 qu’en 1985. Tout au long des années 1990, les paiements de l’Irlande au budget de l’UE ont augmenté régulièrement, passant de 359 millions d’euros en 1990 à 1527 millions d’euros en 2000. Pourtant, en 2000, les recettes en provenance de l’UE étaient de 2488 millions d’euros, soit moins que le niveau de 2798 millions d’euros de 1991.
Troisièmement, l’étude indique que si les subventions pouvaient expliquer la forte croissance de l’Irlande depuis les années 1990, on pourrait s’attendre à ce que d’autres pays qui reçoivent également des paiements importants de l’UE affichent des niveaux de prospérité similaires.
Or, ce n’est tout simplement pas le cas :
« Les fonds structurels et de cohésion de l’UE représentaient 4 % du PIB grec, 2,3 % du PIB espagnol et 3,8 % du PIB portugais. Aucun de ces pays n’a atteint un taux de croissance proche de celui de l’économie irlandaise. L’Espagne a enregistré une croissance moyenne du PIB de 2,5%, tandis que le Portugal a enregistré une croissance moyenne de 2,6 % et la Grèce une croissance moyenne de seulement 2,2 % entre 1990 et 2000. »
Ainsi, ce sont les marchés libres, et non les investissements de l’UE, qui ont stimulé la prospérité de l’Irlande.
Selon les normes américaines, l’Irlande reste un pays relativement pauvre. Toutefois, depuis la libéralisation économique, le pays a fait d’énormes progrès en matière de réduction de la pauvreté et d’augmentation des revenus grâce à la croissance économique. Par exemple, une étude (p. 34) a révélé que la pauvreté absolue est passée de 50 % en 1993 à 20 % en 2000 (une réduction plus importante que dans tous les pays nordiques).
Réduire le taux de pauvreté de 60% en sept ans seulement est vraiment impressionnant. Selon le Pew Research Center, entre 1990 et 2010, les revenus de la catégorie des bas revenus ont augmenté de 73 % (globalement, le revenu médian a augmenté de 70 %). Les données d’Eurostat le corroborent également, car depuis 2011 seulement, les revenus des 10 % d’Irlandais les plus pauvres ont augmenté d’un tiers.
CONCLUSION
Les progressistes utilisent les pays nordiques comme des exemples de systèmes socialistes réussis. Bien que ce ne soit tout simplement pas le cas, les partisans du libre échange devraient utiliser ces trois pays – le Luxembourg, la Suisse et l’Irlande – pour montrer que ce ne sont pas nécessairement les dépenses sociales et la redistribution qui élèvent le niveau des plus pauvres. Ce sont plutôt la croissance économique, les gains de productivité, l’esprit d’entreprise et les droits de propriété qui enrichissent les plus pauvres d’entre nous.
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