Par Patrick Aulnas.
Le vieux monde résiste férocement. Tout est bon pour annihiler la liberté. Le mensonge, la corruption, la répression, le terrorisme, la guerre. Attention ! Le vieux monde n’est pas du tout le Vieux Monde, traditionnellement opposé au Nouveau Monde, c’est-à-dire les Amériques. Le vieux monde est celui qui s’accroche bec et ongles à l’autocratie politique et d’une manière plus générale à tous les phénomènes traditionnels de domination. Dans ce vieux monde, certains sont faits pour commander et d’autres pour obéir. La liberté n’est ni un principe institutionnel ni une valeur philosophique. Elle est l’ennemie.
Les contours du vieux monde
La carte suivante, établie pour l’année 2020 par L’Economist Intelligence Unit (EIU), rattachée au groupe de presse britannique The Economist, illustre l’indice de démocratie dans le monde. Plus le pays est vert, plus il est considéré comme démocratique.
(Source : Wikipédia)
Cette carte est particulièrement expressive. Le vieux monde est celui de la domination communiste ou religieuse. La Chine et la Corée du Nord sont toujours sous l’emprise communiste, la fameuse et absurde dictature du prolétariat, expression vide de sens, comme les affectionnent les idéologies. Le communisme s’est effondré en Russie, mais l’absence totale de culture démocratique a conduit à l’émergence d’une autre dictature. Le Venezuela est un cas particulier avec un populisme dictatorial ayant mené le pays à la ruine.
L’autre partie du vieux monde est celui où règne l’Islam comme religion officielle : Afrique du Nord et Moyen-Orient ne connaissent aucune démocratie.
Pourquoi le vieux monde ?
Avant le XVIIIe siècle le principe d’autorité gouvernait les sociétés humaines. Le pouvoir attribué à certains était considéré comme une donnée intangible. Rois, empereurs aristocrates se transmettaient le pouvoir de génération en génération. Ce tout petit nombre avait réussi à faire admettre au grand nombre que cette situation était naturelle et résultait même de la volonté divine. Des polythéismes antiques aux monothéismes actuels, les religions ont largement cautionné la légitimité du pouvoir politique de quelques-uns.
Les philosophes du XVIIIe siècle bouleversent cette constante avec une idée simple : l’autonomie de l’individu. L’être humain naît libre et ne se plie à la volonté d’autrui que du fait de son consentement. Ce consentement peut être individuel (un contrat) ou collectif (une élection). Les gouvernants ne sont donc que les représentants temporaires de la volonté générale de la population. Leur pouvoir ne provient ni de la force, ni de la ruse, ni de la volonté d’une divinité, mais seulement de leur élection pour un temps limité.
Voilà la seule et unique grande évolution de philosophie politique des derniers siècles. Moi, homme peuplant la planète Terre, je n’obéis que du fait de ma volonté et quiconque veut me soumettre à la sienne commet un crime. Cette fierté de l’homme d’avoir conquis son autonomie aura plus de force dans les siècles des siècles que toutes les tentatives des autocrates.
Le vieux monde est donc celui qui est encore cantonné dans la servitude ancestrale, le nouveau monde étant celui qui, depuis le XVIIIe siècle, conquiert progressivement sa liberté. La conquête de la liberté est lente puisque l’esclavage n’a été aboli aux États-Unis qu’en 1865 (13e amendement) et le droit de vote de l’ensemble des femmes américaines accordé en 1920 (19e amendement). Il a fallu attendre 1944 en France pour que les femmes puissent voter.
À l’échelle de l’histoire de l’humanité ce ne sont là cependant que des durées infinitésimales. La carte ci-dessus de L’Economist Intelligence Unit n’aurait comporté au milieu du XVIIIe siècle aucune démocratie. Deux siècles et demi plus tard, il en existe plusieurs dizaines. La liberté n’a donc cessé de progresser dans le monde.
La résistance du vieux monde
Face à ces progrès de la liberté, les autocraties ont férocement résisté en s’appuyant principalement sur une religion (le christianisme en Occident aux XVIIIe et XIXe siècles, l’Islam aujourd’hui) ou sur une idéologie (le marxisme-léninisme, le fascisme, le nazisme). Parfois, l’idéologie n’a plus de prise car la dictature a conduit le pays à l’échec. C’est le cas de l’URSS. Mais la religion orthodoxe a repris auprès des gouvernants russes les galons qu’elle avait perdus sous le communisme. Le petit nombre des dirigeants a toujours besoin d’une croyance populaire forte pour asseoir sa domination. La transcendance est nécessaire pour ceux qui doivent supporter une existence de labeur et d’obéissance. Depuis les temps les plus anciens, ceux qui veulent accaparer le pouvoir l’ont compris.
Les autocrates considèrent la force, la violence, le mensonge, la ruse comme des modalités normales des relations internationales. Au XXIe siècle, la résistance de ce vieux monde hostile à l’autonomie de l’individu se manifeste par la guerre et le terrorisme. La Russie de Vladimir Poutine affectionne tout particulièrement l’arme de la guerre pour faire reculer les démocraties. Elle est constamment en guerre. La guerre en Ukraine constituera pour l’histoire de l’humanité un épisode absolument essentiel. Ce pays veut en effet quitter le vieux monde de l’autocratie et conquérir sa liberté. Évidemment, l’Ukraine ayant été rattachée à l’ancienne URSS, cette magnifique ambition est considérée comme un casus belli par les dirigeants russes. Ils craignent l’effet de contagion.
Le terrorisme est l’arme actuelle des partisans des autocraties islamistes. Le prétexte religieux d’une application littérale d’un vieux texte du VIIe siècle (le Coran) ne peut convaincre que les jeunes à la dérive, en général incultes, qui massacrent des innocents. Il s’agit en réalité de tenter de déstabiliser les démocraties considérées comme un danger. Par qui ? Par le petit nombre de ceux qui dirigent les pays soumis à l’Islam comme religion officielle : monarques, aristocratie héréditaire et tous ceux qui ont accepté de les servir par intérêt.
Vivre libre
Parmi les peuples du nouveau monde, certains croient en un dieu ou une idéologie, d’autres non. Mais les croyants ne cherchent pas à imposer leur croyance à l’ensemble de la population par le relai politique. Notre valeur fondamentale est l’autonomie de l’individu, toute récente après des millénaires d’hétéronomie. Il fallait se soumettre, l’esclave au maître, le serf au seigneur, le seigneur au roi, la femme à l’homme, l’homme à la divinité. Dès l’enfance, était apprise l’obéissance à l’autorité des puissants et des dieux, considérée comme naturelle.
Vivre libre est désormais la normalité dans les démocraties du monde entier. Les enfants demandent des justifications aux restrictions à leur liberté et il est parfois difficile de les trouver. Il faut surtout leur apprendre que leur liberté est fragile et qu’ils devront toujours lutter pour la préserver.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire