Par Yves Bourdillon
Le monstre de l’inflation est sorti de son placard dans les pays occidentaux. Et pas sûr qu’il y retourne gentiment.
La dérive des prix a atteint 7 % l’an dernier aux États-Unis, du jamais vu depuis… 39 ans. En zone euro, elle est passé en douze mois de presque zéro à 5 %, un niveau atteint pour la dernière fois il y a trente ans sur le continent. La France est en retrait, à 2,8 %, mais sans doute plus pour longtemps.
Cette flambée est essentiellement la conséquence des restrictions imposées suites au covid. Les confinements, fermeture des frontières et autres quarantaines ont perturbé les chaînes d’approvisionnement longues et complexes des industries mondialisées, avec des conséquences en cascade. En raison de la reprise de la demande l’an dernier, avec un goût de rattrapage des consommateurs après la levée de nombreuses restrictions, les entreprises sont prêtes à toutes les surenchères pour acquérir de quoi honorer leurs commandes.
Elles souffrent aussi d’une pénurie de main-d’œuvre car le confinement a poussé beaucoup d’employés à abandonner leur travail, en quête d’un autre sens à leur vie.
Puisqu’il faut garder des collaborateurs et acquérir matériaux, bois de construction, semi-conducteurs, produits énergétiques, slot de fret, etc à tout prix, eh bien, précisément, cela s’opère à tout prix : plus élevé. Ce qui (en sus du jeu géopolitique du Kremlin) explique par exemple la multiplication par cinq des prix du gaz en un an.
L’inflation : le coût du quoi qu’il en coûte
S’y est ajouté un deuxième phénomène. Les pouvoirs publics européens et américains ont injecté des milliers de milliards d’euros ou de dollars dans l’économie, via leurs plans de relance. Politique résumée par le « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron, en mars 2020, quand les trois quarts des salariés français étaient au chômage technique.
Comme un shot d’adrénaline pour un patient en arrêt cardiaque. Cela marche quand le cœur peut réagir, c’est-à-dire si les industries peuvent produire biens et services à due proportion. En cas de goulots d’étranglement, ou de pénuries comme celles en cours, cet afflux de liquidités pour un volume de biens et services peu augmenté attise automatiquement l’inflation.
En outre, tout ceci survient dans un contexte de surabondance de liquidités depuis la crise financière de 2008. À l’époque, animées d’une créativité certaine, la Fed et la BCE avaient aussi injecté des doses massives d’argent via interventions non orthodoxes et autres quantitative easing.
Avec surtout pour résultat de créer des bulles boursières et immobilières. Depuis lors est menée une politique de taux d’intérêt très bas, voire nuls, (alors, les épargnants, heureux ?!) qui a gonflé les masses monétaires. Par exemple, le bilan de la Fed, censé refléter peu ou prou la richesse des États-Unis, a été multiplié par douze depuis 2008 et par deux depuis octobre 2020 !
Après le festin, l’addition, donc. Celle-ci sera salée pour les ménages à revenus fixes, salariés, retraités et indépendants aux tarifs contraints, car pour eux l’inflation constitue en fait une sorte d’impôt.
Vous gagnez 100 qui, par l’effet d’une inflation de 5 % ne vous permet plus d’acheter que l’équivalent de 95 aux prix de l’an dernier, c’est comme si « on » avait amputé votre revenu de 5 % ; sauf si parallèlement vous avez un gros crédit que vous remboursez en monnaie de singe.
Un montant que l’on peut comparer à celui de l’impôt sur le revenu de ceux des ménages qui en payent, en moyenne un mois de salaire. C’est-à-dire que l’inflation suscitée par les restrictions covid peut s’apparenter à une hausse de moitié de votre impôt sur le revenu… Hausse peut-être temporaire quand les goulots d’étranglement auront été résorbés… ou pas.
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