Les analystes, éditorialistes et chroniqueurs sont à court de superlatifs pour décrire le premier budget du ministre Bachand : historique, casse-gueule, audacieux, courageux, changement de philosophie, abolition des vaches sacrées, etc.
Mais qu’en est-il réellement?
Il faut donner à César ce qui appartient à César. Pour la première fois en cinquante ans, le budget favorise le principe utilisateur-payeur. C’est un début timide, mais tout de même c’est un début.
Au-delà de ce constat, je n’ai pas trouvé une seule bonne raison de me réjouir.
Le premier budget Bachand, comme tous les autres avant lui, est clair, net et précis en ce qui concerne l’augmentation des revenus. Les dates, les montants et leurs affectations sont clairement détaillés. Il y a urgence, donc il a fallu commencer à payer dès aujourd’hui (taxe d’un sou le litre). En 2014, les revenus du gouvernement auront augmenté de plus de 4 milliards par année et le portefeuille des familles québécoises aura baissé d’autant (1 000 $ à 1 500 $ par famille par année).
Par contre, en ce qui concerne la réduction de 6,9 milliards des dépenses, il faut faire une profession de foi. C’est flou, ce n’est que promesse et verbiage.
Le budget contient quelques mesures de réduction des ¬dépenses comme le gel des salaires des élus, la suspension des primes au rendement pour deux ans, la réduction des dépenses administratives et des coûts de déplacement. Ces mesures contribueront à la réduction du déficit de quelques centaines de millions tout au plus.
Pour le reste : «faites-nous confiance». Si l’histoire récente est garante de l’avenir, il n’y aura pas d’excès de vitesse.
Éducation : le gouvernement promet de réévaluer le rôle des commissions scolaires. Je ne me serais pas attendu à autant d’audace!*
Santé : le budget propose d’allouer plus d’argent à la santé. Quelle audace! Il faut vraiment être culotté pour proposer une telle mesure de réduction des dépenses!*
Subventions de 6 milliards aux entreprises. Ici, le ministre Bachand a vraiment sorti la hache. Les nouveaux programmes proposés par les ministères devront être financés à même l’enveloppe budgétaire disponible. Qui se serait attendu a autant d’austérité?*
Subventions de 795 millions aux 5085 organismes sociaux, culturels et autres. Encore une fois, le ministre ne manque pas de courage. Il prévoit augmenter, mais de peu, les subventions à la culture. Wow! Là vraiment je lui lève mon chapeau!*
En fait, à l’exception des compressions budgétaires de quelques centaines de millions dans les salaires et le gaspillage des fonctionnaires, le budget ne propose aucune réduction des dépenses. Il propose plutôt de réduire le taux de croissance des dépenses de 4,8 % à 2,8 % en 2011-2012. Le ministre prétend que l'augmentation naturelle des dépenses de l'État est de 4,8% par année et qu'il entend le réduire à 2,8%. C’est ainsi qu’il en arrive à la conclusion que l’État contribuera à hauteur de 65 % à l’effort de réduction du déficit!
C’est mathématiquement vrai, mais ce n’en est pas moins une fumisterie pour autant. La croissance naturelle du budget de l’État devrait être autour de 2 % : le taux de croissance de la population (disons 100 000 par année ou 0,13 %), plus le taux d’inflation (plus ou moins 2 % par année), plus un ajustement pour compenser l’effet du vieillissement de la population (soyons généreux, disons 1 %) moins les gains de productivité (disons 1 % par année. Il ne faut pas trop en demander). Donc, partant du fait que le taux d’accroissement naturel des dépenses de l’État est de 2 %, il devient évident que les familles québécoises doivent encore payer pour que l’État continue de s’engraisser.
Ce n'est pas la première fois que le gouvernement Charest annonce son intention de bouleverser les façons de faire à Québec. Lors de son élection en 2003, il promettait déjà de révolutionner l'État québécois. Il promettait la «réingénierie de l'État», le «gouvernement en ligne» et les «partenariats public-privé». On sait maintenant qu’entre 2003 et 2010, l’État a continué d’engraisser à la vitesse grand « V ». Alors, pourquoi devrais-je croire que ce sera différent cette fois-ci?
Il y a au moins une conséquence positive à ce budget. Depuis le discours du ministre Bachand, la merveilleuse chanson de Dalida joue en boucle dans ma tête :
Parole, parole, parole
Écoute-moi.
Parole, parole, parole
Je t'en prie.
Parole, parole, parole
Je te jure.
Parole, parole, parole, parole, parole, encore des paroles que tu sèmes au vent.
* Sarcasme voulu
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