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24 août, 2020

La cancel culture envahit le lycée : on évince des auteurs

 La Cancel Culture sape l’apprentissage et nuit à des étudiants comme moi.

Un article de The Foundation for Economic Education

La cancel culture met en péril l’éducation de millions de jeunes.

Dans mon cours d’anglais de dixième année (classe de seconde en France, NdT), comme beaucoup d’autres élèves américains, j’ai lu certaines des œuvres du regretté Joseph Conrad, grand voyageur et écrivain captivant.

Mais ma classe n’a pas analysé les livres de Conrad comme le faisaient mon père ou mon grand-père quand ils avaient notre âge.

Au lieu de discuter de la façon dont ses œuvres ont façonné les auteurs à venir et de la modernité de ses romans, nous avons débattu de la question de savoir s’il fallait ou non l’enseigner en classe.

Nous n’avons pas étudié ses histoires d’exploration et ses drames qui ont captivé les nombreux auteurs ayant façonné la psyché occidentale ; nous avons plutôt eu de longs débats pour savoir s’il fallait ou non l’exclure entièrement du canon littéraire à cause de certains de ses propos insensibles à la race, qui étaient courants à son époque.

Pour dire les choses simplement, on nous a appris à jeter le bébé avec l’eau du bain, à évaluer des personnages du passé comme Conrad selon des critères modernes sans signification pour ceux de leur époque, et à ignorer ceux qui ne pouvaient pas satisfaire à de telles normes hors des bibliothèques de nos écoles.

Un an plus tard, j’ai vu la cancel culture s’intensifier avec la nature capricieuse du débat politique de 2020, dont les cibles actuelles sont certains des philosophes et écrivains les plus importants de l’humanité comme Aristote et Shakespeare. Bien que les conséquences immédiates soient difficiles à voir, notre jeunesse – l’avenir de notre nation – finira par devoir payer le prix de la cancel culture américaine.

Certaines écoles du pays, poussées par des activistes et des influenceurs à embrasser la cancel culture, ont commencé à se concentrer sur les dommages supposés des mots hors de leur contexte sans comprendre leur signification plus large dans un texte.

Par exemple, en 2019, des membres du gouvernement de l’État du New Jersey ont tenté de retirer Les Aventures d’Huckleberry Finn de Mark Twain des établissements scolaires de l’État, en invoquant l’utilisation de nombreuses insultes et stéréotypes raciaux.

Mais ce livre du XIXe siècle, qui partage le titre de « Grand roman américain » avec des ouvrages tels que Gatsby le Magnifique et Ne tirez pas sur l’Oiseau Moqueur, est en fait un livre antiraciste. Il démasque les mensonges racistes qui ont servi à justifier l’esclavage pendant des siècles, tout en mettant en avant l’humanité des personnages réduits en esclavage et en apportant un message d’égalité aux lecteurs.

Malheureusement, la foule myope qui veut interdire ce livre dans les écoles n’a pas réussi à en comprendre le sens de manière critique. L’utilisation du mot en N dans le roman pour mettre en avant des attitudes racistes a incité de nombreuses personnes à faire pression pour qu’il soit retiré du canon littéraire américain. Certaines écoles ont déjà tenu compte de leurs propos.

L’idée est que le retrait d’un tel roman protégera les écoliers de la nation contre les mots et les sentiments racistes, mais ce ne sera pas le véritable résultat.

En retirant Les aventures de Huckleberry Finn de nos écoles, nous perdons l’un des livres antiracistes les plus influents de notre époque.

L’annulation continue d’ouvrages anciens alors que nous actualisons notre définition du terme éveillé ou de politiquement correct entraînera l’effacement de nos œuvres les plus importantes en tant que genre. Il n’y aurait plus d’erreurs historiques dont on pourrait tirer des leçons, ni de succès à admirer.

Nous resterons sur un moment historique artificiel et isolé – et si nous ne pouvons pas enseigner aux jeunes de ce pays les problèmes du passé, ils seront amenés à les reproduire à l’avenir.

Le roman de Mark Twain était évidemment un roman qui critiquait le racisme, mais qu’en est-il des personnages qui soutenaient carrément des opinions sectaires ? Doivent-ils être jetés aux poubelles de l’Histoire ?

Aristote, qui est considéré comme l’un des plus grands philosophes de tous les temps, était lui-même ouvertement favorable à l’esclavage. Il y a quelques semaines, le New York Times a publié un article qui protestait contre la suppression d’Aristote au motif de ces opinions. Il a été critiqué par des professeurs tels que Bryan W. Van Norden, qui a déclaré que « les professeurs doivent également se rappeler que parmi nos étudiants, il y a des gens qui ont ressenti directement les conséquences pratiques des vues haineuses d’Aristote ».

Aujourd’hui, bien sûr, personne (et surtout pas moi) ne soutient que nous devrions défendre les vues d’Aristote contre l’égalité, qui appartiennent à l’Antiquité. Mais il est important de se souvenir de ses contributions positives à la théorie politique moderne, à la physique, à l’économie et à la psychologie, des choses que nous considérons, à l’ère moderne, comme faisant partie intégrante de la civilisation occidentale.

Devrions-nous rejeter le reste des pensées et des idées d’Aristote à cause de quelques pommes pourries ? Nous perdrions certains des fondements mêmes du monde moderne.

En outre, il est déraisonnable de soumettre les croyances odieuses des personnages anciens aux normes éthiques modernes. Au lieu d’ignorer l’ensemble de leurs pensées, nous devrions comprendre leurs limites et les enseigner à notre jeunesse, afin qu’elle comprenne pourquoi notre société les juge inacceptables.

Tout cela étant dit, la déclaration du professeur Van Norden a d’abord trouvé écho en moi. En tant que juif, j’ai eu l’occasion d’assister à des spectacles tels que Le Marchand de Venise de William Shakespeare, qui contient une représentation très stéréotypée du peuple juif. Nombre de ces stéréotypes ont influencé des siècles de sentiment antisémite en Europe et dans le monde.

Néanmoins, j’ai compris que les autres œuvres du poète, MacbethRoméo et Juliette et Hamlet, ont eu un impact positif profond sur la littérature. Rassurez-vous, je n’essaierai pas de supprimer Shakespeare de sitôt.

Le fardeau d’une société qui condamne sans cesse les vieux clichés, alors que les normes progressistes changent avec le temps, repose sur les étudiants américains. Ce n’est rien de moins qu’Orwell : hier, en guerre avec l’Eurasie, demain, en guerre avec l’Austrasie. Hier, en lisant Aristote, demain, en brûlant ses œuvres au nom du progressisme.

J’ai présenté mon expérience des romans de Joseph Conrad au début de cet article pour une raison très importante : l’introduction alternative à ses romans que ma classe a reçue n’était pas un simple avertissement préliminaire. Elle annonçait un long et sombre chemin de censure littéraire, un chemin qui continuera à limiter considérablement les domaines intellectuels dans la poursuite d’une société sans offense, au prix de nos textes les plus chers : une société où « l’ignorance, c’est la force. »1

Traduction par Pierre-Yves Novalet de Cancel Culture Is Undermining Learning and Harming Students like Me

  1. Expression tirée du roman de George Orwell, 1984↩

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