Les monopoles d’État sont des organismes qui n’hésitent pas à sacrifier le bien-être de la population pour protéger les politiciens et les fonctionnaires. La crise des tests de pathologie du cancer du sein, l’épidémie de C-difficile, le fiasco du sang contaminé, sont les exemples les plus récents de ce phénomène.
Ce comportement est inhérent aux monopoles étatiques. Les responsables de la gestion et de la surveillance répondent tous aux politiciens du parti au pouvoir. Les conflits d’intérêt sont omniprésents.
Idéalement, le gouvernement serait responsable d’établir les normes et de s’assurer qu’elles sont appliquées. Les services à la population seraient alors fournis par des entreprises privées soumises aux lois du marché.
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La crise des tests de pathologie du cancer du sein : une crise de gouvernance
Claude Garcia, Le Journal de Montréal, 12/07/09
Selon les media, près de 9500 patientes atteintes du cancer du sein attendent un appel qui leur confirmera que leur traitement a été adéquat. Pour 2730 d'entre elles, les tests de pathologie devront être repris. Une démarche qui pourrait s'étirer au moins jusqu'au mois de décembre. Des femmes qui ignorent pour l'instant si elles ont reçu le bon traitement et qui revivent les affres de l'incertitude.
Après avoir dit, au début du mois de juin, que 2100 tests de pathologie du cancer du sein devront être repris au Québec, le ministre de la Santé, monsieur Yves Bolduc, a annoncé le 9 juillet 2009, que près de 2730 tests faits entre avril 2008 et juin 2009 devront plutôt être revus.
Cette augmentation du nombre de cas est due au fait que trois grands hôpitaux montréalais, soit le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), l'hôpital Maisonneuve-Rosemont et l'hôpital du Sacré-Coeur, ne possédaient pas de contrôle de qualité externe suffisant, contrairement à ce qu'on croyait. Ces établissements devront reprendre leurs tests, ce qui porte donc le nombre de cas à 2730.
Nous sommes en présence d’une crise majeure pour le système de santé québécois, crise qui est susceptible d’ébranler la confiance de la population quant à la précision des diagnostics reçus. Le ministère de la Santé est conscient de la gravité de la crise et a du mal à la gérer.
Pourquoi a-t-il fallu attendre six semaines avant de savoir que trois grands hôpitaux montréalais, dont le CHUM, ne possédaient pas de contrôle de la qualité approprié? C’est à la suite des pressions des media demandant un suivi de la part du ministre que celui-ci a rendu cette information publique. Comment se fait-il que personne, au CHUM, n’ait cru opportun d’alerter la presse pour informer plus rapidement la population?
Mettons en parallèle ce silence prolongé, avec les péripéties qui ont précédé la décision du gouvernement de lancer l’appel de propositions pour la construction d’un nouveau CHUM en partenariat public-privé. Pendant toute cette période, on divulguait rapidement toute hésitation ou décision des responsables du projet. La décision de construire un CHUM en partenariat public-privé ou selon le mode conventionnel ne mettait pas la vie des femmes québécoises en danger. Pourquoi autant d’empressement à informer la population sur ce projet de construction alors qu’on se traîne les pieds pendant six semaines avant d’avouer que le CHUM n’avait pas de contrôle de qualité externe adéquat?
Autre exemple : lors de l’effrondement du viaduc de la Concorde à Laval, le 30 septembre 2006, effondrement qui a fait cinq morts, il n’a fallu que quelques heures pour connaître le nom de l’entreprise privée responsable de la construction de cette structure, 36 ans plus tôt. Pourquoi autant d’empressement dans ce cas et un délai de six semaines pour les tests de pathologie?
Peut-on interpréter le délai de six semaines comme une manifestation du mécanisme de défense du monopole bureaucratique qui régit le systéme de santé québécois? Le gouvernement est responsable de concevoir les politiques et les programmes de santé, responsable de prodiguer et de financer les soins à la population et responsable aussi de l’évaluation de la qualité de ces soins. Quand on cumule ainsi toutes les tâches, faut-il se surprendre que l’on communique avec réticence toute information susceptible de mettre en doute la qualité des soins reçus.
Six semaines après le début de la crise, on ne sait toujours pas pourquoi certains hôpitaux demandaient à des tiers d’évaluer la qualité de leurs tests selon les règles de l’art tandis que d’autres, dont le CHUM, ne le faisaient pas. On ne sait pas non plus depuis combien de temps ceux-ci omettaient d’évaluer la qualité des tests.
En vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, chaque centre hospitalier doit mettre sur pied un conseil des médecins, dentistes et pharmaciens dont le mandat est de contrôler et d'apprécier, au nom du conseil d'administration, la qualité, y compris la pertinence, des actes médicaux, dentaires et pharmaceutiques posés dans le centre. Les conseils des médecins, dentistes et pharmaciens des dits établissements ont-ils dénoncé l’absence de contrôle de la qualité? Les conseils d’administration en ont-ils été saisis?
Si on avait, dans notre systéme de santé, quelques hôpitaux qui étaient gérés par une entreprise privée, on pourrait, dans un dossier comme celui-là, comparer la performance des hôpitaux à caractère privé avec ceux du secteur public et juger ainsi de la performance des uns et des autres. Tout monopole craint le balisage, une technique de gestion qui permet de comparer la performance d’une organisation avec d’autres établissements de même nature. Le balisage éclaire le public et les organismes sur la qualité de la performance au moyen de comparaisons standardisées.
Le temps est venu de réformer le fonctionnement du systéme de santé québécois pour encourager les différentes institutions qui le composent à améliorer leur fonctionnement par le biais du balisage et d’évaluations externes. À défaut d’agir, on devra continuer de consacrer une part plus importante des ressources de notre société à la santé, sans pouvoir cibler les effets de ces ajouts de ressources.
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