Par Miguel Ouellette
Nul ne peut nier que la pandémie et les mesures sanitaires ont frappé de plein fouet notre économie, et que les ravages se poursuivent. Alors que le manque de planification a rattrapé nos gouvernements, notamment en ce qui concerne le système de santé qui a besoin d’une réforme de fond depuis des années, nous devons prévoir la relance économique et nous assurer de mettre à contribution tous les vecteurs de création de richesses. Si l’attention des décideurs politiques et des leaders d’opinion est souvent tournée vers Montréal, nous devons mettre en lumière l’importance des métiers en région pour la relance et comprendre le risque associé à la pénurie de main-d’œuvre qui les guette.
En effet, avant la pandémie, on estimait que plus de 1,4 million d’emplois seront à pourvoir au Québec d’ici 2026, dont plus de 80 % hors Montréal. Bien que certains de ces postes exigent des études universitaires, il va sans dire que de nombreuses PME ont besoin de travailleurs qualifiés pour occuper des métiers plus manuels. Une intensification de la pénurie de main-d’œuvre ou du manque de relève dans ces entreprises en région pourrait ralentir la croissance dont nous avons besoin. Il n’est donc pas souhaitable pour la relance économique que nous ayons un surplus de diplômés en sciences sociales et une pénurie de cols bleus.
Une mauvaise presse qui fait mal
Le président-directeur général du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) mentionnait en entrevue il y a quelques semaines que le manque de relève dans le secteur forestier est effectivement l’un des principaux enjeux. Selon lui, cela s’explique notamment par la mauvaise presse dont souffre trop souvent le secteur forestier au sein des établissements d’enseignement et de la population en général, dissuadant ainsi les étudiants de participer à des programmes de formation liés à l’industrie forestière. Il a tout à fait raison.
Qu’il s’agisse de l’industrie forestière, manufacturière, agricole ou minière, de nombreux préjugés persistent et accentuent ainsi le manque de relève. Tout d’abord, la pression que nous exerçons sur nos jeunes du secondaire pour rentrer dans le moule des études universitaires plutôt que de suivre une formation professionnelle perpétue la croyance selon laquelle réussite rime nécessairement avec parcours universitaire.
Ensuite, les campagnes populistes de certains groupes de pression prétendent à tort que ces industries seraient presque entièrement responsables de tous nos maux environnementaux et sociaux, ce qui favorise davantage les réticences envers plusieurs métiers en région. Sans compter la manie qu’a le Québec de mettre des bâtons dans les roues de ces secteurs clés pour l’économie régionale.
Les gens de métiers ont pourtant été depuis longtemps les piliers de notre économie et l’une des raisons principales pour lesquelles nous jouissons aujourd’hui d’un excellent niveau de vie.
La relance économique passe par nos régions
Si personne ne peut réfuter le fait que davantage d’éducation favorise notre épanouissement économique, il serait faux de croire que les régions affichant un faible taux de diplomation ne puissent contribuer à la relance économique. Par exemple, sur la Côte-Nord, le taux de travailleurs possédant un diplôme universitaire est parmi les plus faibles au Québec, soit environ 16 %, alors que celui de Montréal est de plus de 46 %. Toutefois, lorsque nous considérons le PIB par habitant, les deux régions affichent un ratio presque équivalent, soit un peu plus de 67 000 $.
D’ailleurs, les régions sont responsables d’environ 50 % du PIB de la province, et ce, même si le taux de diplomation universitaire est bien moins élevé que dans les centres urbains. Les métiers sont donc primordiaux pour le bien-être économique du Québec et nous devrions en faire davantage pour les valoriser, notamment en faisant promotion des programmes de formation pour les métiers et en véhiculant un message plus positif quant aux industries clés pour les régions.
Bien que l’urbanisation du Québec ait ses avantages, il ne faudrait surtout pas mettre l’économie régionale de côté et négliger ceux et celles qui ont bâti notre économie à la sueur de leur front. La relance économique post COVID-19 passera par nos régions et nous devons, dès maintenant, leur donner les moyens de faire partie de la solution.
Nous avons besoin de nos gens de métier.
Miguel Ouellette est directeur des opérations et économiste à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire