La dette publique dans le monde entier ne cesse de croître,
phénomène que la pandémie a encore accéléré : en 2020, elle a augmenté de
16 points de pourcentage pour atteindre 120 % du PIB dans certaines
économies avancées, et de 13 points pour atteindre 97 % du PIB au niveau
mondial. Quelles sont les voies de sortie possibles ?
La croissance économique serait la réponse facile. Mais
comme elle est atone depuis des années, le « consensus »
actuel prescrit des stimuli fiscaux. Il s’agit notamment de programmes de prêts
et de subventions distribués par les pays les plus riches pour aider les plus
pauvres. Il ne semble pas que la recette appropriée de dépenses/investissements
ait été trouvée. En outre, les banques centrales ne savent pas comment arbitrer
entre des politiques accommodantes et l’inflation. Enfin, qui finira par payer
la note ? La seule chose sûre est que les décideurs politiques ignorent
les réductions de dépenses et que les perspectives de croissance restent
incertaines.
C’est ce qui explique les propositions d’alourdissement de
la fiscalité. Cependant, lever des fonds supplémentaires en taxant les revenus
est politiquement difficile. Tout d’abord, en 2020, les déficits sont passés de
2 à 9 % du PIB en moyenne, un tiers de la hausse étant due à une base
d’imposition plus petite. L’impôt sur la fortune des plus riches semble
attrayant, mais il ne permettrait guère d’augmenter les recettes : dans
les principaux pays de l’OCDE, l’impôt moyen sur la fortune représente
aujourd’hui moins de 1 % du PIB. Une autre option consiste à privatiser
massivement les actifs publics. Mais cela prend du temps.
L’inflation des prix et les faibles taux d’intérêt semblent
être les baguettes magiques de nos gouvernants : ils soutiennent le PIB
nominal et dévaluent la dette réelle, à condition que les banques centrales
empêchent la hausse des taux d’intérêt (garantissant ainsi que les taux réels
restent négatifs) et puissent arrêter l’inflation au bon moment. Les précédents
ne sont pourtant pas encourageants.
Cependant, les autorités peuvent explorer d’autres lignes
d’action. Par exemple, elles peuvent piéger l’épargne dans des instruments de
dette appropriés (par le biais d’incitations fiscales, par exemple), ou
recourir à une réglementation lourde pour manipuler les taux bancaires et les
conditions de prêt. L’assouplissement quantitatif et les règles relatives aux
ratios de fonds propres sont des instruments bien connus qui encouragent les
banques à acheter et à détenir des obligations d’État. En outre, la présence de
paramètres relatifs à l’environnement et à la prétendue responsabilité sociale
oriente effectivement les fonds privés vers des « dépenses/investissements
appropriés » tout juste identifiés par les gouvernements.
Ces politiques ruinent les perspectives de croissance, mais
tous les avertissements sont ignorés. La faible réaction de la croissance après
des stimuli budgétaires massifs et l’envolée de la dette publique n’y changent
rien. Le défaut de paiement (suspension de paiement, décote ou toute autre
forme de restructuration) n’est peut-être plus très loin. Historiquement, les
conséquences d’un défaut de paiement sont l’inflation et la récession. Mais les
banques centrales paieraient également un lourd tribut. La BCE détient environ
2,3 milliards d’euros. En revanche, son capital et ses réserves s’élèvent à
environ 615 milliards d’euros, soit juste assez pour couvrir les 430 milliards
d’euros de bons du Trésor italien dans ses tiroirs, en cas de défaillance de
l’Italie. Comme les 430 milliards d’euros ne représentent que 16 % de
l’encours total de la dette italienne, il est clair que Francfort ne peut pas
faire grand-chose pour renflouer Rome.
Les dépenses publiques seront revues, mais pas réduites. Il
reste une petite place pour des hausses d’impôts, et elle sera exploitée.
L’inflation jouera le rôle principal. Cela prendra un certain temps :
toutes choses égales par ailleurs, une inflation régulière de 4 % prend 7
ans pour dévaluer la dette d’un tiers, et 10 ans pour la réduire de moitié (une
inflation régulière de 6 % réduit le temps à respectivement 5 et 7 ans).
La croissance économique renforcerait sa viabilité, tandis que de nouveaux
déficits budgétaires contrebalanceraient l’effet inflationniste. Bien entendu,
un nouveau choc négatif pourrait également déclencher un défaut de paiement. En
d’autres termes, les dettes publiques seront payées soit par la collectivité,
soit par les détenteurs d’obligations.
Alors, que penser de l’appel de la présidente Lagarde à augmenter l’offre d’obligations notées AAA en tant que collatéraux sûrs ? Au sein de la zone euro, ce besoin d’ « actifs sûrs » a conduit à proposer la titrisation des obligations d’État afin d’augmenter l’offre d’ « actifs sûrs » et de limiter les conséquences des défauts de paiement à des catégories spécifiques de souscripteurs. Comme cela a déjà été dit, la BCE pourrait en effet se débarrasser de ses obligations d’État en les transformant en produits structurés (les fameux ESBies). Ce faisant, elle canaliserait le risque vers un segment spécifique du marché (les spéculateurs professionnels souscrivant la tranche la plus risquée), disposerait d’une marge de manœuvre supplémentaire pour manipuler les taux d’intérêt et rendrait les défaillances moins douloureuses. Compte tenu des alternatives, cela reste un scénario réalisable.
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