André Dorais
En démocratie, le parti élu reçoit rarement plus de 60% des voix. Plus il y a de partis politiques qui courtisent
l’électorat, plus ce pourcentage tend à être bas. C’est d’autant plus vrai lorsqu’on tient compte
du taux de participation. Dans ces
circonstances, la majorité représente souvent moins de 30% de la population
apte à voter.
Par exemple, lors des dernières élections québécoises, soit
celle de 2008, le Parti libéral remportait la victoire avec 42% des voix. Toutefois, puisque le taux de participation
était de 57,33%, c’est dire que le gouvernement, à cette date, représentait 24%
(42%x57%) de l’électorat. Lors de
l’élection précédente, en 2007, le Parti libéral avait également remporté la
victoire, mais uniquement avec 33% des voix.
Néanmoins, puisque le taux de participation était de 71,23%, le taux de
représentation du gouvernement était similaire (23,50%) au taux obtenu l’année
suivante. Les mêmes calculs tirés des résultats
de la dernière élection montréalaise donnent un taux de représentation de
14%.
Ces faibles taux de représentation se constatent également
dans la façon dont les gouvernements établissent leurs services. En effet, plusieurs des services établis par les
gouvernements ont peu, voire n’ont pas du tout, fait l’objet de discussions
préalables auprès de la population, si ce n’est qu’auprès des groupes concernés. Les centres d’injection supervisée, la
procréation assistée, l’assurance parentale, les garderies et bicyclettes
«publiques», et cetera constituent quelques exemples récents.
Ces services reflètent moins la volonté populaire que celle
des gouvernants. Une fois établis,
cependant, il est difficile de les retirer du contrôle de l’État puisque les
consommateurs les obtiennent ou bien pour rien, ou bien pour une fraction du coût,
la facture étant refilée aux contribuables.
La contrepartie de cette façon de procéder est qu’il y a alors moins de
ressources disponibles pour satisfaire les besoins des gens qu’eux-mêmes priorisent.
De faibles taux de représentation conduisent à de faibles justifications
Trop d’individus se présentent en politique pour imposer
leurs projets, leur idée de la justice ou encore leur conception de la vie en
société. Pour eux, la majorité ne
constitue qu’un outil pour arriver à leurs fins. Leur but est d’établir leurs «programmes» qu’ils
présenteront ensuite comme étant des «choix
de société». Cette expression n’est pas
anodine puisqu’elle laisse entendre qu’il y a unanimité à leur égard plutôt que
simple majorité. La généralisation à
outrance participe du même phénomène : Les Québécois pensent de telle et
telle façon, ils sont pour ou contre tel projet, etc. Comme si 8 millions d’habitants pouvaient
parler d’une seule voix! Les gens
prompts à l’exagération ont souvent un combat à livrer, dans lequel ils
aimeraient l’engagement de tous à leurs côtés.
Ce fin processus d’endoctrinement ne s’arrête pas là puisque
invariablement les politiciens attribuent leurs décisions, de mettre en place
tel ou tel service, à une raison d’ordre moral.
La solidarité est certainement l’une de ces raisons invoquées parmi les
plus populaires. Sa popularité est due à
une ambigüité exploitée à fond. En
éthique, la solidarité est caractérisée par le fait d’aider, de son plein gré,
un ou plusieurs individus. Par contre, en
politique, on qualifie de solidarité toute action venant en aide aux groupes
d’individus qui la demandent. Autrement
dit, la «solidarité politique» laisse tomber l’accord explicite de chaque
individu pour se contenter d’un accord implicite, qui provient de la soi-disant
représentativité du législateur à agir au nom de la population.
Les politiciens se servent abondamment de cette expression,
car ils en tirent prestige et grandeur d’âme.
Ils s’engagent à aider les uns, mais en faisant payer les autres, et
cela, sans craindre les poursuites judiciaires de ces derniers. S’ils aident les fournisseurs plutôt que les
demandeurs de services, alors on ne parle plus de solidarité, mais de
copinage. Dans les deux cas, toutefois,
c’est la liberté individuelle qui écope, par conséquent l’éthique. Or, c’est justement au nom de l’éthique, ou
plutôt d’une conception collectiviste de l’éthique, qu’ils justifient leurs
projets et services.
Cette conception de l’éthique, ou de la solidarité, est
imposée à tous sous le prétexte qu’elle est représentative de la volonté
générale (majoritaire). Toutefois, en l’imposant
les politiciens en vide le contenu pour n’en garder que le contenant. C’est un peu comme l’individu qui prétend
être vertueux parce qu’il se présente à l’église tous les dimanches. Qu’il batte sa femme, la trompe régulièrement
et boive comme un trou ne constitue, pour lui, que des considérations
secondaires. Une solidarité collective,
politique, imposée à autrui ne constitue qu’une éthique de façade. La véritable solidarité ne s’impose qu’à
soi-même. En ce sens, elle est
individuelle, c’est-à-dire qu’elle ne peut provenir que de l’accord de chaque
individu.
Plusieurs individus de bonne foi ne réalisent pas cette
particularité de la solidarité, car ils attribuent plus d’importance aux
décisions collectives qu’aux décisions individuelles. Ils croient que les décisions individuelles
sont empreintes d’égoïsme et que les décisions collectives les nettoient de ce
vice, mais ils se trompent. Certes, la
plupart des décisions individuelles sont égoïstes, mais l’erreur est de penser
que les décisions collectives en sont dépourvues.
En somme, on peut décrire le processus démocratique de la
façon suivante : règle générale, 15% à 40% de l’électorat vote pour le
parti au pouvoir, celui-ci met en place un ou plusieurs services financés par
une minorité de contribuables dont la plupart d’entre eux n’ont jamais entendu
parler, mais cela suffit au gouvernement et à ses partisans pour évoquer un
choix de société. C’est-à-dire que pour
pallier au manque d’appui de la population on tend à l’exagérer d’une part et
d’autre part, à attribuer la mise en place des services gouvernementaux à des
vertus qu’on ne possède pas, mais qui, une fois redéfinies, en donnent l’illusion. Est-ce vraiment ce qu’on peut faire de
mieux?
Il y a lieu de se méfier de la démocratie, car elle peut
conduire facilement au socialisme. Ce
n’est pas tant le régime politique qui importe que les libertés qu’il
sous-tend. Plus celles-ci seront grandes,
plus l’État sera petit. Cette équation
est incontournable, qu’elle plaise ou non.
Les libertés fondamentales renvoient à l’autonomie des gens, par
conséquent à un État minimal, voire inexistant.
Force est de constater que la démocratie pousse en sens inverse. Si l’on veut la maintenir il faudra tôt ou
tard la limiter davantage, réduire ses prétentions à représenter l’ensemble de la
population, à agir en son nom, au nom de la solidarité, de l’éthique, etc.
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