Le citoyen lambda qui a été persuadé de s’engager pour cette noble cause risque bien d’avoir prochainement le sentiment de s’être complètement fait gruger par la Loi climat lorsqu’il comparera les efforts demandés et l’insignifiance des résultats prévus.
Gros dilemme chez les députés LaREM au sujet de la discussion actuelle de la Loi climat qui met en musique les cogitations de la Convention Citoyenne du Climat, (CCC) nouvelle instance mise en place par le bon plaisir du Président.
Est-il préférable de présenter aux électeurs une image ultra-verte en votant tous les articles de la loi, ou bien faut-il ne pas oublier les victimes de ce nouvel oukase présidentiel en freinant des quatre fers, quitte à passer pour rétrograde ?
La question précise que se pose chaque député LaREM est la suivante : ai-je été élu par des écolos purs et durs, des adeptes de la décroissance telle qu’on la devine si on en vient à ces mesures climatiques de pointe, ou au contraire par des personnes davantage préoccupées par la fin du mois que par la fin du monde et qui n’ont pas envie de prendre à leur compte personnel les élucubrations climatiques d’un président qui semble être tombé dans la marmite verte ?
La réponse, c’est d’abord que les résultats des élections qui se sont succédé après les législatives de 2017 n’ont pas démontré que les électeurs à tendance écologique croyaient véritablement dans la fibre verte de la majorité. Et par voie de conséquence, qu’il faut prévoir une certaine tendance à l’absentéisme dans les rangs de la majorité au moment du vote des articles successifs (65 articles, 52 pages).
C’est une solution utilisée depuis longtemps par les parlementaires ne voulant pas indisposer certains électeurs et risquer de les perdre par la même occasion. Mais les absences devront être soigneusement organisées, sinon les rangées vides se remarqueraient un peu trop et pourraient faire la joie de journalistes un peu fouineurs.
Avec la Loi climat, expression du Plan climat, on entre dans le dur, même si le projet ne va pas assez loin selon certains extrémistes verts.
Voyons donc quelques caractéristiques de ce fameux plan.
LE PLAN CLIMAT NE COMPORTE PAS DE COMPTEUR DE PERFORMANCE
Sur le principe d’abord de ce genre de loi assez jusqu’au-boutiste : un projet normal comporte toujours un chapitre qui expose les résultats attendus par l’application du projet, avec, c’est indispensable, des compteurs de performance qui chiffreront les résultats obtenus.
Par exemple, dans un projet d’investissement portant sur l’amélioration d’une fabrication, le compteur peut être le nombre d’objets fabriqués avant et après l’investissement. La comptabilité analytique se chargera de mesurer en euro l’amélioration du prix de revient apportée par l’investissement, et en bout de chaîne, l’amélioration du résultat. Tous ces chiffres sont factuels et le ou les responsables de l’investissement pourront être récompensés en fonction des résultats obtenus.
Malheureusement, dans le cas du projet climat, ce n’est pas un simple thermomètre qui pourrait constituer le compteur de performance idoine pour mesurer en 2030 les progrès accomplis. En effet, l’appareil capable de mesurer ce résultat avec exactitude n’existe que dans les laboratoires les plus sophistiqués.
Jugez plutôt.
L’objectif confié à la Convention est de réduire les émissions françaises de CO2 de de 40 % en 2030. Remarquons que cette convention ne sait chiffrer que les impôts et taxes qu’elle recommande. Les tonnages de gaz à effet de serre évités ne sont jamais précisés autrement que par une évocation très vague de leur importance au moyen d’un système d’attribution d’étoiles du niveau de CM2.
Cet oubli est troublant, alors que le chiffre avait été précisé dans l’objectif fixé par la Convention. Il n’est en effet pas possible de proposer des recommandations précises sans les avoir chiffrées. Les ordres de grandeur, notions tout à fait indispensables pour orienter des débats si on les souhaite constructifs, ne sont pas précisés dans le rapport final de la Convention, ce qui rend la réflexion confuse et peut même générer une certaine dose d’utopie.
Essayons d’y voir plus clair au moyen de quelques chiffres.
La France a émis 452 millions de tonnes d’équivalent CO2 en 2017 (source). La réduction doit donc être de 181 millions de tonnes par an à partir de 2030, soit un total de 181 sur 70 ans = 12 670 millions de tonnes soit donc 12,7 gigatonnes de CO2 non émis en 2100. En supposant, bien entendu, que le Plan climat, reflet des recommandations de la Convention ou présenté comme tel, conduise évidemment à la non-émission de 40 % des émissions actuelles de CO2 de la France, ce qui, entre nous, n’est pas démontré.
