L’AFP a révélé que la fin du monde était écrite pour 2050, voire plus tôt, et qu’il serait dorénavant pratiquement impossible de l’éviter.
Par Nathalie MP Meyer.
Joli scoop planétaire que s’est offert l’Agence France Presse (AFP) mercredi 23 juin dernier. Scoop final, pourrait-on même dire, puisqu’il s’est agi ni plus ni moins de nous révéler (dans toutes les langues) que la fin du monde était écrite pour 2050, voire plus tôt, et qu’il serait dorénavant pratiquement impossible de l’éviter – sauf, refrain connu, à en passer de toute urgence par une transformation « immédiate et drastique » de « notre mode de vie et de consommation. »
Sous le titre « L’humanité à l’aube de retombées climatiques cataclysmiques » dont vous apprécierez l’alarmisme racoleur, l’AFP s’est fait l’écho (en deux pages) d’un projet de document de 137 pages écrit en 2020 dans le cadre du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’ONU, lequel rapport, toujours en cours d’écriture et de révisions, en comportera plus de 4000 et ne sera publié complètement et officiellement qu’en février 2022.
On peut parler de morceaux choisis. Extraits :
La vie sur Terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt.
Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer et devenir douloureusement palpables bien avant 2050.
La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur […] L’humanité ne le peut pas.
Dépasser le seuil de 1,5 °C de hausse des températures pourrait déjà entraîner, progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles.
Le pire est à venir […] Pour certains animaux et variétés de plantes, il est peut-être même déjà trop tard.
Jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d’ici à 2050 et 130 millions pourraient tomber dans la pauvreté extrême d’ici à dix ans […] En 2050, des centaines de millions d’habitants de villes côtières seront menacés par des vagues-submersion plus fréquentes.
Etc. Etc. Seule petite note d’espoir : tourner résolument le dos à nos modes de production et de consommation – sous-entendu capitalistes.
Le mot n’apparaît pas en tant que tel dans la dépêche de l’AFP, mais le fait est qu’il n’a nul besoin d’apparaître. Maintenant que l’alerte Covid semble moins prégnante, l’objectif de cette publication limitée à une description d’apocalypse sans aucune sources scientifiques en climatologie pour l’étayer consiste manifestement à relancer à fond la machine de l’angoisse climatique culpabilisante dans l’opinion publique afin que cette dernière ne soit plus en mesure psychologique de s’opposer à quelque « adaptation » autoritaire que ce soit.
Car bien sûr, il n’est nullement question de laisser l’Homme s’adapter aux évolutions de son environnement comme il l’a toujours fait, c’est-à-dire par la science et le progrès technique, fruits de son esprit curieux, de son inventivité et de son désir d’améliorer sa condition sur Terre, à travers notamment les deux étapes déterminantes que furent la découverte du feu puis, des siècles plus tard, l’invention de la machine à vapeur. Pas du tout.
Il est uniquement question de décroissance et de retour à une existence pratiquement vivrière et locale. Pas plus de 30 m2 de logement par personne, pas plus d’un kilo de vêtements par an, interdiction des vols hors Europe non justifiés, etc. Quelle idée de vouloir découvrir Hong Kong ou Sydney quand on a la chance d’être étudiant à Grenoble ! – prétendait récemment Aurélien Barrau, grand prêtre très en vogue de l’autoritarisme climatique.
Je ne vous étonnerai pas en vous disant que la jeune et réputée infaillible pythie de la lutte contre le réchauffement climatique Greta Thunberg a accueilli cette publication avec ravissement. Elle ne cesse d’inviter tout un chacun (les députés français notamment) à s’en remettre aux rapport du GIEC et elle ne cesse pas non plus d’expliquer que « c’est le système entier qui ne va pas », gentille confirmation que l’écologie, ou plutôt sa caricature coercitive, est d’abord utilisée politiquement comme l’instrument sympathique d’une guerre renouvelée contre le libéralisme et les libertés individuelles.
Donc selon Greta, voilà un rapport qui a le bon goût de nous confronter enfin à la désastreuse réalité. Mais quelle réalité ? Car dans toute cette affaire, et cela depuis plusieurs décennies (voire plusieurs siècles si l’on remonte à Thomas Malthus), on nous annonce que « le pire est à venir », on nous promet des catastrophes plus insurmontables les unes que les autres, la constante de toutes ces prévisions étant qu’il faut assez régulièrement les remettre à jour, c’est-à-dire les repousser aux vingt ou trente années suivantes :
Dans les années 1960, le biologiste et écologiste Paul R. Ehrlich de l’université américaine de Stanford avait annoncé des famines effroyables et la mort de centaines de millions de personnes durant les années 1970 et 1980. Il prédisait que les États-Unis devraient rationner l’eau dès 1974 et il disait même que s’il était joueur, il prendrait le pari que l’Angleterre aurait disparu de la surface de la Terre en 2000 !
