L’État doit tout faire pour que les individus restent le centre du jeu et des décisions qui y sont prises. Ainsi la route de la liberté peut se substituer à celle de la servitude.
Il est rare de voir sortir un pamphlet libéral à succès en France. La mode est plutôt aux essais nationalistes ou égalitaristes, pavant la route de la servitude par la droite ou par la gauche. Les restrictions récentes et croissantes liées au Covid-19 sont l’occasion pour Mathieu Laine de décliner à nouveau son refus de l’infantilisation par un État qui nous veut du bien, au-delà de nous vouloir tous égaux.
POINT DE VUE SUR L’OUVRAGE
Pour tous ceux qui ne s’habituent pas aux documents à compléter à chaque sortie ou voyage, voyant bien que ce contrôle est mal conçu et qu’il n’a pas fait grand-chose pour freiner l’épidémie de Covid-19 comme beaucoup d’autres mesures absurdes et peu copiées par d’autres pays, l’ouvrage de Mathieu Laine est à recommander.
Cette frustration initiale que constituent les petites immixtions de l’État dans la vie privée à l’occasion de la pandémie, et pour notre bien suprême, est un bon point de départ pour se rappeler que la liberté n’est pas un acquis irréversible et que la propension de l’État a faire le bien n’a de limite que celle que chaque citoyen veut bien lui accorder.
Ce livre pointe du doigt notre tendance générale à l’infantilisation, c’est-à-dire le besoin d’État sur tous les sujets nous apportant protection et précaution en temps de paix et a fortiori en temps de guerre, l’épidémie actuelle étant assimilée à une guerre. L’État, constitué d’hommes, ne pouvant répondre à toutes nos exigences en sort d’autant plus affaibli qu’il se disperse dans le détail, le micro, les contrôles plutôt que l’essentiel régalien qui le légitime pour promouvoir nos libertés.
Ce livre dénonce l’acceptation de moindres libertés, sorte de servitude volontaire moderne. Il évoque au passage l’impact de la pandémie sur la dette de la France, déjà en tête des prélèvements obligatoires et de l’interventionnisme social rapporté au PIB.
On peut imaginer ainsi l’enjeu des élections de 2022, ce qui requiert un prochain livre : en sortie de crise, espérons-le, comment devrons-nous à la fois reprendre l’habitude de nos libertés mises en veilleuse pendant la crise sanitaire tout en soldant nos comptes pour payer cette crise, non pas par davantage d’impôts mais par davantage de libertés économiques et de concurrence des domaines de l’État. Vaste programme. Libéral.
LA PANDÉMIE A RÉVEILLÉ NOTRE BESOIN DE MATERNAGE JUSQU’À L’ABSURDE
Au nom de la sauvegarde de la santé publique en période de pandémie, l’État s’est mis à réguler les repas de Noël, les déplacements dans la rue et même les motifs de déplacement ainsi que les distances parcourues, les biens de consommation tantôt essentiels tantôt proscrits comme non essentiels (dont les livres).
Il est naturel que la régulation augmente en période de crise extrême. Les citoyens sont demandeurs de ce durcissement des normes et contrôles afin de se prémunir d’un risque inconnu au point que les libertés peuvent même passer au second plan. Tel est le piège dont il faut attirer l’attention dès maintenant et encore plus en sortie de crise.
L’infantilisation rampante ne date pas d’aujourd’hui. Elle était déjà à l’œuvre pour nous protéger de nous-mêmes au sujet de la nourriture, des addictions ou de l’environnement. Avec la pandémie de Covid-19, elle est tout aussi visible dans les autres pays à des degrés divers.
L’INFANTILISATION EN PROGRESSION CONSTANTE A PROGRESSÉ ENCORE PLUS À L’OCCASION DE LA CRISE SANITAIRE
Un nouveau mouvement intellectuel de troisième voie entre libéralisme et socialisme, le nudge (paternalisme libéral), a été mis en avant par Obama, Cameron et la France n’a pas mis longtemps à se l’approprier. Il s’agit de promouvoir les bonnes décisions à la place des individus qui ne sont pas si rationnels que cela, non par la contrainte mais l’incitation.
C’est ainsi que l’État est devenu maternel, incitant préventivement à manger mieux, épargner plus, consommer moins d’énergie. Ni centralisateur ni naïf quant à la rationalité individuelle, ce mouvement prétend avoir trouvé l’optimum social qui pourrait un jour se transformer en société de contrôle.
Mais l’homme d’État obsédé par sa réélection ou le fonctionnaire inamovible sont irresponsables des décisions prises. Ils ne sont pas les mieux placés pour nous conseiller sur nos choix individuels quotidiens. Leurs décisions sont biaisées et pleines d’effets pervers inconnus et rarement analysés.
Les citoyens ont la tentation de l’addiction à l’État nounou. C’est là le cœur de l’infantilisation, régression volontaire des citoyens adultes acceptant leur dépendance multiple à l’État en échange de toutes ses promesses de protection et préventions. La peur alimentée par l’épidémie alimente cette tendance à l’infantilisation et au principe de précaution, néfaste pour la prise de risque nécessaire à une société innovante.
L’épidémie a libéré la machine bureaucratique française prompte aux contrôles en tout genre, y compris les plus loufoques. Aux restrictions déjà à l’œuvre pour protéger l’environnement ou la santé, les limites à la circulation des personnes sont venues renforcer cette tendance à tout surveiller. L’économie a ainsi été sacrifiée au confinement, négation de l’interaction sociale et de l’échange.
En réaction à ces excès, les citoyens perdent confiance en l’État qui s’empêtre dans le micro-contrôle sans pouvoir garantir l’essentiel comme la sécurité. De même, le bilan économique de l’infantilisation ne pourra être reporté puisque son coût a explosé avec la pandémie d’une manière inédite depuis la Seconde Guerre mondiale. En attendant la dette française est désormais à 120 % du PIB et sa résolution par plus d’impôts devient un nouveau piège à éviter, au même titre que la propension naturelle de l’État à croître sans limite.
LA TYRANNIE EST UNE ROUTE QUI SE DÉPLOIE AU NOM DU BIEN, LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE EST UNE ROUTE ALTERNATIVE QUE NOUS DEVONS PROTÉGER
Sécurité, santé, pureté, bonheur, égalité sont les valeurs au nom desquelles le despotisme peut réapparaître à tout moment remettant en cause la conquête des libertés jamais acquises pour toujours et donc toujours à défendre.
La tyrannie du Bien est un danger à bien des égards pour la liberté individuelle. Les extrémismes s’en délectent pour progresser, surfant sur la déception inévitable envers l’État maternant ne tenant pas ses promesses, jetant en pâture les libertés fondamentales à une foule prête à y renoncer pour davantage de sécurité ou de morale.
L’ordre spontané est toujours menacé par l’ordre construit des hommes politiques qui, tout surhommes qu’ils se projettent, ne sont pas en mesure d’appréhender toute la complexité humaine et sociale pour prendre les bonnes décisions à la place des acteurs eux-mêmes, les mieux placés pour juger de ce qui est bon pour eux.
Les individus ne sont pas les pions d’un échiquier que seuls les hommes de l’État peuvent gérer rationnellement et centralement. Au contraire, l’État doit tout faire pour que les individus restent le centre du jeu et des décisions qui y sont prises. Ainsi la route de la liberté peut se substituer à celle de la servitude.
REMETTRE L’ÉTAT À SA PLACE EN SORTIE DE CRISE
En référence à des théories récentes américaines (Daron Acemoglu, James Robinson, Tyler Cowen), il est recommandé de limiter le pouvoir de l’État vis-à-vis des libertés individuelles dans un esprit de laissez-faire tout en évitant le chaos d’une absence de régulation et d’intervention pour promouvoir l’égalité des chances par l’éducation, le marché libre, la concurrence, l’innovation, les infrastructures structurantes.
Le programme est donc tout trouvé : réduire le fardeau des règlements bureaucratiques ubuesques, contractualiser les missions sociales de l’État avec obligation de résultats plutôt que de moyens, déployer des programmes en responsabilisant directement les citoyens, mettre en concurrence les administrations publiques avec des services privés.
Faire le pari de la personne humaine, de son autonomie de décision doit évidemment être le programme de sortie de crise, de retour à la normale accompagné du reflux de la dépendance à l’État non seulement du point de vue sanitaire mais aussi du point de vue économique.
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