Le Global Carbon Project est un organisme qui se charge, entre autres, de définir et de calculer des budgets carbone reliant les émissions de CO2 aux objectifs de température à ne pas dépasser.
Il a par exemple calculé que pour respecter une augmentation de température de 1,5 degré maximum, il ne faudrait pas dépasser des émissions totales mondiales de 2800 gigatonnes de CO2 (source fig. b).
Si on admet la linéarité1 de la relation entre la variation de température et le tonnage des émissions de CO2, on peut, en faisant une simple règle de trois, calculer l’influence sur la température qu’aura l’action de la France en réduisant ses émissions de 40 % :
ΔtFrance = Δt * CO2France/CO2Monde
Avec :
ΔtFrance : gain en température mondiale obtenu par les efforts de la France suivant la CCC.
Δt : augmentation de température à ne pas dépasser (1,5 °C)
CO2France : CO2 non émis par la France entre 2030 et 2100 (recommandations de la CCC)
CO2Monde : quantité de CO2 à émettre correspondant au maintien de l’augmentation de la température sous la barre des 1,5 °C.
Soit :
ΔtFrance =1,5 * 181/ 2 800 = 0,0068 degré
S’il était pleinement atteint, l’objectif de la Convention reviendrait donc à contenir la température mondiale de 6,8 millièmes de degré. Ce n’est pas avec les sondes thermiques au platine de Météo France que l’on pourrait mesurer une « amélioration » de cette amplitude, puisque l’incertitude de la mesure avec ces sondes est de 0,15 degré…
LA LOI CLIMAT S’EN PREND À LA SPHÈRE PRIVÉE
Les Français ne sont pas des veaux, et ils risquent de réagir très fortement, soit par corporation, soit en manifestant par le vote leur opposition aux mesures prévues dans la loi. C’est bien là ce que redoutent les députés.
En effet, au prétexte d’une urgence peu démontrée, essentiellement fondée sur l’exagération des conséquences d’un réchauffement climatique (la plongée actuelle des températures n’est d’ailleurs pas de nature à renforcer son hypothèse), le projet de loi entend modifier profondément les habitudes qui structurent la société française, comme par exemple :
- le mode d’alimentation des Français,
- les menus des cantines scolaires,
- le développement des énergies dites renouvelables dénaturant profondément le paysage au moyen d’éoliennes monstrueuses occupant la place des prairies dans le cas des capteurs solaires,
- la création de nouvelles écotaxes routières,
- l’interdiction de la vente de certains modèles de voiture qu’il faudra aller acheter à l’étranger.
La loi augmente nettement son emprise sur la vie privée des Français, au risque de plus en plus tangible d’enclencher une nouvelle crise du style Gilet jaunes.
Les députés se doutent bien qu’il y a des limites à ne pas franchir, certes très difficiles à appréhender, mais bien réelles, si on ne veut pas déclencher la tempête de défoulement post-Covid.
Les élections approchent à grande vitesse et ils ont bien en tête les déconfitures successives que le groupe présidentiel a subi depuis le suffrage les ayant conduits au pouvoir. Pour conserver celui-ci, la plupart d’entre eux ont compris qu’il faut rester prudents au sujet des innovations climatiques dont il est précisément question dans la future Loi climat.
Ils sont probablement nombreux à penser que la position climatique en pointe du président pourrait peut-être lui être favorable sur le plan intergouvernemental, mais probablement pas sur le plan plus terre à terre de leur propre réélection.
LA MÉTHODE UTILISÉE N’EST PAS LA BONNE
Les mesures annoncées concernant les voyages intérieurs en avion font penser à des mesures que prendraient des républiques populaires exsangues qui chercheraient à réduire leurs dépenses par tous les moyens.
La proposition de la Convention fleure bon la mesure populaire qui consiste, non seulement à faire payer les riches, mais encore à les punir en les empêchant de prendre l’avion. Elle met une entreprise comme Air France déjà à l’agonie, en situation de mendicité. C’est à pleurer.
Surtout que par ailleurs, les compagnies aériennes sont déjà forcées de compenser le kérosène consommé en réalisant des actions qui absorbent le CO2 émis par les avions, comme planter des arbres absorbeurs de CO2 pendant leur phase de croissance.