À la fin des années 1980, le programme des Nations Unies pour l’environnement (ou UNEP) mettait en garde contre la possible submersion de pays entiers et contre l’exode massif qui en résulterait si rien n’était fait contre le réchauffement climatique d’ici l’an 2000. Les chercheurs estimaient alors que la température moyenne de la Terre pourrait augmenter de 1 à 7 °C en 30 ans, c’est-à-dire sur la période 1990-2020.
En 2007, Al Gore relayait dans son discours de réception du prix Nobel de la paix les prévisions des chercheurs de la U. S. Navy selon lesquelles la banquise du pôle Nord aurait disparu en été sept ans plus tard, soit en 2014.
Par bonheur, rien de tout ceci ne s’est réalisé. La dépêche de l’AFP nous apprend même que les températures moyennes ont augmenté de 1,1 °C du milieu du XIXe siècle à nos jours. Mais cela en dit long sur les capacités politico-paranoïaques d’une certaine écologie trempée dans le mélange assurément dystopique de l’autoritarisme et des peurs millénaristes.
Contrairement à Greta Thunberg, le GIEC est loin d’avoir apprécié la fuite anticipée de certains éléments non encore révisés ni validés de son futur rapport, à tel point qu’il s’est fendu le jour même d’une petite mise au point. Rappelant que les documents de travail sont confidentiels, il insiste sur l’importance de laisser la phase de rédaction et de révision par les pairs se dérouler dans la sérénité afin d’obtenir in fine un rapport « aussi précis, complet et objectif que possible. »
On comprend bien que du côté de ceux qui espèrent voir le « quoi qu’il en coûte » et peut-être, d’une certaine façon, l’état d’urgence covidien se reproduire à l’échelle du climat, il était important d’en faire connaître au public certains éléments sélectionnés particulièrement édifiants avant la future COP26 de Glascow de novembre 2021 et avant qu’ils ne soient éventuellement édulcorés par les négociations entre les 195 pays concernés.
Mais du côté du GIEC, on comprend tout aussi clairement que la teneur essentiellement catastrophiste du texte de l’AFP pourrait se retourner contre l’objectif recherché et contre sa propre crédibilité scientifique. Trop en faire dans la peur panique au point de déchaîner une hilarité moqueuse, voilà qui serait fâcheux !
Ayant pour mission d’étudier les conséquences du réchauffement climatique anthropique (c’est-à-dire causé par l’Homme à travers ses activités économiques), le GIEC est organisé en trois groupe de travail.
Le premier évalue les aspects scientifiques du système climatique, le second étudie les conséquences des changements climatiques sur les paysages et les modes de vie et le troisième avance des propositions d’adaptation1.
Le document dévoilé par l’AFP se révèle être un élément du futur rapport du second groupe de travail. Mais un élément déjà dépassé.
Ainsi que l’indiquait par exemple François Gemenne, économiste et sociologue de ce groupe :
Attention au rapport du GIEC qui a été divulgué par l’AFP ce matin […] : il s’agit d’une version très préliminaire et partielle d’un volume du rapport, qui date de novembre 2020. Contrairement à ce qu’on a pu lire, ce n’est pas cette version qui sera approuvée en février 2022.
Le texte sur lequel nous travaillons encore en ce moment même est très différent de cette version, à la fois parce que cette version n’intègre pas les 40 000 commentaires reçus sur ce texte, et aussi parce que cette version n’intègre pas des sections qui sont encore en cours d’écriture !
Plusieurs autres chercheurs ont fait savoir de la même façon qu’il s’agissait d’un brouillon de résumé technique sur un travail en cours qui devait encore recevoir de nombreux commentaires d’experts et qu’il n’y avait pas lieu de le commenter en l’état. Même les ONG les plus en pointe dans l’alarmisme climatique ont reçu la publication avec une certaine réticence :
Le rapport du GIEC est éminemment essentiel, mais ce n’était pas utile de publier ce brouillon à ce stade. Il faut laisser le GIEC travailler pour que ses résultats ne soient pas contestés. (Anne Bringault, coordinatrice des opérations au Réseau action climat)
En effet, tout est là : les politiques climatiques reposant sur les travaux du GIEC, ce dernier est-il crédible ? Le document de l’AFP ne permet nullement de l’affirmer et nous pousserait même à penser le contraire. Reste à voir à quoi ressemblera effectivement le rapport finalisé.
Une chose est sûre, cependant : l’AFP est bien une entreprise médiatique tout à fait ordinaire. Du scoop toujours, du scandaleux, du sensationnel, voire une dose chevaline de propagande climatique. Mais en l’occurrence, pour l’information vérifiée, validée et correctement mise à jour, on repassera. Ça promet.
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- À noter à ce propos que le GIEC intègre le recours au nucléaire civil et aux modifications génétiques dans ses préconisations – et à ce moment-là, nos gardiens du temple écolos s’empressent de le remettre à sa place en faisant bien comprendre que son mandat est « descriptif et non prescriptif ».
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