André Dorais
Le Bureau de la concurrence a déposé des accusations criminelles contre 13 individus et 11 entreprises du Québec pour avoir participé à un complot visant à fixer le prix de l’essence à la pompe. La commissaire dudit bureau, Sheridan Scott, a déclaré que «la fixation des prix prive les consommateurs des avantages d’un marché concurrentiel, par exemple un prix plus bas.» Doit-on lui rappeler que le gouvernement du Québec impose une limite à la baisse des prix de l’essence ? Que cette politique est également appliquée au prix du lait et aux salaires ? Que ce gouvernement fixe aussi les prix des services de garde, des boissons alcoolisées, de l’électricité et de plusieurs autres produits et services ? Pourquoi ce qui est juste pour le gouvernement est-il injuste pour les pétrolières ?
La fixation des prix de l’essence sur un territoire donné ne peut jamais durer longtemps. Tôt ou tard les membres les plus efficaces d’une collusion cherchent à la quitter pour attirer la clientèle vers eux, quand ce n’est pas déjà fait par un entrepreneur externe à l’entente, qui a su saisir l’opportunité. Le marché de l’essence est beaucoup plus concurrentiel que ne le sont les services offerts par l’État. On crie au scandale à constater qu’une poignée d’individus se sont entendus pour fixer les prix sur des territoires relativement petits, mais on accepte les monopoles d’État établis à l’échelle d’un pays !
Si l’on veut davantage de concurrence sur les prix de l’essence, alors qu’on abolisse la politique du prix minimum et qu’on laisse les entrepreneurs fixer les prix à leur guise. La concurrence viendra tôt ou tard les rappeler à l’ordre. De manière générale, si le Bureau de la concurrence juge que celle-ci permet de mieux servir les consommateurs, alors pourquoi ne demande-t-il pas aux gouvernements d’abolir leurs monopoles ? Ce Bureau ne connaît pas la concurrence, il ne fait qu’obéir à la Loi qui dit une chose et son contraire. En effet, pourquoi exiger la concurrence des prix uniquement de certains produits et services si elle est toujours profitable aux consommateurs ? Si on en a contre la fixation des prix, c’est aux monopoles qu’on doit s’en prendre puisqu’ils les fixent à beaucoup plus grande échelle que les pétrolières n’en sont capables.
Les propriétaires des stations d’essence visés par ledit Bureau n’ont jamais volé personne et ils laissent beaucoup plus de choix aux consommateurs que l’État ne le peut avec ses monopoles. Les politiciens, intellectuels de l’État et une bonne partie de la population attribuent aux pétrolières la hausse des prix de l’essence et d’une multitude de produits qui en dépend. Ainsi, lorsque certaines d’entre elles sont déclarées coupables de fixation des prix, ils sont confortés dans leurs convictions et ils ne manquent pas l’occasion de faire entendre leur frustration teintée de joie. Ça soulage ses bas instincts, mais ne prouve rien. En effet, la fixation des prix met plus d’argent dans les poches de ceux qui la pratique, le temps qu’elle dure, mais elle n’explique aucunement la hausse importante des prix de l’essence des dernières années.
La fixation des prix de l’essence par quelques individus et entreprises est un crime uniquement parce que l’État le veut ainsi. C’est relativement sans importance lorsqu’on réalise que les véritables coupables de la hausse du prix du pétrole, des métaux et des denrées alimentaires des dernières années sont les gouvernements eux-mêmes. Pour en arriver à cette conclusion, on doit se tourner vers un autre monopole d’État, soit celui sur la monnaie.
Tous les gouvernements du monde, ou presque, monopolisent leur monnaie respective. Ils pensent qu’il ne peut en être autrement. Ils ne voient aucun inconvénient à en «imprimer» à la tonne tant et aussi longtemps que l’indice des prix à la consommation est relativement bas. Or, malgré que l’on entende souvent parler de cet indice, sa scientificité est douteuse, pour ne pas dire nulle (voir Qu'est-ce que l'inflation? par Frank Shostak). Je ne crois pas qu’il s’agisse tant de complot que d’ignorance. Toujours est-il que l’inflation est plus importante que ne l’indique cet indice. Cet écart permet aux banques centrales, sous le contrôle gouvernemental, une marge de manœuvre qui leur permet d’émettre plus de monnaie et, via la réduction du taux directeur, d’encourager les banques à émettre plus de crédit. Ils voient en ces moyens des remèdes, alors qu’ils sont plutôt la source du mal, c’est-à-dire l’inflation à proprement parler. La hausse des prix des biens et des services n’est que la conséquence dominante, mais non exclusive de l’inflation.
Une monnaie et un crédit abondant conduit à l’effervescence de marchés qui finissent inévitablement par s’écrouler. Ces cycles économiques peuvent affecter certains marchés plus que d’autres comme ils peuvent être dévastateurs pour l’ensemble d’une société, voire de plusieurs d’entre elles. Cette dernière possibilité est d’autant plus grande que les experts censés y voir clair ne font qu’ajouter à la confusion. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’il y a maintenant plus de 70 ans qu’ils s’en remettent toujours plus à l’État, source du mal, pour corriger les problèmes ?
C’est une incompréhension du marché et des libertés qu’il sous-tend qui est à la base des accusations injustifiées à son égard et des pétrolières en particulier. Si les gouvernements poursuivent dans cette voie, soit de chercher des coupables ailleurs qu’en eux-mêmes, les réjouissances teintées de hargne seront vite remplacées par une plus grande pauvreté. Plutôt que d’imprimer de l’argent à la tonne et de proposer une énième réglementation sous le prétexte de corriger la situation, ils devraient se demander s’ils ont toujours le contrôle de l’État qu’ils prétendent gouverner. Qu’ils le réduisent. Que les monopoles fassent place à la concurrence. Ils gagneront ainsi en crédibilité lorsqu’ils prétendront attraper des coupables de fixation de prix.
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