Les députés savent bien que les mesures limitant les voyages aériens satisfont quelques irréductibles extrémistes anticapitalistes ou anti-croissance, mais ne font pas le bonheur de la multitude des salariés moyens qui économisent pendant des années pour s’offrir un jour un voyage au bout du monde, comme c’est leur droit le plus strict.
Par ailleurs, ces mesures uniquement domestiques ont toutes les chances de handicaper les entreprises domestiques par rapport à leurs concurrents étrangers. Fichons donc la paix aux compagnies aériennes qui participent à la croissance de tous les pays du monde et aussi du nôtre et qui ne représentent en tout et pour tout qu’un peu plus de 2,5 % des émissions mondiales de CO2.
La loi veut forcer les propriétaires supposés riches à investir dans la rénovation thermique des habitations occupées par des ménages aux revenus modestes. Dans ce but, le projet de loi propose de bloquer arbitrairement le loyer de ces logements en interdisant leur hausse. Il interdit même à partir de 2028 que ces logements soient loués s’ils n’ont pas été rénovés thermiquement.
Double erreur.
CONSÉQUENCES DE LA LOI CLIMAT
La crise consécutive à la fixation arbitraire des loyers en 1948 montre encore ses méfaits aujourd’hui mais elle est oubliée et n’a pas servi de leçon. Sous l’influence d’idéologues toxiques comme Cécile Duflot, un temps ministre du Logement, les loyers ont été de nouveaux bloqués dans certaines régions, conduisant inéluctablement à une crise de la construction, l’immobilier perdant totalement son intérêt comme placement financier. Le même phénomène est mis en route aujourd’hui par l’interdiction de louer.
Par ailleurs et deuxième erreur, le locataire sans logement est toujours aussi pauvre. Et la mesure qui consiste pour l’État à payer une partie ou la totalité de la rénovation thermique ne le rend pas plus riche mais réduit encore la mobilité qui lui permettrait de retrouver du travail si son emploi disparait.
L’objectif annoncé est de supprimer les nombreuses passoires thermiques qui existent car d’une part le propriétaire n’a souvent pas les moyens de rénover son bien, et que d’autre part, le locataire de ces passoires n’a pas les moyens de louer une habitation correctement isolée. C’est un objectif très louable, mais la méthode choisie ne résout aucune des raisons qui expliquent cette situation, à savoir le manque de moyens du propriétaire et du locataire.
La recommandation de la Convention suivie par la proposition de Loi climat suppose à tort que le propriétaire est riche. C’est souvent faux. Et chacun d’entre nous peut citer l’exemple de locataires qui, faute de moyens, se retrouveront tout simplement à la rue en 2028.
L’État veut interdire la pauvreté par la loi. C’est une velléité puérile. Il pourrait atteindre cet objectif en établissant les conditions nécessaires pour que le pauvre d’aujourd’hui puisse devenir riche demain et s’assumer, lui et sa famille. Pour cela, il faudrait faire progressivement l’inverse.
CONCLUSION
Est-ce bien raisonnable d’édicter et de mettre en pratique toutes ces règles et interdictions pour un résultat franchement dérisoire ? La réponse est évidemment non.
On pourrait imaginer une autre réponse en développant l’idée qu’à l’instar du colibri qui prend sa part dans l’extinction d’un incendie de forêt en apportant sa petite goutte d’eau dans son bec, la France ne représente pas grand-chose, mais fait sa part dans la lutte contre le réchauffement climatique…
Seulement, outre que ce genre de position heurterait probablement la susceptibilité française, ce serait prendre une position très naïve et ignorante de la rouerie des autres États.
Quelques exemples :
- l’Allemagne rouvre des exploitations minières de charbon pour pallier la discontinuité énergétique de ses éoliennes.
- la Norvège achète des voitures électriques avec l’argent provenant de ses ventes de gaz et de pétrole.
- la Chine a convaincu Obama de maintenir la construction de centrales à charbon au moins jusqu’en 2030.
- le Danemark s’achète une réputation verte en consommant l’électricité des centrales hydrauliques scandinaves etc. etc.
Il apparaît par ailleurs que la lutte contre le réchauffement climatique présentée par tous les médias comme une sorte de croisade citoyenne et écoresponsable risque de n’être qu’une arnaque à grande échelle. Le citoyen lambda qui a été persuadé de s’engager pour cette noble cause risque bien d’avoir prochainement le sentiment de s’être complètement fait gruger lorsqu’il comparera les efforts demandés et l’insignifiance des résultats prévus.
Un article initialement publié le 1er mars 2021.
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