Par Drieu Godefridi.
Quand on passe les portes d’une librairie flamande, on est souvent consterné par la multitude de livres de gauche, d’extrême gauche et de super-gauche, en regard du faible nombre de livres de droite. Encore la Flandre se distingue-t-elle, en Europe occidentale, par le maintien d’une sorte de pluralisme, quand les librairies francophones, par exemple, ne sont plus guère que des déstockages de la Fraction armée rouge.
Pour se nettoyer la tête, je vous suggère ici huit livres de droite.
The Road to Serfdom (1944), par F. A. Hayek
Ce remarquable petit essai dans lequel celui qui fut probablement le plus grand intellectuel du XXe siècle, montre comment une société libre, croyant collectiviser certains aspects de son fonctionnement pour le « bien commun », s’installe dans un engrenage qui la mène nécessairement à la plus abjecte servitude. C’est le socialisme que Friedrich Hayek avait en vue.
Mais comment ne pas voir que le raisonnement s’applique à l’identique aux funestes velléités écologistes d’une certaine « élite » européenne ? Pan après pan, pièce par pièce, les législations européennes prises au nom de l’écologie nous jettent dans les fers de l’assujettissement.
The Black Swan (2007), par Nassim Nicholas Taleb
Dans cet essai révolutionnaire Taleb montre que l’histoire est parsemée d’événements radicalement imprévisibles, dont les effets sont massifs, et que les analystes ont tendance à expliquer a posteriori comme s’ils étaient prévisibles — alors que leur caractéristique est de ne pas l’être.
Il s’agit notamment des deux guerres mondiales, de la chute du mur de Berlin, des attentats terroristes du 11 septembre 2001, de l’essor d’Internet, du krach boursier de 1987 et de la crise financière de 2008.
Le troisième chapitre introduit les concepts d’Extrêmistan et de Médiocristan, que Taleb utilise comme guides pour définir la prévisibilité de l’environnement étudié. Les environnements médiocristes répondent à une distribution gaussienne. Dans les environnements Extrêmistan, une distribution gaussienne n’est au mieux que l’habillage de notre ignorance.
Histoire de l’Europe (1936), par Henri Pirenne
C’est probablement le livre d’histoire le plus magistral qu’il m’ait jamais été donné de lire.
En Belgique, Pirenne est d’abord connu pour son histoire de Belgique belgiciste, fransquillonne, essentiellement périmée. Pourtant, le Flamand Henri Pirenne est d’abord et avant tout le notaire génial du formidable destin européen, des invasions au XVIe siècle. Dans cette Histoire rédigée intégralement de mémoire, alors qu’il était prisonnier des Allemands durant la Première Guerre mondiale, sans accès à aucune source, Pirenne montre comment l’Europe post-romaine s’effondra sous le double coup des invasions normande et islamique. La cassure économique qui s’ensuivit mena à l’effondrement démographique. L’Europe entrait bientôt dans l’une des plus abjectes et fulgurantes dé-civilisations de l’histoire.
Les pages dans lesquelles Pirenne décrit la décrépitude de cités autrefois florissantes, qui se ratatinent sur les murailles de leur amphithéâtre, sont d’une puissance évocatrice sans égale, d’une beauté désespérée qui marque :
« À Nîmes, les murs du cirque romain servent de rempart à la bourgade qui niche au milieu des décombres. À Trèves, une fenêtre de l’ancien palais impérial, accommodée tant bien que mal à la défense, devient une des portes de la ville, et la porta nigra, dont les blocs de pierre sont trop lourds pour être emportés, est dépouillée, pour servir au forgeron local, des crampons de fer qui les rattachent les uns aux autres. Rome est comme perdue au milieu de l’immense circuit que dessine, autour de ce qui reste d’elle, le mur d’Aurélien. »
Die Logik der Forschung (1934), par Karl Popper
Dans le contexte du bouillonnement de nouvelles doctrines et théories qui, toutes, se réclamaient du beau nom de la science — marxisme, psychanalyse, national-socialisme — cet ouvrage propose un critère de démarcation entre ce qui est science, et ce qui relève de l’évocation poétique ou littéraire.
Selon Popper, ne sera qualifiée de scientifique que la théorie structurellement réfutable, c’est-à-dire qui avance des propositions susceptibles d’être prouvées en fait. De ce point de vue, la psychanalyse n’est pas une science — car tous les faits peuvent être « expliqués » à l’aune de ses mythes — et le marxisme n’est une tentative de science que dans sa partie la plus manifestement fausse (déterminisme historique, causalité).
Il est aisément démontrable que nos contemporaines théories du wokisme, de la Critical race theory, du genrisme et de l’écologisme relèvent, d’un strict point de vue poppérien, du même genre de superstition non scientifique.
Du pouvoir (1945), par Bertrand de Jouvenel
C’est probablement la réflexion la plus aboutie depuis Les Politiques d’Aristote sur le concept de pouvoir, sa pureté, sa généalogie, les séductions de ce que Jouvenel nomme « le Minotaure » — et les moyens de le domestiquer pour éviter qu’il ne dévore la société.
The Fountainhead (1943), par Ayn Rand
Ode inouïe à la liberté et la force, cet essai décrit l’individu qui, pris dans les rets d’autant de coercitions et contraintes, finira à force de persistance par les déchirer pour réaliser les puissances — de création, d’amour — nichées en lui.
Née dans la Russie dévastée par la révolution bolchévique, Ayn Rand avait vécu dans sa chair les abominations et dévastations du communisme répandant ses épais bouillons de fiel, de haine, de meurtre et de destructions, avant de fuir à New York. The Fountainhead est à maints égards une approximation convaincante du meilleur de l’individualisme euro-américain.
Diplomacy (1994), par Henry Kissinger
C’est ici la somme de celui qui parvint aux cimes de la carrière académique et politique, qui plus est dans un pays qui n’était pas le sien.
Car Heinz Kissinger, à l’instar de Alissa Zinovievna Rosenbaum (Ayn Rand), dut quitter son pays, qui avait juré de le détruire. Diplomacy se lit comme une vaste fresque de l’histoire diplomatique occidentale, sur un mode réaliste, dont la catégorie reine est l’équilibre des forces. Kissinger aura 100 ans le mois prochain.
L’écologisme, nouveau totalitarisme ? (2019), par Drieu Godefridi
Un essai dans lequel Drieu Godefridi plaide le caractère foncièrement totalitaire de l’écologisme comme idéologie politique.
Godefridi montre que l’Europe s’est engagée sur la route de la servitude, s’exposant de façon cruelle aux futurs black swans, au risque de se rebarbariser. Dans une démonstration essentiellement réfutable, il explique que le caractère non démocratique de l’Union européenne favorise l’adoption de législations liberticides qui ne seraient votées par aucun Parlement national. Ce qui est menacé est la liberté de l’individu au sens le plus littéral, dans tous les compartiments de son activité : mobilité, manger, faire des enfants, habiter, construire, entreprendre. Il en appelle à une réinvention de la grande diplomatie européenne, à l’initiative de pays tels l’Italie, pour faire échec à ce projet totalitaire au sens strict.
Alors, bien sûr, Godefridi, c’est moi et je suis conscient de l’immodestie absolue qu’il y a à inscrire l’un de mes essais dans cette liste. Mais si on écrit des livres, n’est-ce pas pour les faire lire ?
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