Éducation : Une catastrophe !
JOURNAL DE MONTRÉAL, PUBLIÉ LE: DIMANCHE 10 MARS 2013,
23H56 | MISE À JOUR: DIMANCHE 10 MARS 2013, 23H59
Des parents qui se prennent pour les patrons des
enseignants. Des enfants-rois qui méprisent leurs professeurs. Des élèves qui
obtiennent leur diplôme secondaire même en faisant 150 fautes dans un texte.
Des futurs enseignants qui baragouinent le français. Une réforme mal conçue.
Des tableaux blancs interactifs coûteux qui ne sont pas fonctionnels. Des
dictionnaires qui datent d’il y a 20 ans. Un manque total de culture générale.
L’ignorance érigée en système.
L’éducation au Québec, une catastrophe? Ce n’est pas moi qui
le dis. C’est une professeure de français qui a accroché ses patins après 30
ans dans les écoles secondaires publiques et qui a écrit son ras-le-bol dans un
bouquin percutant qui vient de sortir.
Dans Une éducation bien secondaire, Diane Boudreau tire la
sonnette d’alarme : «La guerre contre la bêtise est perdue», dit-elle. Y a-t-il
quelqu’un dans le milieu de l’éducation qui va l’écouter?
LA LOI DU MOINDRE
EFFORT
Ce pamphlet vitriolique est très courageux, mais
désespérant. Diane Boudreau devait enseigner jusqu’en 2017, mais elle a
démissionné en 2012. La raison? Une écœurantite aiguë.
Plus capable de supporter les parents d’élèves qui
intimident les professeurs, les menacent de poursuites ou les accusent de
«harceler» leurs enfants s’ils sont trop exigeants.
Plus capable de lire le «charabia de fonctionnaires qui
s’ennuient».
Plus capable de voir des élèves partir deux semaines à Cuba
pendant les semaines d’école, parce qu’ils ont profité d’un «deal écœurant».
Plus capable de donner des dictées à des élèves qui ont
droit aux dictionnaires et aux recueils de conjugaison.
Plus capable de supporter des élèves qui connaissent leurs
«droits» par cœur, plus que les règles de grammaire.
Plus capable de voir les commissions scolaires dépenser des
fortunes pour des sessions de team building avec des concours de recettes,
pendant que dans les classes, on manque de dictionnaires et que les murs ne
sont jamais repeints.
Dans ce livre très documenté (publié par Poètes de brousse),
les phrases qui tuent viennent d’un constat accablant : «Les connaissances et
la culture générale intéressent peu les gens» et «L’éducation n’est pas une
priorité au Québec».
Diane Boudreau affirme que l’exemple vient d’en haut :
pourquoi les enfants s’exprimeraient-ils comme il faut alors que les adultes
massacrent le français?
Et elle s’en prend aux artistes québécois qui «manquent de
mots ou ne savent pas faire leurs accords correctement». «Combien de fois ai-je
entendu dire “la chanson que j’ai écrit, le stage, les drums, le monde sont
contents, j’ai été flabbergasté”, etc.», dit-elle.
(D’ailleurs, parlant d’exemple qui vient d’en haut,
avez-vous vu le ministre de l’Éducation supérieure Pierre
Duchesne à Tout le monde en parle récemment? Ça ne vous a
pas frappé, à quel point il s’exprimait mal en français? C’est une contravention
pour conduite en état de français tout croche qu’il aurait dû recevoir…)
INITIATION À L’ÉCHEC
Le livre de Diane Boudreau ne fait que 116 pages. C’est un
livre dénonciateur, mais qui propose aussi des pistes de solution.
Le plus triste, c’est que ce bouquin essentiel, audacieux et
courageux n’aura peut-être pas beaucoup d’impact pour une raison infiniment
triste : au Québec, comme le rappelle Diane Boudreau, la moitié de la
population est analphabète.
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