Voilà la preuve que les politiciens sont à l’origine de la crise financière.
Greenspan contre Fannie et Freddie
8 avril 2005
Paul Dontigny jr., Investissements PDJ
Selon Greenspan, Fannie Mae et Freddie Mac procurent actuellement un risque significatif à l'intégrité du système financier américain
La mission de la Réserve centrale américaine, la Fed, est de promouvoir le plein emploi et la stabilité des prix. Le plein emploi est le taux de chômage que l’économie peut soutenir sans qu’un déséquilibre inflationniste ne soit créé. La Fed a aussi des mandats réglementaires concernant les diverses institutions financières.
On peut dire que la mission de la Fed est précise… et limitée. Par exemple, elle n’inclut pas de composante sociale ou de justice. Elle n’a pas de responsabilité face à la profitabilité des entreprises ou du risque qu’elles décident d’encourir. La Fed ne se soucie pas de ces facteurs économiques… à moins qu’ils ne mettent en danger la stabilité des prix ou le plein emploi.
Pour atteindre le plein emploi, l’économie doit être très bonne et très forte durant une longue période. Lorsque cela se produit, les gens deviennent optimistes et augmentent habituellement leurs dépenses à un point tel qu’ils doivent s’endetter excessivement. Ces dépenses et l’augmentation exagérée de dette en une courte période créent des bulles spéculatives dans les biens de luxe (inflation) et dans les investissements.
La Fed vise donc à balancer le plein emploi et la stabilité des prix pour que l’économie atteigne son potentiel de croissance maximum sans toutefois dégénérer en inflation ou en spéculation.
C’est pourquoi lorsque Greenspan s’en prend à une industrie ou à un facteur économique, il est grand temps de l’écouter attentivement. De 1996 à 2000, le Chairman de la Fed a mis en garde contre la bulle spéculative des actions. Maintenant, il nous met en garde contre la bulle spéculative immobilière. Il ne le dit pas directement. Il utilise plutôt un langage illustratif comme : «des forces déstabilisatrices pourraient se manifester si des excès de confiance créaient un endettement exagéré qui influencerait les prix à la hausse au-delà des normes historiques». Il peut aussi s’attaquer aux sources des problèmes qui pourraient créer ces déséquilibres.
Depuis un an déjà, Greenspan demande au congrès de modifier la législation qui gouverne les entreprises parrainées par le gouvernement dans le domaine de l’immobilier. Il s’agit de deux firmes inscrites en bourse : Federal National Mortgage Association (Fannie Mae) et Federal Home Loan Mortgage Corporation (Freddie Mac). Ces deux firmes ne sont pas sous la juridiction de Greenspan, mais il tente agressivement d’influencer ces deux entreprises. Pourquoi ? Parce qu’il considère que ces entreprises procurent actuellement un risque significatif à l’intégrité du système financier américain. Pour que Greenspan soit aussi catégorique, c’est que la situation est critique. Pas urgente et imminente, mais critique.
Les titres de ces deux compagnies ont chuté d’environ 25% depuis le début de l’année. Il faut noter que ces deux entreprises ont comme objectif, fixé par le gouvernement, de promouvoir l’accès aux hypothèques pour les propriétaires de maisons et notamment pour ceux qui ont des revenus plus faibles. La façon indirecte par laquelle Fannie et Freddie atteignent cet objectif est ce créer de la liquidité dans le marché hypothécaire et de réduire le risque de défaut en créant des portefeuilles diversifiés d’hypothèques. La mission originelle des deux compagnies n’était donc pas la croissance des profits.
Mais depuis que ces compagnies sont devenues publiques (en bourse), les objectifs ont changé et au lieu de simplement créer des fonds d’hypothèques et de les revendre à des investisseurs (les « mortgage backed securities »), Fannie et Freddie se sont mises à acheter les hypothèques elles-mêmes. Les profits ont bondi… jusqu’à ce que ceux-ci soient violemment révisés à la baisse cette année à la suite de révélations semblables à celles de Nortel.
Avec un marché immobilier en ébullition, et possiblement près d’un sommet, Greenspan craint que l’instabilité d’institutions financières prêteuses d’hypothèques puisse créer une crise de crédit. Il craint aussi que les portefeuilles obligataires des deux firmes, devenus des géants dans le marché, lui créent des difficultés dans ses activités qui ont pour objectif d’influencer les taux d’intérêt des États-Unis. Il veut donc réduire la taille des portefeuilles contrôlés directement par Fannie et Freddie, et que leur mission redevienne la promotion de l’accès à l’emprunt hypothécaire plutôt que la maximisation des profits pour les actionnaires. S’il réussit, je ne voudrais pas être actionnaire de ces deux compagnies.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire