Par Frédéric Mas.
Qui aujourd’hui pour s’opposer au discours lénifiant des écolos ? Qui ne veut pas « sauver la planète » ? Qui souhaite davantage de pollution et transformer le pays en déchetterie ? Personne. Comme personne ne préfère la guerre à la paix, la maladie à la bonne santé ou la pauvreté à la richesse.
Ce bel unanimisme éthique, qui unit curieusement la finance tendance ESG, les métropolitains tendance Hidalgo, les décroissantistes de tout poil, Joe Biden et les cathos réacs, est devenu un marqueur important pour faire partie du camp du Bien.
Il a bien entendu son envers sinistre et monomaniaque : il justifie la chasse aux pollueurs réels ou supposés, la criminalisation des sceptiques et la mise au pas de l’ensemble de la société au nom du bien commun écologique « quoi qu’il en coûte », y compris son secteur industriel et plus généralement la prospérité économique.
Ce qui ne pourrait être qu’un discours marginal au sein du débat public devient clairement dangereux quand il sert de langage de justification bureaucratique pour écraser les libertés locales en France comme dans le reste du monde.
DREAL machin autoritaire et bureaucratique
Dans un essai paru en 2022 intitulé La dictature bureaucratique, Frédéric Masquelier, juriste de formation mais également maire de Saint-Raphaël, nous propose un retour d’expérience intéressant sur la manière dont le ministère de l’Écologie, en particulier la DREAL, se comporte avec les corps intermédiaires et les élus, c’est-à-dire contre les libertés locales.
La DREAL, ou direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement est un machin sous tutelle préfectorale comme notre État jacobin sait en produire. Elle est en quelque sorte le bras armé du ministère de la Transition écologique (et de la cohésion des territoires) en matière de « développement durable ».
« Je n’ai jamais rencontré un élu local qui défende cette administration – qui a l’art de tout rendre complexe. » observe M. Masquelier. Au flou de son champ d’intervention s’ajoute un principe d’incertitude quant à la réalisation de ses objectifs et surtout une incapacité chronique à écouter le retour d’expérience des élus locaux.
Face aux blocages administratifs, M. Masquelier prend l’exemple très concret de travaux de déplacements de berges d’un cours d’eau, le discours de la DREAL est rôdé :
« Il est fermement répondu aux élus trop revendicatifs que cette situation serait de leur faute : la DREAL invoque le réchauffement climatique, la transition énergétique ou une urbanisation non maîtrisée pendant des décennies. »
Fermez le ban.
Masquer un problème ancien
Le discours écologique prend ici une signification nouvelle pour cacher un problème ancien, inhérent à la bureaucratie. Le bavardage climatique et écolo masque son incapacité structurelle à récolter les informations nécessaires à un fonctionnement véritablement efficace vis-à-vis de ses administrés.
Parce qu’elle ne reconnaît comme légitime que le type de savoir qu’elle a elle-même produit et identifié comme valide et « rationnel », elle est incapable d’intégrer l’expérience, les informations et les connaissances qui ne proviennent pas d’elle-même comme l’observait déjà Michel Crozier dans Le phénomène bureaucratique.
La connaissance subjective acquise par les acteurs locaux, par l’expérience des hommes de terrain, les compétences tacites et informelles des acteurs n’existent pas aux yeux des bureaucrates et des planistes, qui limitent la « rationalité » de l’action publique (au sens de Weber) à ce que génèrent les administrations publiques elles-mêmes.
Ajoutons que la position de monopole de la DREAL en matière de décision publique sur la question écolo offre en complément peu d’incitations pour son personnel de prendre en compte les avis et les retours d’expérience qui ne proviennent pas de sa propre hiérarchie.
Parce que la nature vous veut du bien, et que l’administration publique en est l’exécutif direct, les élus, corps intermédiaires et démocraties locales doivent s’aligner ou disparaître. Le planisme écologique ne veut pas une tête qui dépasse et surtout pas d’élu qui pense.
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