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15 juillet, 2022

Interdiction des moteurs thermiques : l’innovation sacrifiée

 Par Pierre Allemand.

Les politiques n’aiment pas l’innovation. Ils la tolèrent si celle-ci se fait dans des laboratoires agréés, avec marqué « innovation » au-dessus de l’entrée et sur les papiers à en-tête, et avec des subventions décidées en commission et un planning bien défini : janvier, définition des objectifs ; février, rédaction du rapport préliminaire destiné aux politiques ; mars, échanges avec les politiques ; avril, mai, juin… décembre (des années à venir), remise du ou des prototypes et du rapport final aux politiques.

Le lamentable exemple récent de l’interdiction des moteurs thermiques à partir de 2035 nous montre à quel point les politiques

  1. ne comprennent rien à l’innovation et l’ont en horreur,
  2. refusent obstinément de changer de comportement sur le sujet,
  3. sont capables de dépenser des sommes faramineuses pour une danseuse à haut risque mais qui leur plaît,
  4. prennent des décisions qui mettent des dizaines de milliers de personnes au chômage par pure idéologie.

 

L’innovation et le marché automobile européen

L’innovation désigne « l’introduction sur le marché d’un produit ou d’un procédé nouveau ou significativement amélioré par rapport à ceux précédemment élaborés. Deux types d’innovation sont distingués : les innovations de produits (biens ou services) et de procédés (incluant les innovations d’organisation et de marketing). »

En pratique, la véritable innovation conduit à des situations imprévues qui sortent systématiquement de ce qui avait été (soigneusement) planifié. C’est la raison principale pour laquelle finalement, les politiques n’aiment pas l’innovation.

Choisir l’innovation consiste à se lancer dans l’inconnu : ni la planification, ni le dogme ne peuvent renseigner sur ce qu’elle sera. De ce fait, elle peut apparaître comme très risquée. C’est pour cela que les politiques ne veulent pas la mettre en pratique.

Mais par ailleurs, lorsqu’on présente aux politiques une « révolution » qui coche positivement toutes les cases d’un problème à résoudre, ils l’acceptent en général avec enthousiasme car le côté « risque » leur apparait résolu, et ils ouvrent en grand le portefeuille des citoyens.

Prenons l’exemple de l’hydrogène.

Le produit semble bien résoudre le problème de l’intermittence de l’éolien et du solaire. Il résout le problème de l’émission de CO2 (son oxydation ne rejette que de la vapeur d’eau). Et il permet de remplacer les batteries au lithium, lourdes et chères, par un dispositif génial : la pile à combustible.

L’innovation « hydrogène », vue par les politiques, a donc tout juste.

Mais la question qui se pose est la suivante : pourquoi un produit aussi génial n’est-il pas déjà utilisé depuis longtemps s’il présente vraiment tous les avantages décrits ?

Et la réponse est : peut-être que ces avantages sont contrebalancés par des inconvénients qui n’ont jamais été pris sérieusement en compte…

L’Europe représente un marché gigantesque au niveau mondial pour les déplacements individuels routiers. Pour cette raison, elle compte de nombreuses entreprises d’importance mondiale qui ont investi des milliers de milliards d’euros dans des usines qui servent ce marché. Remplacer en moins de 15 ans la technologie automobile de base (le moteur thermique) par une autre (électrique) représente un pari d’une audace réellement suicidaire qu’il semble démontrer que les motivations des décideurs sont purement dogmatiques. Ce remplacement va mettre des dizaines de milliers d’ouvriers de l’automobile sur le carreau, et il ne faut pas compter sur la bonne santé de l’industrie actuelle, déjà traumatisée par un certain nombre de contraintes environnementales, pour assurer l’avenir de ces victimes du « progrès ».

Évidemment, les lobbies écolos ont été à la manœuvre à Bruxelles pour convaincre suffisamment de députés européens afin que ces fatales décisions soient énoncées et mises en œuvre. Ceux qui doivent d’ailleurs bien rigoler, ce sont les non-Européens dans le monde, et en particulier les Chinois qui voient se concrétiser un de leurs rêves les plus fous : un nouveau marché à prendre, de la taille de l’Europe, avec leurs voitures électriques déjà opérationnelles ainsi qu’avec les composants nécessaires pour les quelques véhicules qui continueront peut-être à être fabriqués en Europe. Pour paraphraser la CGT : il s’agit d’une véritable casse industrielle organisée.

 

Comment résoudre vraiment le problème

Dans un monde raisonnable qui voudrait résoudre le problème important des émissions de gaz à effet de serre, il aurait été judicieux de réfléchir plusieurs années avant de prendre la décision que l’on prend normalement en dernier : celle du planning.

Les alternatives au problème des émissions de CO2 par les moteurs thermiques n’ont même pas été prises en compte. Voici, schématiquement, comment on peut présenter le problème à résoudre :

Schéma du problème posé aux députés européens

Dans le schéma ci-dessus, le problème posé consiste à interrompre la chaîne qui emmène dans l’air le CO2 issu du moteur thermique. Nos députés ont choisi de résoudre le problème en supprimant tout simplement le moteur thermique, ce qui montre qu’ils sont incapables d’envisager des solutions qui n’apparaissent pas dans le schéma.

 

Les autres voies possibles

D’autres voies existent pourtant pour résoudre le problème.

Par exemple, en alimentant le moteur thermique avec un carburant qui a pris son CO2 dans l’air environnant, afin de soustraire à l’air autant de CO2 que celui qui est émis, et d’arriver ainsi à la situation dite zéro émission !

Comment faire ? tout simplement en fabriquant un carburant synthétique qui va chercher son carbone dans l’air. Ou bien en utilisant un carburant issu non pas du pétrole, mais synthétisé par des plantes qui puisent, elles aussi, leur carbone dans l’air.

C’est ce qu’a fait remarquer le ministre des Finances allemand Christian Linder qui a déclaré, au sujet de la décision d’interdire les moteurs thermiques à partir de 2035  que « Cette mesure était mauvaise et que le gouvernement allemand n’acceptera pas de se conformer à cette décision ».

Cette déclaration, qui montre que la coalition gouvernementale allemande est en train de se déchirer et risque d’éclater, ne restera probablement pas sans suite. En effet, pour que la décision des députés européens soit réellement appliquée un jour, il faut que chaque gouvernement européen donne son accord. Or, il apparaît que la position de l’Allemagne risque bien de faire tache d’huile et encourage les oppositions au projet dans d’autres pays d’Europe.

 

Qu’est-ce qu’on y gagne ?

Lorsqu’une instance de gouvernement prend une décision, il est de bon ton qu’elle explique à ses administrés quels sont les avantages que cette décision leur apportera. (Pour les inconvénients, la presse s’en charge en général). Comme apparemment nous assistons à un silence général, aussi bien de la part des instances qui en sont normalement chargées que des lobbies comme les ONG environnementalistes qui ne sont habituellement pas en reste pour commenter les décisions, je vais me livrer à un petit calcul fondé sur les chiffres que nous procure le GIEC et qui concerne les prévisions de réchauffement à venir.

Le GIEC nous annonce des hausses de températures à venir de 1,4 à 4,8 degrés en 2100 suivant les scénarios, le scénario à 4,8 degrés étant considéré d’ailleurs comme hautement improbable.

Ces scénarios sont représentés dans le graphique ci-dessous :

Pour rester dans une hypothèse réaliste, on peut considérer le scénario médian SSP2-4.5. Dans cette hypothèse, l’anomalie de température moyenne du globe évolue de +1,3 degré en 2022 à +2,8 degrés en 2100, soit 1,5 degré en 78 ans ou encore 0,0192 degré par an.

Les transports routiers représentent le quart des émissions de gaz à effet de serre en Europe (référence), et le CO2 émis par les voitures représente 60,6 % de ce total (référence), soit 25 % x 60,6% = 15 % du total du CO2 émis par l’Europe.

En admettant une relation linéaire entre l’augmentation de température, le temps, et le CO2 (voir, sur le graphique, la quasi-linéarité de la courbe SSP-2-4.5 entre 2022 et 2100) l’interdiction des moteurs thermiques à partir de 2035, soit pendant 65 ans, améliorera donc la situation prévue de :

15 % x 0,0192 x 65 / 78  = 0,0024 degré par an, soit encore -0,156 degré en… 2100.

On pourrait se demander si l’amélioration consistant à atteindre à la fin du siècle une température moyenne de 0,156 degré plus basse constitue une performance telle que cela justifie la mise au chômage de quelques dizaines de milliers d’ouvriers de l’automobile. Et aussi si cette performance aura un effet d’entrainement tel dans le monde, que les plus gros émetteurs de CO2 ne pourront que s’incliner devant ce magnifique résultat et s’empresser d’imiter l’Europe. Personnellement, j’ai cependant certains doutes…

 

Chacun son métier et les vaches seront bien gardées

Une conclusion évidente s’impose : le problème créé vient du fait que nos députés ont élargi leur champ de décision vers un domaine qui sortait de leurs compétences.

Dans le domaine de la gouvernance comme dans de nombreux autres domaines, chacun doit s’efforcer de rester à sa place, et exercer ses talents en fonction de ses aptitudes. Si les députés veulent améliorer les choses, et c’est leur devoir, il est important qu’ils réalisent par exemple que l’avenir n’est jamais celui qu’on imagine. De ce fait, lorsqu’on est député européen et qu’on légifère sur le domaine de l’innovation, on a le devoir d’améliorer le cadre dans lequel peut s’épanouir cette innovation, et on ne doit jamais essayer de la forcer en décrivant l’avenir sans tenir compte des changements qui apparaîtront peut-être bien entretemps. En bouclant l’avenir au moyen d’une interdiction, les députés ferment la porte à un domaine important qui pourrait comporter la solution à leur problème.

Par ailleurs, on peut aussi s’interroger sur les raisons du choix de l’Europe de commencer par réduire les émissions de CO2 en s’attaquant aux voitures individuelles qui ne représentent, nous l’avons vu, que 15 % des émissions totales européennes de CO2.

Décidément, les politiques ne sont pas doués pour manier l’innovation, et ils devraient se rendre compte que cela ne fait pas partie de leur domaine de compétence. Ils devraient également essayer de ne pas se laisser entraîner par des lobbies dont la motivation première n’est probablement pas le bien-être de la population. Je veux parler, évidemment du lobby des ONG environnementalistes.

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