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26 février, 2021


 Par Louise V. Labrecque

L’histoire commence avec un bon cultivateur de chez nous, Amable Gosselin, qui était également forgeron et commerçant à Saint-Laurent-de-l’Île-d’Orléans. Sans se préoccuper des bouches à nourrir déjà nombreuses dans sa famille, il réclama un petit orphelin irlandais, en 1847, alors qu’une épidémie de typhus dévastatrice avait obligé la mise en quarantaine d’immigrants irlandais par milliers, à la Grosse-Île, située entre l’Île aux coudres et l’Île d’Orléans. Grâce à la générosité d’Amable Gosselin, laquelle est encore de nos jours la caractéristique des gens de l’Île, comme en atteste la devise « J’accueille et je nourris », James Donnelly connut l’amour et la sécurité d’un foyer nourricier accueillant. Nous pouvons imaginer combien la perte tragique de son père et de sa mère le marqua, alors qu’il n’avait que trois ans. Grâce au ciel, Amable Gosselin en fit son protégé et le fit instruire, d’abord à la petite école modèle de Saint-Laurent, puis plus tard à Québec, où il fréquenta l’école normale Laval. Il obtint son premier emploi d’enseignant à l’institut Juneau, dans le quartier Saint-Roch.

 

Amable, qui décidément portait bien son nom, adopta plus tard William, le frère de James, qui avait fini par déserter sa famille adoptive où il vivait malheureux, des Irlandais des environs de Québec. Ainsi, Amable Gosselin offrit deux fois plutôt qu’une un avenir radieux, notamment par l’encouragement dans les études, qui aboutit en l’éclosion du génie littéraire de James Donnelly, qui devint un poète remarqué en son temps. Ses poèmes sont d’ailleurs inclus dans la deuxième anthologie de la poésie canadienne-française, parue en 1881. Partout sur l’Île, tout le monde le surnommait « Jimmy » et sa plume s’inspirait de la nature et des beautés de l’île d’Orléans.

 

On le retrouve plus tard, en 1871, membre d’un cercle littéraire de Québec, « la Chambre de discussion du Faubourg Saint-Jean », puis il se lança dans le journalisme, collaborant à plusieurs journaux et périodiques, en ayant même dirigé quelques-uns. Après avoir papillonné à Montréal, en Outaouais et en Montérégie, où il enseigna et travailla comme journaliste, il entre en 1888, à 49 ans, au noviciat des Frères des écoles chrétiennes à Montréal. Il y prit le nom de Frère Romus Joseph. De tempérament un peu bohème, il fut renvoyé quatre ans après avoir prononcé ses vœux, le 14 juin 1892, tandis qu’il enseignait au Collège Mont Saint-Louis, à Montréal, pour cause de « disparition pendant plusieurs jours ». Nous perdons ensuite sa trace un bon moment pour découvrir qu’il est décédé, en 1900, à Baltimore, sans nouvelle à sa famille adoptive même si celle-ci, selon l’historien de Saint-Laurent-de-l’Île-d’Orléans le chanoine Gosselin, l’a toujours aimé comme l’un des siens : « Je dois tout ce que je possède aux Canadiens-français – ma vie, mon instruction, et même mon pain quotidien- et ne serait-ce que par reconnaissance, si j’ai quelque chose à léguer à mon pays, je veux que la littérature canadienne-française en soit l’héritière ».

 

Ardent défenseur de la langue française, Donnelly savait aussi écrire et traduire les textes avec mille et une nuances et subtilités. Du grand art, qui s’est hélas perdu dans les oubliettes de l’Histoire. De nos jours, d’ailleurs, c’est bien la première fois depuis plus d’un siècle qu’un article est imprimé à son sujet !  Les recherches sur le poète de Saint-Laurent se poursuivent toujours, au moment où vous lisez ces lignes. Aucune photo n’a été trouvée à ce jour, comme plusieurs pans de son parcours qui restent inconnus. Quant à son père adoptif, Amable Gosselin, on sait qu’il repose dans l’église de Saint-Laurent, ce qui est un incontestable signe de reconnaissance, car un tel mode d’inhumation était en effet un honneur, réservé aux bienfaiteurs de la paroisse.

 

Pensez donc au cher Amable, ainsi qu’à son protégé James Donnelly, lorsque vous passerez par le Chemin Royal, spécialement en traversant la paroisse Saint-Laurent, notamment à la vue de l’église et de la maison qu’Amable Gosselin a construit de ses mains en 1892; elle est située au 130, Chemin Ferland. Nous savons également que la sœur de James Donnelly, dont le nom demeure à ce jour inconnu, fut adoptée par la famille de Louis Fréchette, donc qu’elle fut la sœur adoptive de celui qui fut connu en tant que notre « poète national ». Finalement, nous pouvons penser également qu’Amable Gosselin, c’est sûrement l’histoire d’un québécois heureux. Il est difficile, sinon impossible, d’offrir à autrui ce que nous n’incarnons pas nous-mêmes. Ainsi, James Donnelly, un petit garçon malheureux fut sûrement à son tour un homme heureux. Son petit frère William également. Bref, que son influence soit de nos jours consciente ou non, il y a dans la beauté et la générosité de ce don comme une perle, un petit bijou, lequel signa pour James Donnelly de nouveaux possibles merveilleux.


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